Nouvelles naturistes enfin publiés (extrait !)
Bonjour,
Mes Nouvelles naturistes sont enfin sorties !
http://www.edkiro.fr/nouvelles-naturistes
http://www.syblio.com/nouvelles-naturistes
Je vous propose en exclusivité la lecture de la nouvelle qui introduit le recueil.
Le livre est en vente libre dans toutes les bonnes librairies ou en ligne chez l’éditeur et bientôt sur fnac.com et autres…
Durant ce printemps et été 2013, je souhaite organiser une tournée des nouvelles dans les clubs, centres ou associations naturistes. Vous pouvez me joindre sur mon courriel : franck.franckditbart@laposte.net.
Dans le numéro d’avril de Naturisme magazine, vous trouverez mon interview par Jean-Luc Bouland.
Fraternité naturiste à toutes et tous et j’espère à bientôt de vos nouvelles naturistes justement !
Franck dit Bart
MARCO SOLO
Seuls les petits chiens et les petits enfants savent observer avec minutie.
Ezra POUND
Moi c’est Marco. J’ai cinq ans. Je vis avec Maman Martine. Papa est parti en voyage. Ça fait longtemps que je l'ai pas vu. Il est loin. Il a oublié d'écrire et nous parler au téléphone. Il doit être très occupé. C’est une drôle d’histoire. Je vous la raconterai peut-être un jour.
Il fait nuit. Maman vient juste de m’embrasser. Elle sentait pas bon. Une odeur caca boudin comme si elle avait bu du mauvais parfum. Quand elle rentre du boulot, elle se dépêche. Elle se jette sur une bouteille qui a une étiquette jaune avec des dessins. Il y a un w écrit dessus. Ça j’en suis sûr. Je sais pas encore lire, mais je reconnais des lettres. Et puis, j’aime bien le w. La maîtresse dit toujours que c’est une lettre qu’on ne rencontre pas souvent. Alors moi, je m’amuse à la chercher partout dans mes albums, les revues de maman et sur les affiches des pubs. Je suis un chasseur de w. Et puis, cette chasse, elle ne tue pas les animaux et ne fait de mal à personne.
Bon, maintenant, il faut me laisser dormir. Je suis fatigué. C’est sûr, je vais rêver d’Aïcha. Aïcha c’est ma copine. Elle a de jolis yeux sombres et des cheveux qui sentent bon le soleil. Tiens, c’est vrai, mon doudou la Singette ne fait plus de bêtises. Elle dort déjà. Chut, c'est mon tour.
Fermez les petits pois, fermez les petits pois…
La maîtresse, c’est une autre maman pour mes camarades. Abdoulaye le veinard, il s’en fiche. Il en a déjà trois pour lui tout seul. Pedro, la sienne, est moche toujours en noir. Il lui pousse des moustaches Je lui ai jamais dit, sinon on aurait fait la baston, et moi j’aime pas la baston. La mère d’Umakanth est bronzée toute l’année avec un point rouge au milieu du front et porte des tissus de toutes les couleurs. La maman de May, c’est tordant, elle a les yeux allongés sur les côtés et ça lui va bien. Et puis May, faut que je vous dise. L’embêtez pas. Même pour rire, elle tape et crie fort. Jean-Marc est méchant. Il embête tout le monde. Même la maîtresse, elle le punit tout le temps. Il a les cheveux jaunes. Sarah a toujours des gâteaux dans ses poches que tend sa maman juste avant de rentrer en classe. Et puis, il y a Rose. Rose a les cheveux couleur feu. Elle est un peu zinzin. Elle veut toujours enlever ses vêtements.
Des fois dans mes rêves, je vois la maman d’Aïcha qui me sert très fort dans ses bras. Elle m’emmène dans sa maison, Elle retire le chiffon sur sa tête. Elle me laisse toucher et sentir ses cheveux. Aïcha n’a plus l’air triste et me prend la main. On s’en va dans les champs. J'lui cueille des fleurs. Je sais qu’elle adore ça. Elle dit rien. Oui mais je la connais.
La maîtresse, elle a des lunettes vertes, un pantalon, une chemise et puis une blouse avec plein de tâches de peinture et un chignon. Elle est très grande. Des fois, elle doit se pencher pour pas toucher le plafond. C’est pour vous dire ! Elle regarde jamais le soleil en face. Je sais pas pourquoi. Elle a peut-être peur qu’il la morde. Gwendal est Breton. Il dit que la Bretagne, c’est le plus beau pays du monde. Il dit, quand il sera grand, il s'ra le mari de la maîtresse. Moi j'lui réponds : elle est trop vieille pour toi. Choisis plutôt Marthe. Elle est à ta taille. Ça, c’est vrai.
Micheline, c’est le prénom de la maîtresse. Elle est sévère. Elle nous laisse pas faire ce qu’on veut. Quand j’étais chez les petits. C'était chouette chez Odette, et puis elle était très jolie Odette. Elle nous donnait des bisous et elle riait tout le temps. J’aimais bien l’école. Ça me changeait de la maison. Avec Micheline, c’est travail, travail. Elle dit tout le temps : attention c’est sérieux, dans moins d’un an le CP. Je vais vous préparer mes p'tits loups.
J’ai demandé à Maman pourquoi elle nous appelait comme ça. Moi j’ai les dents qui tombent et elles repoussent. Mais j'suis pas un p'tit loup. Les loups ils mangent de la viande pas cuite et sans sauce. Moi, j’aime pas ça. Maman m’a dit que c’était un mot gentil pour parler des enfants. Moi j'la crois pas. Dans les histoires, les loups ils nous mangent et ils sont méchants. Bien sûr, c’est des histoires, mais quand même ! Avec Micheline, on fait pas de gym. Elle a une patte plus courte que l’autre. Ça lui fait mal quand y pleut ou y neige. Encore heureux, à la piscine, y a un monsieur poisson qui s’occupe de nous dans l’eau et un car pour nous emmener. Micheline, elle garde ses vêtements. Elle veut pas toucher l’eau. C’est une vraie poule mouillée.
C’est bête, Aïcha vient pas. Sa mère veut pas. Abdoulaye est très fort pour la bagarre. Y reste dans le petit bain, le bébé ! C’est le papa de Nadja qui vient. Y se baigne avec nous. Il est géant, la peau brune, les yeux bleus comme de grosses billes et les cheveux longs qui bougent comme des vagues. Il est très sympa. C'est drôle, il reste souvent dans la cour. Il choisit un petit coin. Y nous regarde. Un crayon à la main, il écrit des choses. Il apprend à voir comment on joue sans parler. C’est quelque chose de très compliqué. C’est ce qu’il dit. Moi je trouve pas. Le con, il sait pas jouer comme nous. Nadja nous dit toujours je suis Kabyle. Aïcha est Arabe et se moque de Nadja. Elles parlent d’ayatollahs et sortent des gros mots comme ça. Moi je comprends pas, et elles se mettent à crier. Alors j'me mets entre elles et je crie plus fort : arrêtez, vous êtes des copines. Elles se calment. Quand j’ai le dos tourné, elles recommencent. C’est caca les filles. Pourquoi elles sont comme ça ? Moi j'crois surtout qu'Aïcha est jalouse du papa de Nadja. Il vient chercher sa fille à l’école. Il est gentil avec elle. Il invite des fois tous les enfants de la classe goûter à sa maison. Il travaille à l’unni-verssss-thé. Je crois qu'c’est une école pour les très grands. J'ai pas envie de demander à Maman. Les claques et les cris, non merci. Sa femme à lui est kiné. Elle répare les muscles des gens tout cassés. Aïcha, son père, est vieux. Il travaille plus du tout.
Rose veut pas mettre son maillot de bain. Ses parents sont venus parler avec la maîtresse. Chaque fois elle lève les mains, comme pour attraper le ciel. C’est toujours la même chose. Elle gueule : laissez-moi, laissez-moi, je veux pas. Elle nous raconte qu’en vacances et le dimanche, elle va dans des lieux où tout le monde vit tout nu. C’est dégueulasse. Mais elle adore ça. Elle a plein de copains et copines de tous les pays. Ils s’amusent bien. Ils sont tranquilles. Les grandes personnes les embêtent pas. C’est dommage qu’elle soit comme ça, pass'qu’elle nage comme un poisson.
Après l’école, c’est la nourrice qui vient m'chercher. Elle me fait goûter, prendre mon bain, me laisse jouer avant de manger. Quand elle part, Maman arrive. Elle a les yeux rouges et est très énervée. Elle m’engueule pour n’importe quoi et me colle au lit sans câlin et sans histoire. Alors des fois, je pleure. J'l’appelle et elle dit :
– Tu me fais chier. Tu t'imagines sans doute que je n’ai pas eu une journée assez difficile, et si en plus tu rajoutes ta couche... Bon dieu, qu’est-ce que j’ai fait pour mériter cette vie-là ?
Elle me donne un bisou sur le front. Elle claque la porte. Moi je pleure encore. Je souhaitais une maman et un papa qui soient gentils et doux avec moi. Un papa et une maman qui s’aiment pour de vrai.
J'veux pas qu'on me voie pleurer. Partez, vous aussi. Laissez-moi seul. Encore heureux j’ai la Singette. Elle me comprend. Je la berce. On s’endort.
Fermez les petits pois, fermez les petits pois…
Maman me secoue, me réveille, me pousse à m’habiller, lace mes chaussures, me fourre un croissant dans la bouche, et en courant, on va à l’école. Elle me laisse à la garderie. Les animatrices sont sympas. J’ai encore sommeil. J'ai pas envie de jouer avec elles.
Ce matin, la maîtresse, elle est pas là. Elle est malade. Zohra, la dame qui nettoie la classe et aide Micheline, est venue nous chercher. Y'a une remplaçante. Elle est blonde, les cheveux longs, porte des lunettes rondes, une salopette et une barbichette. Tout de suite on s’est moqué : oh la chèvre, oh la chèvre… Très calmement elle nous a fait asseoir autour d’elle et a ri. On a vu qu’elle avait une drôle de voix. Elle a dit comment elle s’appelle. On a tous ricané. Francis nous a chanté une chanson Faut rigoler, d’un monsieur Boris Vian, pour ne pas perdre le moral il disait. C’était bien. Abdoulaye se tapait sur le ventre, les Gaulois le rendaient caca prout-prout. Y’avait pas qu'lui. Moi aussi. C’était vach’tement bien. Il nous a demandé ce qu'on faisait avec Micheline. On en avait plus que marre du petit train qui entre sur le quai, avec le chef de gare qui donne les ordres. Il a vite compris. Il nous a proposé des danses un peu folles et puis des rythmes en tapant dans ses mains, sur ses joues, sur ses cuisses et avec des instruments. C’était dingue, Aïcha qui parle pas beaucoup, elle a adoré la musique et elle s’est mise à danser. Tout le monde l’a applaudie. Elle était très jolie.
À l’heure des mamans, on voulait rester avec lui. Il a dit : je dois rentrer chez moi. On m’attend, au revoir et à demain. Il est monté sur sa moto. Sous son casque on ne le reconnaissait plus. Il a disparu.
Y’a des mères qui parlaient tout bas pour pas qu’on les entende.
– Un homme en maternelle, c’est pas normal. Ça doit encore être un pédé ou un pédophile sorti tout droit de l’asile. Il faut mettre en garde nos enfants.
– Oui, c’est étrange. Vous avez raison Madame Rouston. À notre époque il se passe de ces choses. De mon temps…
Juste avant de dormir, j’ai demandé à Martine, ce que ça voulait dire pédophile et pédé. Elle m’a filé une baffe en hurlant.
– Les mecs, c’est tous des pourris et des vicelards ! T’es comme ton père !
J’ai pas compris pourquoi elle en voulait tant à Papa et me voyait comme si j'étais lui. J’avais chaud à la joue. Ça me brûlait. Heureusement, il y avait la Singette. Elle m’a léché là où j’avais mal. Après, ça été mieux. On s’est bercés comme des grands et on a dormi main dans la main.
Fermez les petits pois, fermez les petits pois…
J’habitais une grande maison avec plein de fenêtres. On vivait ensemble, tous les enfants de la classe. On choisissait ses parents. On pouvait avoir une maman et un papa, deux mamans, deux papas et on pouvait en changer. La maman de Pedro s’était fait pousser la barbe. J’aimais beaucoup les mères d’Abdoulaye. Elles étaient très grosses. Elles avaient plein de place pour nous câliner. Elles avaient aussi la peau très douce et des vêtements de toutes les couleurs, magnifiques ! La maman d’Aïcha avait retiré son chiffon et je passais des heures à la peigner et puis, après, c’était le tour de sa fille chérie. Elle avait appris à sourire et je la trouvais très jolie. May, c’était la copine de Jean-Marc et ils jouaient tout le temps à se taper dessus. C’était comme un match de boxe et ils finissaient assis par terre, des étoiles plein la tête. Sarah distribuait ses gâteaux à tout le monde. Gwendal était parti en Bretagne. Rose avait construit une piscine rien que pour nous. Dans le jardin, elle nous montrait la joie de vivre et se baigner nu. Il faisait chaud. Ça nous rafraîchissait. C’était les vacances. Francis jouait des percussions. Le papa de Nadja nous disait des poésies dans la langue de ses montagnes. Micheline se reposait à l’ombre.
Martine était devenue presque une fée. Elle ne buvait plus n’importe quoi. Elle retournait à la gymnastique. Elle s’occupait d’elle. Les parents de Rose l’emmenaient dans un club de gens à poil. Elle avait rencontré un homme très doux et très beau. Il aimait les enfants. Il venait nous voir. J’ai tout de suite su que Maman allait être enfin heureuse avec lui. Pour qu’elle soit contente, moi je les ai adoptés. À la fin avec tous les copains, les copines, les papas et les mamans, on a fait une grande ronde autour de la maison. On a fait la fête. C’était très chouette. Et la Singette qui était grimpée sur mon dos m’a glissé à l’oreille :
– Tu vois, finalement la vie est belle.
Franck dit Bart copyright éditions Kirographaires
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