Posté le : 31/08/2020 23H11
La suite devant la cour d'appel à Nîmes 1
C'est demain le 1. septembre où le cour d'appel a la possibilité de revenir sur ma condamnation devant le tribunal correctionnel de l'année dernier. Je me sens prêt et la morale est bonne, aussi grâce au soutiens de l'APNEL, donc de vous. J'ai préparé une déclaration sur le fond de l'affaire et je pense (j'espère) que cette fois-ci j'ai la possibilité de la faire devant les juges. Ce n'est pas une déclaration juridique, car c'est bien le "job" de maître Picard qui m'assiste comme avocat. C'est une déclaration de bon sens basé sur mes valeurs et ma compréhension de la justice. La voici :
Comment est-ce possible de lier quasi automatiquement l'état de nudité du corps à un acte sexuel ? Autrement dit, est-ce qu'il s'agit automatiquement d'un acte sexuel si un attribut sexuel est visible quelque soit la circonstance ?
Est-ce que ce n'est pas plutôt la personne qui amène son regard sur un corps nu, qui fait la liaison par le filtre de sa vision du monde, par son propre rapport au corps et à sa propre sexualité, avec un acte sexuel n'existant objectivement pas ?
Pour prendre un exemple : encore aujourd'hui, le simple fait qu'une femme ne cache pas sa chevelure est interprété dans certains pays comme délit avec une loi qui se base sur une interprétation religieuse. Dans ces pays la visibilité des cheveux des femmes est jointe automatiquement à l'excitation sexuelle supposée des hommes. Donc ce n'est pas l'état de la femme avec ses cheveux visibles, c'est le spectateur qui interpréte l'état non couvert des cheveux comme un fait sexuel.
Certes, c'est un exemple extrême, mais il montre bien à mon avis l'absurdité de ma situation: où l'on interprète le manque de maillot pour couvrir une partie de mon corps comme un acte sexuel, où en réalité cet acte sexuel existe uniquement dans l'interprétation de la personne qui m'a cherché avec son regard à partir d'une distance d'environ 60m. Ainsi, mon état de nudité dans les circonstances telles qu'elles ont eu lieu, se transforme aussi en délit uniquement par l'interprétation de cette loi qui vise la nudité (de quelles parties du corps d'ailleurs ?) imposée et liée à un acte sexuel.
Pour moi, la question de fond aujourd'hui est : est-ce qu'on peut être jugé coupable dans cette France du 21ème siècle pour un "état de nudité" sans intention de l'imposer et sans action ou geste pour tirer une quelconque excitation ou satisfaction sexuelle et sans acte obscène ou lubrique ?
Il y a 20 ans j'ai choisi la France comme pays adoptif. Ma vision de la France était celle d'un pays où la liberté et les droits de l'homme sont universels et garantis par la constitution, d'un pays où les forces de l'ordre sont nommées gardiens de la paix. J'ajoute volontiers à la liberté la fraternité, parce qu'il faut de la fraternité pour bien vivre ensemble avec nos différences, sans pour autant imposer un point de vue à l'autre. La laïcité en est un bel exemple. Aujourd'hui je suis choqué, non seulement par cette condamnation, mais aussi par l'intervention et le comportement des forces de l'ordre dans cette affaire. Peut-être trouverez-vous cela prétentieux, mais je tiens à le dire quand-même : Au lieu de me traiter d'emblée comme un délinquant, il était aussi imaginable que les forces de l'ordre expliquent aux gens se plaignant que mon comportement n'a rien de nature sexuelle et lubrique, que je n'impose pas la vision de mon attribut sexuel car pas visible à cette distance et que je suis dans mon bon droit.
Pour moi la vraie question derrière cette condamnation pour exhibition sexuelle est tout simplement la question de savoir si dans cette France qui a fait briller les lumières pour chasser l'obscurantisme, qui a allumé la flamme de la liberté en Europe il y a 230 ans, s'il est possible dans ce pays d'être jugé coupable pour la liberté d'exposer son corps en état de nudité au soleil, dans un coin reculé, sans plus.
Aujourd'hui je me sens discriminé et sali pour le simple fait d'avoir pris la liberté de me comporter d'une manière naturelle. Une liberté qui je pense est garantie par la constitution de ce pays, par la déclaration universelle des droits de l'homme et en conséquence par les lois qui en résultent. C'est pourquoi je vous demande à être lavé de cette condamnation absurde par une relaxe pure et simple.
La liberté ne s'use que si on ne l'exerce pas.
Peter Misch