Posté le : 06/02/2022 00H04
La cloche de l’ancienne école sonne sept coups. Le jour se lève. Le responsable de l’hôtel, Guillaume Bardot, 54 ans, fait le tour des chambres et des dortoirs pour réveiller toute la troupe, et va prévenir la garde de l’Empereur que le petit déjeuner est servi.
Dans l’écurie, c’est l'effervescence. Il faut préparer quarante chevaux ! Hantz Burg et ses palefreniers, Vivien Pferd et José Stock sont à pied d’œuvre. ils avaient déjà tout préparé la veille, et sont en train de seller les chevaux recouverts au préalable d’une chaude couverture.
Tout le personnel des Thermes est là pour aider les soldats à se vêtir. Chaudement, car il gèle dehors !
J’arrive aux Thermes aux commandes de ma chariote à vapeur. Je sors nu de la chariote et je m’engouffre prestement dans l’établissement. Après une douche bien chaude, je me présente devant Charlemagne.
« Votre Majesté, je vous invite à faire le trajet à bord de ma chariote jusqu'à l’abbaye des Glandières, vous voyagerez bien au chaud !
- Ce sera avec le plus grand plaisir, Maître Forgeron du Royaume. Au retour, je te nommerai Maître Forgeron de l’Empire !
- Votre Majesté est trop bonne... Inutile de vous habiller. dans la chariote, il fait une chaleur d’enfer ! Agnès Hune, notre buandière de 17 ans, fera le voyage avec nous. Elle s’occupera de vos impériaux vêtements, ceux que vous revêtirez à l’abbaye. »
Le moment du départ est arrivé. Un grand chariot tiré par deux chevaux est rempli de victuailles, pour se nourrir sur place. Il y en a bien assez pour nourrir aussi tous les habitants de l’abbaye ! À bord, Josiane Lutz et Marianne Tritz , les cuisinières qui s’occuperont du repas. Et les jumelles Marlène et Hélène Basin, qui feront le service. Le chariot sera mené par Hantz Burg en personne !
Les soldats vont à l’écurie reprendre leurs montures. L’Empereur monte dans la chariote et confie son manteau à Agnès. Je m’y installe, et nous ouvrons la marche, en roulant doucement sur le sol gelé.
La veille, à l’aide de la lame devant la chariote, Roger avait dégagé la neige. Et comme elle a cessé de tomber, j’ai pu démonter la lame, ce qui nous allège.
Il est huit heures sonnantes quand le convoi franchit le portail est. Les gardes Gretel Wilkinson et Georgette Fart viennent de prendre leur poste, et ouvrent grands les deux battants du portail, en saluant l’Empereur et la troupe.
Le voyage se passe sans encombre. Les soldats sont partis devant pour s’assurer que la route est bien libre.
Charlemagne est ravi d’être au chaud. Et en ravissante compagnie, ce qui ne gâte rien. Si Jacou ne lui avait pas interdit la gaudriole, il aurait bien profité de la fraîcheur de son habilleuse...
« Tu me plais beaucoup, sais-tu, mignonne !
- Dès que votre Majesté le souhaitera, je serai à votre disposition... »
Et la troupe arrive en vue de l’abbaye. Il est bientôt neuf heures. Les gardes de l’Empereur sont devant le portail :
« Ouvrez, au nom de l’Empereur Charlemagne ! »
Pierre Gross, le chef des gardes de l’abbaye, donne aussitôt l’ordre d’ouvrir.
Nous mettons tous les trois nos chausses fourrées. Je sors le premier. J'enfile mon manteau. Agnès, qui s'est déjà tout habillée à l’intérieur pour ne point trop perturber la piété des moines, sort à son tour. . Elle présente à Charles la tunique impériale et le manteau de pourpre et d’hermine. Il s'en revêt prestement. Puis elle le coiffe de sa couronne et s’écarte avec respect.
Simon de Beauvoir, l’archiprêtre dirigeant l’abbaye s’avance dans la neige qui crisse sous ses pas :
« Quel honneur, votre Majesté ! Au nom du pape Léon III, représentant de Dieu sur la Terre, et au nom de tout le clergé, nous vous souhaitons la bienvenue en nos murs !
- Je suis touché par votre accueil. Mais entrons vite, ce sera sûrement plus confortable à l’intérieur !
- Certes. Si Votre Majesté et son escorte veulent bien me suivre… »
Et tous pénètrent dans le réfectoire de l’abbaye, chauffé correctement.
Pierre prend en charge le chariot et les filles, pour les mener à l’office. Hantz, à l’aide de quelques moines, emmène les chevaux à l’abri.
Simon de Beauvoir indique un trône dressé là pour l’occasion, et Agnès débarrasse l’Empereur de son manteau d’hermine, avant de s’éclipser discrètement pour rejoindre les filles à l’office. Car une présence féminine ne saurait être bienvenue lors de ces conversations entre le clergé et l’Empereur, elle le sait bien...
Les discussions vont bon train entre Simon de Beauvoir et Charlemagne. On discute de religion, de l’emprise du clergé sur la population et de son contrôle, on parle de Sa Sainteté le pape Léon III, et de son emprise sur la Lombardie, grâce à Charlemagne et à son armée…
Mais on parle aussi des filles de Falkenberg, actuellement en résidence à Durandalem... L’archevêque souhaiterait que l’Empereur ordonne à Jacou d’en envoyer quelques-unes ici, pour satisfaire les gardes. Eux, ils n’ont pas prêté serment à Dieu et n’ont pas fait vœu de chasteté !
« Je n’ai aucun ordre à donner à Jacou, rétorque Charlemagne. Au village, je suis son hôte, et non son Empereur ! Néanmoins, je vais intercéder en votre faveur pour que votre requête soit entendue...»
Les soldats de l’Empereur sont attablés dans une pièce annexe, servis par les moines, mais aussi par les filles venues de Durandalem. Les pichets de vins apportés dans le chariot sont fort sollicités, et quelques moines se laissent eux aussi tenter par ce nectar. C'est un très gouleyant vin de Bourgogne, envoyé spécialement pour le village par les négociants en vin de Lugdon.
Un moine arrive, il murmure un mot à l’oreille de Simon, qui dit :
« On me fait savoir que votre Majesté peut, si elle le désire, passer à la salle à manger. Le repas est servi ! »
Dans l’office, je fais savoir à l’abbé Jean Christian, le second de Simon de Beauvoir, que j’ai avec moi quelques fioles que m’a confiées Jacou. Notamment, ajouté-je en souriant, celle qui dégrise et retape en un instant celui qui a trop bu. Vu l’avidité avec laquelle certaines de ses ouailles consomment, cela pourrait servir.
« Grand merci, Robert... Effectivement, je le crains, nous risquons d'avoir besoin de tes potions magiques à la fin du repas ! »
Ledit repas est succulent. Les cuisinières des Thermes, assistées de moines de l’abbaye, ont servi un banquet digne de l’Empereur. Il les félicite pour ces mets, tous plus délicieux les uns que les autres.
Les soldats ont fait bombance. Pierre suggère à l'Empereur que quelques-uns des soldats pourraient prendre le relais des gardes de l’abbaye. Ainsi lesdits gardes pourraient eux aussi profiter de ces excellents mets... Charlemagne lève une main. Aussitôt, sa garde personnelle se lève et va relever les gardes sur les remparts.
« J’ai toute confiance en eux, soyez certains qu’ils ne failliront pas ! dit-il à Simon. Quand les beaux jours reviendront, vous viendrez, vous et ceux de Durandalem, passer du bon temps dans mon fief d’Aix !
- Votre Majesté nous honore, en nous invitant en ses murs. C’est un privilège qui nous touche ! »
La visite de l’abbaye débute par la chapelle. L’Empereur et Simon de Beauvoir s'y recueillent un moment.
Puis l'on passe aux caves. Là sont fabriquées diverses liqueurs à base de fruits d’Austrasie : pommes, raisins, quetsches, cerises, poires... On en tire d’excellents alcools distillés et macérés.
Enfin, l’Empereur visite les cellules des moines. Ils vivent de façon austère, loin des conforts de la haute société bourgeoise. Néanmoins, chaque cellule est équipée d’une douche, et le système d’eau chaude que j’ai installé il y a quelque temps fonctionne parfaitement.
« Votre Majesté, dis-je, sans vouloir vous commander, il se fait tard, et il serait prudent de retourner à Durandalem avant la nuit !
- Tu as raison, Robert le Schmit ! Il est temps de prendre congé de nos hôtes... »
Et pendant que Charlemagne fait ses adieux à Simon de Beauvoir et à ses disciples, je prépare la chariote, en lançant vivement le feu qui était en veille. Au bout d’un temps, la pression est à nouveau suffisante. Nous pouvons partir !
Les chevaux sont sortis des écuries. Hantz veille à ce que tout se déroule bien, et les soldats enfourchent leurs montures. Les filles remontent à bord du chariot vide. Toutes les denrées et boissons restantes ont été laissées à l’abbaye.
Agnès est devant la chariote, Quand Charlemagne arrive, elle lui enlève son manteau, et le masquant à la vue, elle lui enlève aussi sa tunique, le faisant monter nu dans la chariote.
Puis elle monte dans la chariote et se déshabille tant bien que mal à l’intérieur, où règne une chaleur d’enfer. Il est temps que nous démarrions. Je tombe les habits à mon tour, et je m’installe nu aux commandes. Je referme la porte, nous voilà prêts. Pierre donne l’ordre d’ouvrir le portail, et la troupe se met en branle, avec la chariote en tête escortée à cheval par la garde de l’Empereur. Direction Durandalem !
Le voyage se passe sans problème. Le soleil de midi a fait un peu fondre la glace, apportant une meilleure adhérence aux roues de la chariote. Il est dix-sept heures quand notre convoi est de retour devant le portail est.
Albert Fart et Georges Frisch sont de garde.
« Qui va là ? » lance Albert du haut des remparts. « Ouvrez, au nom de l’Empereur ! » dit un des gardes à cheval.
Il nous avait bien sûr reconnus, mais le protocole doit être respecté, c’est la même consigne depuis trente ans !
Albert et Georges se vêtent prestement, et descendent ouvrir les deux battants du portail pour laisser entrer la troupe.
Tous sont contents d'être de retour. Les soldats déposent les chevaux aux écuries des Thermes, où les palefreniers les prennent en charge. Hantz y emmène aussi le chariot vide.
Puis Charlemagne sort de la chariote, nu, et se dépêche d’entrer dans les Thermes. Il est suivi de près par Agnès, qui porte ses habits, et qui les dépose à l’entrée afin que les buandières les prennent pour les laver.
Quant à moi, je conduis la chariote jusqu’à la grande forge. Mon gendre Jérémoy me fait alors savoir qu’il a bricolé quelque chose d'intéressant, et qu'il va me le montrer.