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"Coraline & Pierre". Episode 2.

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Posté le : 17/11/2009 10H57
Bonjour à toutes et tous,
Voici le second épisode de ma 'tite histoire...
Bonne lecture!

Épisode 2

Puis, subitement calmé, il jette à Coraline:
-Monte dans ta chambre! Nous avons à parler, le docteur, ta mère et moi!
Complètement anéantie,en larmes, elle quitte la pièce, la tête basse...


-Ce n'est pas possible, me dis-je, assis dans ma voiture, à l'arrêt du bus. Une semaine sans nouvelle, pas même pour la nouvelle année...
Il se passe quelque chose! Je dois savoir... quitte à me disputer une bonne fois pour toute avec son père!
Je remets le moteur de ma « 5 » en route, respire un bon coup et direction le domicile « de Jarvaux ».
Cette grande maison, bâtie sur trois niveaux, est située un peu en dehors de la route principale, au bout d' un clos privé comportant, au total, trois maisons du même style.
J'y suis venu une fois ou deux, avec Cora, ... en l'absence de ses parents, bien entendu!
Le portail automatique, d'ordinaire fermé, qui donne accès au parking privé, et par-delà, aux garages, est grand ouvert!
Je remarque immédiatement, à l'entrée, le grand panneau jaune criard où il est écrit:
« Maison à vendre ».
J'en suis tellement surpris que j'en cale le moteur de la 5!
Cora ne m'a jamais parlé d'un futur déménagement...
J'entre à pied dans la propriété et m'approche d'une fenêtre. Il n'y a plus rien à l'intérieur de la villa : tout y est vide et silencieux! Ils sont bel et bien partis!
Un papier sale, parterre, devant la porte d'entrée, attire mon attention. Je me baisse et le ramasse: c'est une photo de Coraline souriante, âgée de quatre ou cinq ans et qui serre contre elle un ours en peluche.
Sans doute tombée d'un carton, durant le déménagement...
Je regagne ma voiture quand un homme s'approche de moi. Le voisin, sans doute...
-Vous êtes Delcampe? Pierre Delcampe?, me demande-t' il.
-Je..., euh, oui! C'est moi!
-Monsieur de Jarvaux m'a demandé de vous remettre ceci, si jamais vous osiez venir rôder par ici... dit-il, en me tendant une enveloppe blanche, banale, avant de repartir sans un mot.
Je l'ouvre:
« Pierre,
C'est fini entre-nous. Mes parents ont raison: nous ne sommes pas faits l'un pour l'autre. Ne cherche pas à me revoir: de toutes façons, nous quittons le pays!
Adieu!
Coraline. »
Voilà! Tout s'arrête sur un morceau de papier, une lettre tapée à la machine et même pas signée.

7
Hormis une petite photo sale, je n'ai plus rien d'elle!
Tout à notre amour, nous n'avons jamais pensés à échanger nos photos respectives...
J'étouffe, chancèle, me rattrape au montant du toit de la 5 et arrive à m'y asseoir ... mais je ne parviens pas à démarrer!
Il pleut à verse, soudain.
Machinalement, je mets le contact et enclenche les essuie-glaces; cela ne change rien : Il pleut toujours à torrent.
Bizarre, le sol, dehors, est pourtant bien sec...?!


Que Coraline quitte le grand salon n'apaise pas la colère de Hubert...
Ses yeux sont toujours comme fous. Il fulmine littéralement...
-Qu'allons-nous faire, maintenant?, demande timidement Dominique...
-Je ne sais pas, aboie Hubert. Mais une chose est sûre: il n'est pas question une seule seconde qu' elle garde son bâtard!
-Que..., que veux-tu dire? Tu penses à ... l'avortement?, dit Dominique, d'une voix blanche.
-Pourquoi pas, hurle Hubert, ivre de rage.
-Il est trop tard pour cela, Monsieur, rétorque le docteur Soupart.
La salope, pense Hubert. Quand je pense que j'avais prévu de la présenter au fils « de la Grivegnée » la semaine prochaine! C'est foutu! Il ne voudra même pas la voir, maintenant!
Un mariage entre les « de la Grivegnée » et les « de Jarvaux d'Arbois » m'aurait permis de tripler mon capital...
Enfin, dans l'immédiat, je dois éloigner ce déshonneur de la famille... Personne ne doit savoir que Coraline, ma fille unique, attend un...,un bâtard!
La fibre paternelle d' Hubert -a supposé qu'il l'ait jamais eue- se rompt à ce moment précis! Désormais, Coraline n'est plus sa fille,... mais une complication à régler, à supprimer comme n'importe quel autre problème dans l'une ou l'autre de ses usines!
...Et les sanglots que l'on entend au-dessus d'eux, en provenance de la chambre de Cora n'y changent rien!
-Voulez-vous que je lui administre un léger sédatif?, lui propose le docteur Soupart, en désignant du pouce, le plafond.
-Oui! Faite donc cela! Au moins, je ne l'entendrai plus!, grommelle Hubert.
Subitement, il semble avoir une idée et tandis que le docteur s'engage dans l'escalier, lui se dirige vers la bibliothèque... Après y avoir farfouiller un instant, il revient au centre du salon et pose sur la table basse, en face du profond canapés de cuir blanc où est assise Dominique, une brochure, épaisse d'un centimètre environ, dont la couverture représente une grosse villa, presqu' un château, de style espagnol.
Cela y est! J'ai la solution! Elle va disparaître pour toujours de notre vie, tout simplement! Comme si elle n'avait jamais existé... Pfwit! Disparu, le problème! Ils ne nous restera plus qu'à commencer une autre vie, ailleurs, Dominique et moi! Évidement, cela va me coûter cher... très cher, même! Mais il vaut mieux cela que le déshonneur et l'opprobre, comme je vais l'expliquer à Dominique!
8
Dominique, entre-temps, a saisi le livre sur la table...
Son titre: « Villa Luna »... puis en dessous:
« Centre d'accueil pour filles-mères. », Palma de Majorque, téléphone: .............
Les pages intérieures sont illustrées par plusieurs photos d'un endroit plus que luxueux: Jardins bien entretenus, plusieurs piscines, terrains de tennis, plusieurs terrasses-solarium...
Le tout à l'air d'un hôtel de luxe...
Les autres pages expliquent comment les jeunes filles, en rupture de relations familiales, seront prises en charge, avant la naissance de leurs bébés puis avec ceux-ci, jusqu'à l'âge de dix-huit ans ou plus, si utile.
Elles seront suivies, chaque jour, par un personnel médicalisé et spécialisé.
Pendant le séjour, elles seront formées à un métier de leur choix -à choisir parmi les programmes proposés au sein du centre- et enfin, placées en entreprise aux postes auxquels elles pourront prétendre, suivant les résultats obtenus.
De plus, les parents, pour assurer un avenir financier à celle qui reste quand même leur progéniture, devront verser, anticipativement, sur un compte bloqué -dès l'entrée au centre et durant la totalité du séjour- une rente mensuelle, fixée à deux cent mille pesetas... Cet argent sera restitué à la pensionnaire dès sa sortie du centre.
En contre-partie, le centre s'engage à ce que les parents n'aient jamais un seul souci avec leur fille... et plus aucun contact avec elle, jusqu'à ce qu' elle ait quitté « Villa Luna ».
Suit ensuite le tarif, unique, de ce centre si particulier...-dont le montant se terminant par plusieurs zéros, la fait frémir-, et quelques autres photos de lieux comme le restaurant et les chambres.
Par un souci de discrétion, sans doute, aucune des pensionnaires n'y figurent.
-Tu, ...tu ne vas pas...? commence-t' elle.
-Et pourquoi pas? Elle y sera très bien... en tout cas, toujours mieux qu'avec son...
Comment s'appelle-t' il, déjà? Pierre? Elle pourra y pondre son bâtard à l'aise; personne ne la connait, là-bas! Et elle peut s'estimer heureuse: je pourrai la mettre à la rue, sans autre de forme de procès!
-Je ne fais cela que pour toi, ajoute-t' il. Pour que tu saches, au moins, où elle se trouve... Mais plus jamais de ma vie, je ne veux la voir: en ce qui me concerne, je n'ai plus de fille! ...Plus de fille!, hurle-t' il, et, sans plus prêter d'attention à Dominique, il quitte la pièce, en claquant la porte!
Pour lui, le problème « Coraline » est clos!
Dominique est effondrée... Sa fille; elle va être séparée -peut-être pour toujours- de sa petite fille...
Elle a beau tourner le problème en tout sens dans sa tête: elle ne voit pas de solution!
Fuir avec Coraline? Pour aller où? Avec quel argent? C'est Hubert qui gère tout: elle en est bien incapable...
Essayer de faire revenir Hubert sur sa décision? Un homme comme lui ne revient jamais sur ses opinions...


9
Dans le fond, il a peut-être raison! C'est la meilleure solution, tente-t' elle de se convaincre. Elle aura un métier, en sortant, et sera certainement plus heureuse dans ce centre qu' ici, avec un père qui la reniée...
Le soir même de ce vingt-six décembre, une Coraline endormie, qu'il faut quasiment
porter, prend place, avec sa mère, à l'arrière de la grosse limousine sombre que son père utilise généralement pour ses déplacements d'affaires...
-C'est bien à Barcelone que nous nous rendons, Madame?, demande le chauffeur, sans marquer d'intérêt particulier à sa destination, avant de démarrer.

Le lendemain matin, à huit heure précise, une équipe de déménageurs professionnels s'affaire dans la maison des « de Jarvaux d'Arbois »; à quinze, les trois camions peints en rouge et blanc, au logo de l'entreprise « Seghers: Déménagements nationaux et internationaux » sont chargés avec les meubles et le matériel divers... A seize, Hubert s'en va déposer une lettre chez son voisin immédiat et à dix-sept, le convoi s'ébranle, pour une destination inconnue...
A dix-huit, tout est fini! La maison est complètement vide et silencieuse...


Je ne me souviens pas exactement combien de temps je suis resté prostré devant cette maison vide...
...A vendre...
...Pas plus de comment je suis rentré chez moi mais je devais avoir une mine à faire peur, rien qu'à l'expression du visage de ma mère...
Il me semble bien qu'elle ait demandé ce qu'il se passait et je crois que j'ai réussi, des sanglots plein la voix, à marmonner « Cora »... Ensuite, plus de souvenirs précis... Ah si! Bizarrement, il pleut à torrent à l' intérieur de la maison, maintenant!

Un matin, je ne sais plus exactement quand, ma mère est entrée dans ma chambre...
-Cela a assez duré!, a-t' elle fait. Une semaine que tu ne sors plus de cette pièce!
Cela pue le fauve, ici! Demain, tu dois reprendre le travail: fini les vacances!
Que va dire ton patron si tu te présentes dans cet état?
Des Coralines... il y en a des centaines qui t 'attendent au-dehors!
Allez... ! Debout et pas de discussion!

J'ai le cerveau qui fonctionne au ralenti...
Il me semble comprendre malade, travail, fauve, Coraline... mais ces mots n'ont aucun sens pour moi! J'ai froid, si froid...
Je reste encore couché un moment... Je gèle carrément, cette fois!
Je suis peut-être en train de mourir, me dis-je.
Etrangement, cette pensée ne me touche pas!
Je remarque alors que ma mère a laissé la fenêtre grande ouverte en sortant de ma chambre...
Voilà pourquoi j'ai froid... Cela n'a rien à voir avec Coraline...

10
A cette pensée, allez savoir pourquoi, une sensation étrange m'envahit: une sorte de rage ou plutôt, de... comment dire..., de violente envie de vivre!
Mon esprit se remet à fonctionner...
-Comment a-t' elle pu me faire cela? Elle est tout pour moi... et elle... elle...
Je ne parviens pas à trouver les mots qui pourraient décrire ce que je ressens.
Et si elle n'y était pour rien ?, me chuchote une petite voix, venue du plus profond de moi. Et si elle avait été obligée de partir?
Ouais! Mais, on n'écrit pas une lettre de rupture, dans ce cas...
Je réprime les sanglots qui me montent du fond de la gorge...
Réagir! Je dois réagir! Je me lève et me dirige vers la salle de bain.
Le miroir de l'armoire à pharmacie qui me fait face, me renvoie l'image d'un parfait inconnu: Il a le teint pâle, les joues mangées de barbe et se tient voûté comme si tout le poids du monde reposait sur ses épaules!
Je mets bien cinq minutes avant de me rendre compte que je contemple mon propre reflet...
-Pierre Delcampe, me dis-je, tu avoir avoir dix-neuf ans et ta vie ne va pas s'arrêter à cause d'une « Coraline » qui s'est si bien foutue de ta g...!
La rage me reprend: Cela ne se passera pas comme cela!
Réagir! J'ai l'impression que ce mot brille dans ma tête comme s'il était écrit en caractères fluorescents...
J'empoigne mon rasoir pour le reposer aussitôt; la barbe ne me va pas mal, après tout, bien qu'elle me vieillisse un peu.
Je redresse le torse et me ré-examine, sans complaisance, dans le miroir.
Je mesure toujours un mètre nonante, me semble-t' il, j'ai toujours le même visage ovale, les yeux bleus azur et les cheveux blond, presque blancs, que je porte coiffés en courte brosse.
Y' a pas trop de dégât au physique! On verra pour le mental plus tard!
J'ai maigri -une semaine sans quasi manger, cela laisse des traces- mais j' ai toujours une carrure suffisamment large que pour en imposer. De plus, j'avais quelques kilos à perdre...
Cora me faisait souvent enrager avec mes débuts de poignées d'amour, comme elle disait...
Cela y est: ces foutus sanglots me reprennent...
Non, c'est fini! FINI! Je ne peux plus et ne veux plus jamais penser à cette fille en qui j'avais placé tous mes espoirs...Elle était toute ma vie... Je lui ai donné tout l'amour dont je pouvais disposer, et elle...
Qu'elle aille au diable, elle et ses de Jarvaux de parents!
C' est terminé! Un Pierre Delcampe vient de mourir...
Le Pierre Delcampe nouveau est arrivé... et il n'est plus prêt à se laisser prendre au piège d' un soit-disant amour: Faite-lui confiance!
Pourtant, quelques part, au fond de lui, il sait qu'il y a quelque chose qui cloche; il le sent!
Cette petite voix intérieure lui hurle que cela ne va pas...
Que jamais Coraline ne ce serait comportée de telle manière...
11
Oh, bien sûr, le premier mois, j'ai bien tenté de LA retrouver... ne serait-ce que pour lui crier ce que je pensais de son attitude...
Je me suis renseigné chez le voisin, celui de la lettre:
-Non, ils ne m' ont pas dits où ils allaient... mais, vous savez, nous ne nous parlions pas, en dehors du classique « Bonjour/Bonsoir »...
Au bureau de poste, ils n'ont pas non plus donnés d'adresse où faire suivre le courrier...J'ai essayé, avec un copain déguisé en facteur, le coups du faux colis à livrer en mains propres... Peine perdue! Ils se sont volatilisés! A croire qu'ils n'ont jamais existé!
Découragé, j'ai abandonné les recherches.


Pour ne pas penser, la totalité de mon temps, soirées et week-ends compris, est consacrée à mon travail, désormais!
Je ne sors pas: cela ne me tentes pas! Les super-soirées dansantes de Pont, j' ai déjà donné, merci! Les quelques rares amis que j'avais ne me fréquentent plus: j'ai le caractère trop renfermé, paraît-il...et mon meilleur copain, Cédric, a du quitté Pont pour suivre ses parents à Bruxelles, où ils ont élus domicile depuis le changement de boulot de son père.
Mes deux seules distractions: la salle de fitness, deux soirs par semaine et la piscine, de temps en temps. Je commence mes journées à sept heures du matin et il n'est pas exceptionnel que je la termine vers les vingt et une, au grand désespoir de mes parents qui se plaignent de ne plus jamais me voir, bien que je vive sous le même toit.
Ces horaires dingues m'aident beaucoup... La profonde blessure que je porte au cœur se referme doucement, du moins se fait-elle moins sentir... tant que personne ne vient me faire penser à mon amour disparu!
Le temps, qui n'a rien d'autre à faire, s'écoule...
Décembre voit arriver la fin de mon stage et la première année de la mystérieuse disparition de Coraline...
J'appréhende déjà la semaine de congé traditionnelle de l'entre-deux fêtes...
Qu'est-ce que je vais bien pouvoir faire?
Mes parents ont bien insisté pour que je les accompagne -je ne sais déjà plus où- pour les réveillons... mais cela ne me tente pas. J'ai décliné poliment... Je préfère la solitude.
Pour passer le temps, j'ai été rangé le grenier. J'en ai ramené la vieille chaîne stéréo, -rangée là-haut depuis l'acquisition d'un tout nouveau matériel hyper-sophistiqué, auquel personne n'ose toucher par crainte de l' abimer- avec sa platine et un stock de vieux disques, en vinyle.
Depuis, à part me rendre à la salle de fitness, je ne fais rien! Je rêve à Cora, les yeux au plafond, couché sur mon lit, avec, à mes côté la seule chose qui me reste d'elle: une petite photo sale...

A suivre

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Posté le : 17/11/2009 11H10
Le mieux aurait été de mettre ce deuxième épisode à la suite du premier qu'on puisse prendre le train en marche.
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Gençay Gençay
Posté le : 17/11/2009 11H14
Yann a écrit : a écrit :
Le mieux aurait été de mettre ce deuxième épisode à la suite du premier qu'on puisse prendre le train en marche.


yann tu as raison .....sinon on risque de perdre le fil de cette belle histoire......
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autre autre
Posté le : 17/11/2009 11H25
OK. J'essayerai de faire cela pour le suivant.
Merci.
A bientôt. [coucou]
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Arles Arles
Posté le : 17/11/2009 22H07
[doute] pas trouvé la 1er partie
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autre autre
Posté le : 18/11/2009 11H31
"Coraline & Pierre"

Épisode 3

Sur la platine tourne -quasi en boucle- un vieux Jo Dassin qui dit:
-Où es-tu? Que fais-tu? Est-ce que j'existe encore pour toi?
« L'été indien », je crois que cela s'appelle... Un must! Si vous ne connaissez pas, je vous le recommande... Rien de tel que pour entretenir le « blues »... Quand on y pense: mon attitude est absolument incompréhensible! Cora et moi ne nous sommes, après tout, fréquentés qu' un an et demi, avant sa brutale disparition, il y a un an. Pourquoi suis-je toujours autant accroché à elle? Est-ce vraiment cela, le grand amour?
Heureusement, cette période de vacances se termine!
Mon stage terminé, Monsieur Grandjean m'a immédiatement ré-engagé, en qualité d'ouvrier qualifié, cette fois! Avec une substantielle augmentation de salaire, of course!
-Pierre, tu ne m 'as toujours donné tes dates de congés d'été, me dit-il un jour de mai 1997.
-Comment? Encore des congés? Mais on vient juste d'en prendre! C'est vraiment nécessaire?, lui demandai-je.
-Ah ben, aux yeux de la législation..., tu dois prendre tes congés! Y' a rien à faire! , me dit-il en riant.
-Mais que voulez-vous que j'en fasse? Je n'ai rien de prévu et à part m'ennuyer (et ressasser mes idées noires, pensai-je), je ne vois pas vraiment pas...
Il semble perdu dans une profonde réflexion...
-J'ai bien une idée pour t' occuper..., mais... dit-il, au bout d'un petit moment.
-Mais?
-Tu veux prendre tes vacances du 15 juillet au 15 août?
-Oui, oui. Peut m'importe! Quand cela vous arrange..., lui dis-je.
-Alors voilà ce que l'on va faire...
Sa proposition me laisse sans voix: il me demande tout simplement de le remplacer à la tête de son entreprise, le temps que lui prenne ses vacances... Vacances auxquelles il tient car cela fait six ans qu'il n'est pas parti, me précise-t' il.
-Tu seras officiellement en congé en tant qu' ouvrier qualifié et je te déclarerai comme employé temporaire pour cette période. Personne ne peux rien y redire!
Moi, gérer le garage! A vingt ans! Un rêve...
Pas mal, pour un péquenot de village inculte, n'est-ce pas, Monsieur de Jarvaux? Tiens, pourquoi est-ce que je pense à lui, subitement?
La rage froide qui m' habitait à, depuis longtemps, fait place à une détermination féroce:
J'arriverai exactement là où je le veux, dans ma vie, et rien ne pourra m 'arrêter!
Mon seul « talon d'Achille » reste...
Je ne l'oublierai jamais et ne l'ai pas remplacée... Des dizaines de fois, j'ai cru la voir sur la place de Pont, au magasin, partout... A chaque fois, ce n'était qu'une vague ressemblance...

13
J'ai beau me raisonner, la traiter mentalement, elle et ses parents, de tous les noms d'oiseaux qui me viennent à l'esprit... son souvenir, son rire, son odeur restent accrochés à ma mémoire! Je suis envouté par elle!
Monsieur Grandjean, de retour de vacances, est enchanté par mon intérim. Tout s'est parfaitement déroulé.
-Eh bien, dit-il en riant, je n'ai plus qu' à repartir... Avec quelqu'un comme toi aux commandes; je n'ai pas de craintes à avoir!
Vers la mi-octobre -alors que j' effectue une « mise au point » difficile sur un ancêtre automobile- il vient me trouver:
-Passe au bureau, quand tu auras terminé cela, me dit-il, d'un air préoccupé.
Qu'ai-je bien pu faire?J'ai beau y réfléchir, je ne trouve rien! Aucune faute, même minime, à me reprocher...
En poussant sa porte, je me vois déjà en train de grossir la file des demandeurs d'emploi... C'est que des garages automobiles, y' en a pas légion par ici... Je dirai même que c'est le seul dans un rayon de trente kilomètres!
-Assieds-toi... Voilà!, attaque-t' il. J'ai bien réfléchi... J' ai soixante-trois ans... et nous avons, Madame Grandjean et moi de plus en plus envie de vacances, de
voyages... En un mot, ma femme et moi en avons marre de cette vie. Nous voulons en profiter un peu avant qu'il ne soit trop tard...
Je l'écoute silencieusement, en me demandant où il veut en venir...
-Je me dis que je n'étais pas plus vieux que toi quand j'ai ouvert ce garage, continue-t' il. Tu le connais bien, maintenant. Tu connais son potentiel et son chiffre d'affaire...
Est-ce qu'il t'intéresse?
Je mets quelques minutes avant de comprendre. Il me demande réellement si, moi, Pierre Delcampe, je veux reprendre son entreprise?
-Je, heu... commençai-je.
-Non! Ne réponds pas tout de suite! Je sais que la proposition te surprend... mais je te le dis: nous avons bien réfléchi, Madame Grandjean et moi. Nous en avons réellement assez de tous ces soucis, de ces responsabilités... Je veux arrêter le plus vite possible maintenant!, continue-t' il. Je remet mes affaires, à toi ou à un autre...mais j'avoue que j'aimerai bien que ce soit à toi! Tu es né pour exercer ce métier. Penses-y sérieusement et donne-moi ta réponse pour la fin du mois, OK?
Je suis abasourdi! Bien sûr, mon rêve a toujours été d'avoir mon entreprise...mais,
d'un autre côté, je viens juste d'avoir vingt et un ans... Est-ce bien raisonnable?
La proposition fait néanmoins son chemin de ma tête...
Mes parents, a qui je demande conseil, me disent
-Tu en as la capacité; tu as fait les études pour non? Et tu en as toujours eu envie, alors? Qu'est-ce que tu attends? Fonce!, me conseille maman.
-De plus, ajoute mon père, je sais que tu ne t'en ais jamais soucié puisque nous l'avons toujours géré pour toi, mais tu as de l'argent! Pas des millions, mais suffisamment que pour te lancer: ta mère et moi n'avons jamais dépensé un fifrelin de tes salaires... et toi non plus, du reste!


14
Le 2 janvier 1998, après la traditionnelle semaine de congés d'entre-fêtes ré-ouvrait le garage Grandjean, le plus grand garage automobiles, dans un rayon de trente kilomètres, autours de Pont-du-Roy: rien de bien nouveau!
Une infime différence, toutefois: il ne s'agit plus du garage Grandjean... mais bien de: «Les Ateliers de Pierre », comme l'indique depuis peu un panneau de bois de deux mètres sur quatre, fixé sur la façade.
Ah, si seulement Coraline pouvait voir cela.


Coraline s'agite et se tourne sur son lit.
-Maman, maman, appelle-t' elle, dans son sommeil.
Une main douce et apaisante se pose sur son front...
-Là, là... ce n'est rien! Je suis là; dort encore un peu... chuchote doucement une voix inconnue, près de son oreille.
Elle ouvre les yeux: le soleil, qui entre à flots par une grande baie vitrée, les lui fait refermer aussitôt!
Elle ressent une drôle d'impression... Elle a la tête vide...
Deuxième tentative, prudente, pour ouvrir les yeux.
-Alors, on se réveille enfin?, dit la voix entendue peu avant.
Dans le contre-jour de la baie se découpe, en noir, une silhouette féminine.
Posant la main droite au-dessus de ses sourcils -comme le font les indiens dans tous les westerns-, elle tente de s'asseoir, tout en s'informant:
-Qui êtes-vous?
L'effort pour s'asseoir provoque un étourdissement et Cora retombe, le dos sur le lit.
Ses yeux s'habituant à la lumière ambiante, elle commence à distinguer le visage de celle qui lui parle: une jeune inconnue, assez jolie, sensiblement du même âge qu'elle, qui la regarde amicalement. Celle-ci se lève et vient se poster au pied du lit...
-Je m' appelle Mélanie, dit-elle. J'ai quinze ans et je suis ta copine de chambre.
C'est seulement alors que Coraline remarque un anachronisme dans la situation: la jeune fille qui se tient debout, au pied de son lit, est totalement, entièrement...nue!
Même la petite touffe de poils noirs « geai » ornant son pubis est visible! Entièrement nue!
Ce n'est pas possible! Je rêve: je vais me réveiller!, pense-t' elle.
Elle cligne plusieurs fois des yeux, les ré-ouvrent et constate que celle qui se fait appeler Mélanie est toujours là et... toujours aussi nue!
-Je, euh... Où sommes-nous? Pourquoi es-tu dans cette... heu, tenue?
Éclatant de rire, Mélanie lui répond:
-Ah, cela... Cela surprend, n'est-ce-pas? C'est notre tenue anti-évasion! Nous devons la porter vingt-quatre heures sur vingt-quatre, ici! Mais on s'y habitue vite, tu verras... d'autant qu'il ne fait jamais froid. D'ailleurs, je te signale que tu portes la même que moi, alors..., dit-elle encore, en riant de plus belle.
Baissant les yeux, Coraline, rouge cramoisi, ne peut que se rendre à l'évidence: elle aussi est... Machinalement, sa main droite tente de se saisir d'un drap de lit pour en couvrir sa nudité: peine perdue! Il n'y a ni draps, ni couvertures sur ce lit!
15
Elle tente, alors, de dissimuler le plus possible de son corps avec les moyens du bord, à savoir ses mains et ses bras. Cela n'a pour effet que de déclencher une autre crise d' hilarité de sa nouvelle copine.
-On dirait un singe, comme cela, fait-elle.
-Cela ne sert à rien, continue-t' elle. Tu dois t' y habituer, c'est tout...Il n'y a rien d'autre à faire! Tu ne trouveras pas un vêtement ou quelque chose qui y ressemble dans toute la « Villa Luna »... et pourtant, c'est grand, crois-moi! C'est comme cela qu' « ils » nous empêchent de partir...
Coraline la regarde, les yeux ronds et la bouche ouverte, totalement ébahie...
-Ferme la bouche, dit Mélanie. Tu vas avaler une mouche!
Cette dernière remarque détend un peu Cora qui se hasarde à demander:
-Villa Luna? C'est...C'est quoi?
-Ben, comment te dire? Tu vois, toi comme moi, on a fait une « grosse bêtise », non?
Disons que c'est ici que nous devons expier notre « faute »... Nous ne manquons de rien, sommes au soleil dans un grand parc, sommes suivies par les meilleurs médecins... mais nous ne pouvons pas entrer -à leurs demandes, pour nous faire bien comprendre l'énormité de notre comportement- en contact avec nos parents et nous pouvons pas sortir de l'enceinte de la propriété avant d'avoir atteint nos dix-huit ans!
C'est pour cela que nous devons rester toutes -nous sommes six ici- nues! A supposer que nous arrivions à sortir... où irions-nous, nues et enceintes, comme nous le sommes?
En prison! Ils m'ont envoyée en prison!, pense Coraline désespérée. Et jusqu'à mes dix-huit ans... Mon dieu, Pierre... Te reverrais-je jamais?
-Bon! Tu te sens assez en forme que pour visiter ton nouveau domaine maintenant ou tu veux dormir encore un peu?
-Vi...siter mon nouveau domaine? Dans cette tenue? Vous... tu ne parles pas sérieusement, quand même?
-Ben si! Je pensais que tu avais compris! Nue tu es et nue tu resteras...jusqu'à tes dix-ans, en tout cas!
Un cauchemar! Je fais un cauchemar! Ce n'est pas possible! Je ne suis pas réellement en train d'entendre cette fille me dire que je vais vivre « à poil »jusqu'à mes dix-huit ans! Je vais me réveiller...
-Alors, tu te décides? Tu sais, aujourd'hui ou demain, tu seras obligée de sortir de cette chambre... ne serait-ce que pour manger, par exemple...
A ce moment, on frappe à la porte.
Avant qu'elle n'ai eu le temps de dire quoi que ce soit, Mélanie a déjà crié:
-Entrez!
Coraline redevient rouge écarlate: une inconnue d'une quarantaine d'années, elle aussi vêtue de sa seule tenue de naissance, vient d'entrer dans la chambre:
-Maria, se présente-t' elle. (Elle prononce Mar-I-a, à l'espagnole.) Je suis la directrice de ce centre... Je suppose que tu meurs d'envie de savoir ce que tu fais ici et ce que tu vas devenir ensuite, non?


16
-Je vous laisse entre-vous, dit Mélanie, avant de sortir par la porte-fenêtre que Cora avait pris pour une baie vitrée, à son réveil.
Maria commence alors à expliquer la vie à « Villa Luna » à une Coraline attentive et de plus en plus abasourdie, au fur et à mesure du récit.
Elle lui dit que c'est sa mère qui l'a amenée ici, après l'avoir droguée, parce qu'elle pensait que c'était la meilleure solution pour sa petite fille que son père a rejetée...
Lui dit aussi qu'elle ne doit pas s'inquiéter: elle aura tout ce dont elle a besoin ici: les meilleurs soins, les meilleurs cours et qu'elle sera tout-à-fait capable en sortant, de mener de front sa carrière professionnelle et l'éducation de son enfant. On lui apprendra comment faire, on l'assistera, même plus tard, quand elle aura quitté le centre, si c'est nécessaire. Elle dit encore que: si elle réussit ses études, le centre lui procurera un emploi rémunérateur en adéquation avec elles, poursuit en expliquant
pourquoi elles vivent nues: le personnel du centre... par respect pour les pensionnaires et les pensionnaires...
-Pour nous empêcher de fuir, continue d' elle-même Coraline.
-Bien! Je vois que tu as tout compris!, dit Maria, en souriant. Je dois encore te dire une chose, la dernière, mais la moins agréable: ton cas est particulier... Ta maman nous a priés ne pas te laisser tomber quand tu auras atteint l'âge de nous quitter. Elle a insisté pour que nous nous occupions de toi comme si nous étions ta famille...
Elle a tout spécialement insisté sur ce point: ne tente pas de les retrouver, jamais! Ton père peut être quelqu'un de très, très violent! Elle ne veut pas que tu coures le moindre risque... surtout quand tu auras ton bébé...
Ta vie est ici, maintenant! Je suis même autorisée à te dire où te trouves: ta maman te fait suffisamment confiance pour être sûre que tu ne tenteras rien: tu es à Palma de Mallorca, une île des Baléares, très touristique, au large de Barcelone.
Je te demanderai de tenir cela pour toi; les autres filles n'en savent rien! Promets-moi que je peux te faire confiance, moi aussi... Promets-moi que tu ne tenteras rien pour t'enfuir et nous serons les meilleures amies du monde, achève-t' elle.
Coraline, qui est passée de la colère au dépit et du dépit au désespoir, promet, d'une toute petite voix.
-Je ne les reverrai donc jamais, demande-t' elle, tristement.
-J'ai bien peur que non, répond Maria, mais, tu sais, il ne faut jamais jurer de rien! Qui sait, un jour peut-être ton père, te pardonnera ce qu'il considère comme un affront personnel, et alors...
Anéantie, Coraline se recouche sur le lit et se laisse aller à son chagrin. Des bribes de souvenirs lui reviennent à la mémoire: son père, les yeux fous, qui hurle sur elle dans le grand salon, le docteur, qui lui fait une piqûre, un trajet en voiture, sa mère ... qui lui dit de boire, que cela lui fera du bien..., un bateau...
Elle pleure, pleure et pleure encore...
Pas sur l'absence de ses parents, non! Elle pleure Pierre, son bel amour, qu'elle pense à jamais perdu! Elle n'a pas de numéro de téléphone où le joindre; ses parents depuis l'arrivée du GSM, ont fait supprimer leur ligne téléphonique au profit de ce seul appareil. Pierre, lui, n'a jamais voulu s'encombrer d'un tel « truc »,comme il disait. Pourquoi faire? S'ils avaient sus...
17
Épuisée, elle finit par s'endormir, d'un sommeil lourd.
Courage petite Coraline! Maria te l'a dit: Il ne faut jamais juré de rien... La vie nous joue parfois de sales tours... mais nous réserve aussi de belles surprises.


Dominique de Jarvaux d'Arbois achève de ranger le contenu des derniers cartons qui encombraient encore la grande véranda, à l'arrière de la villa du 15, avenue des Pruniers bleus, à Waterloo, où elle habite depuis trois semaines, maintenant.
Épuisée, elle s'allonge sur un des deux canapés, en cuir blanc, dans l'immense pièce de séjour.
Avec ce déménagement non planifié, elle n'a pas eu une minute à elle pour réfléchir sérieusement à ce qu'elle venait de faire: abandonner sa seule fille!
Étendue sur le moelleux fauteuil, elle laisse vagabonder ses pensées...
J'ai choisi la meilleure solution... Je ne sais pas pourquoi Hubert a pris cette situation si tragiquement, mais il aurait fini par vraiment lui faire du mal, si je l'avais gardée avec moi!,tente-t' elle de se convaincre.
Elle revoit encore l' expression du visage d' Hubert, quand il a appris la grossesse de sa fille: Je l'ai cru fou!
Depuis, il est redevenu l'homme un peu froid, mais charmant et attentionné qu'il a toujours été avant cette maudite après-midi du 26 décembre...
Malgré le cruel sacrifice qu'il a exigé d'elle, Dominique aime toujours passionnément son Hubert... au point de ne pouvoir envisagé, une seule seconde, de vivre sans lui!
Après tout, le sort de Coraline n'est si terrible que cela! Elle se trouve en un lieu paradisiaque, va apprendre un métier sérieux et ne se trouvera pas démunie à sa sortie du centre. Que lui souhaiter de mieux? C'est cela...ou la rue!
Pour elle aussi, désormais, le « cas Coraline » est classé, rangé, terminé!
Qu' elle puisse en être malheureuse ne lui effleure même pas l'esprit...


Hubert de Jarvaux d'Arbois, installé dans un profond fauteuil, les pieds sur son bureau directorial, ressasse des idées moroses, en regardant par la fenêtre...
Ses pensées le ramènent à ce vingt-six décembre...
Cinq cent millions, pense-t' il. Cette petite dinde m'a fait perdre cinq cent millions! Si elle avait épousé le fils de Norbert, comme je l'avais prévu, il mettait tout son capital dans les « Industries de Jarvaux »... Au lieu de cela, cette petite péronnelle va me coûter « un pont » jusqu'à sa majorité... pour ne rien me rapporter!
Elle aurait mieux fait de ne jamais naître! Elle ne m'aurait rien rapporter... mais ne m'aurait rien coûter non plus, se disait-il. Mais elle me le paiera... J'ai perdu une fortune... mais elle va perdre plus encore! Je l'écraserai!
-Oui, je l'écraserai..., mais de loin, sans avoir l'air d'y toucher, dit-il brutalement, à haute voix, gagner par une poussée de haine. Si je la laisse un jour revenir, ce sera en rampant et me suppliant de lui pardonner qu' elle viendra!

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Posté le : 19/11/2009 12H32
[coucou] "Coraline et Pierre". (Episode 4)

Épisode 4
Un plan machiavélique vient de faire jour dans son esprit... perturbé!
Je suis génial!, se dit-il. Je vais non seulement écraser ma « chère fille », mais de plus, avec un peu de chance, je vais me faire une fortune malgré elle... Il me suffira juste d'être patient quelques années, c'est tout!
Il éclate alors d'un rire dément...
Trop d'argent peut rendre fou, paraît-il. A preuve...


Janvier 2000...
Mon garage tourne à plein régime...
J'ai du engager un second carrossier tant nous avons de travail.
J'ai eu une inquiétude quand, au milieu de l'année passée, la régie des routes a fermé, pendant quelques mois, la chaussée où mes ateliers sont situés pour procéder à son élargissement..., mais cela n'a eu aucune influence sur ma clientèle!
Me doutant que cette route nationale, droite et lisse comme un billard désormais, allait attirer pas mal de nouveaux automobilistes, j'en ai profité pour installer, sur la grande esplanade devant le garage, un poste à essence self-service.
Rendement plus que satisfaisant! J'envisage sérieusement d'ajouter une mini-supérette à ce poste...
Je sais, tout le monde le fait..., mais ici, c'est vraiment nécessaire: mis a part la supérette de Léon, sur la place de Pont, à trois kilomètres, il n'y a rien!
Dans la foulée, je me suis aussi doté d' un camion-plateau de dépannage, un gros Mercedes, acheté pour une croûte de pain sur une vente publique...
Cela sert toujours, un engin pareil!
Lundi cinq, alors que vaquons tous à nos habituelles occupations, retentit un:
-Nom de d... de nom de D... de nom de D...!, sonore.
Cette « fine » expression, pleine de poésie, provient en droite ligne de la carrosserie!
Appréhendant un drame -à tout le moins un accident-, je me dirige dare-dare, comme disent guêpes et abeilles, vers les lieux et y découvre Jean-Marc, un brave homme de quarante cinq ans environ, mon premier carrossier et ami, rouge comme un coq, en proie à une colère « noire »! (Remarquez: vous pouvez toujours changer la couleur si celle-ci ne vous plaît pas; nous en avons d'autres en stock!)
-Ce n'est pas possible!, fulmine-t' il. Regarde: j'ai commandé une portière droite pour la voiture de Monsieur Lambert... et ils m'en ont livrés une gauche, ces abrutis de chez ... Tûûût! Qu'est-ce que je vais faire, moi? La voiture est là, démontée... et je suis bloqué!
-Du calme, fais-je, conciliant. On n'a qu'à les appeler et ils vont réparer leur erreur, c'est tout!
-'Pas de quoi en faire un infar..., ajoutai-je, en souriant!
-Oui, tu as raison, me concède-t' il. Mais c'est toujours la même chose avec eux: tu leur commande une chose et on dirait qu'il éprouve un malin plaisir à t'en livrer le contraire! C'est pourtant une chaine d' accessoiristes automobiles réputée. 'Me demande bien comment ils ont bâtis leur réputation, ceux-là!
19
Cela a l'air tout simple, comme cela, de faire changer une portière gauche en portière droite..., mais non! Mon fournisseur me dit qu'il n'a que celle-là de stock et que les nouvelles commandes n'arriveront qu'en février... si tout va bien!
Je dois bien comprendre qu'ils n'en peuvent rien, que ces pièces arrivent de Corée, que...
-Bref, le coupe-je, qu'est-ce qu'on fait? Que me proposez-vous?
-Moi, je ne peux pas dire à mon client que sa voiture est bloquée jusqu'en février... Ma réputation est en jeu... et la vôtre aussi!, ajoutai-je, perfide.
Il réfléchit un bref instant et me propose de me rappeler dans les cinq minutes... Le temps de vérifier une chose.
Les mimiques que m'adresse Jean-Marc assis à mon côté, me montre, si besoin était, combien il est sceptique sur l'éventualité d'un rappel quelconque!
Il a tort! Cinq minutes ne se sont pas encore complètement écoulées que j'ai mon fournisseur en ligne:
-J'ai peut-être une solution! J'ai trouvé une autre portière, du côté qui vous intéresse, mais...
-Mais?
-... elle se trouve à Braine-l'Alleud, dans une de nos succursales, à une centaine de kilomètres de chez vous. Je peux la faire chercher par un coursier et vous la faire livrer demain, en fin d'après-midi, si vous voulez...
-En fin d'après-midi?
Jean-Marc frôle l'apoplexie...
-Je ne peux pas attendre si longtemps, gémit-il. Tout mon atelier est bloqué! Si j'avais eu la bonne portière, je serai occupé à la peindre, pour le moment. La voiture aurait été terminée demain matin...
-Bon! Je la prends! Donnez-moi l'adresse: je vais aller la chercher moi-même...
J'ai beau avoir fait un grand bond dans l'échelle sociale depuis quelques années, je n'ai rien changé à ma vie. Je ne sors toujours pas, habite toujours chez mes parents et roule toujours avec ma ...vénérable Renault 5 TS, rouge. Elle frôle les vingt-trois ans, n'est plus très fringante, mais pour le peu de déplacement que j'ai à effectuer... elle fait parfaitement l'affaire!
Je prend note de l'adresse, 28, rue de l' Essor, à côté du garage Lebeau, à Braine-l'Alleud, et me met en route immédiatement.
Les nonante-quatre kilomètres qui me séparent de Braine sont vite avalés: elle « tricote » encore, ma vieille Titine.
Ah, voilà! Le garage Lebeau... et le magasin d'accessoires. C'est ici!
Au moment où je vais me garer, ma fidèle 5 décide qu'elle a terminé sa part de travail! Elle a un hoquet, toutes les lumières du tableau de bord s'allument et le moteur s'arrête. Un peu de fumée blanche s'échappe de l'avant et je n'ai même pas besoin de soulever le capot pour comprendre que mon joint de culasse -et, par la même occasion, le « moulin »- vient de rendre l'âme!
La situation, qui pourtant ne s'y prête pas, me fait sourire quand même:
En panne! Moi, le patron des ateliers Pierre. Je suis en panne, avec ma propre voiture et à cent kilomètres de chez moi, en plus! C'est un comble!
20
Je sors de mon auto qui n'est, pour le moins, plus mobile et m'apprête à la pousser le long du trottoir, quand un ouvrier du garage, qui m'observait depuis la piste de la pompe à essence, s'approche de moi:
-Un problème, Monsieur?, demande-t' il.
Je m'apprête, sans même le regarder, à lui répondre que non, que tout va très bien, Madame la Marquise, que très souvent, quand je viens dans le quartier, je m'amuse à pousser ma voiture pour en économiser le carburant... quand quelque chose, dans le ton de sa voix, me semble familier.
Je me retourne et le dévisage, les yeux ronds, muet de surprise: devant moi se tient Cédric, mon vieux copain Cédric!
En voyant mon air ahuri, celui-ci s'exclame:
-Cela ne va pas, Monsieur?, inquiet.
-Cédric! Tu ne me reconnais pas?
En le disant, je pense in-petto:
Comment le pourrait-il? Je porte barbe, moustache et cheveux longs; moi qui était imberbe et coiffé comme G.I. Tout le monde, à Pont, même ma mère ne m'appelle plus autrement que « Le viking »... et le body-building, que je pratique deux fois par semaines, m'a sculpté des muscles de bonne facture. (Sans pour autant me faire ressembler à un Arnold Schwarzenegger.) Oui, comment pourrait-il me reconnaitre, six ans après son départ de Pont?
-On se connait?, dit-il, faisant visiblement un effort de mémoire pour me situer.
-Ah oui! Cela: on se connait! Réfléchit bien... T'avais pas un copain, autrefois, qui roulait dans la même Renault?
-Pierre?, balbutie-t' il. C'est pas vrai! Pierre! Pierre Delcampe!
Et nous tombons mutuellement dans les bras l'un et l'autre.
-Qu'est-ce que t'as changé! Je me rappelle que tu ne voulais, en aucune façon, entendre parler de cheveux longs... On dirait...
-Un viking, je sais! C'est comme cela qu'ils m'appellent tous à Pont, maintenant...
-Qu'est-ce que tu fais ici? T'es perdu?, me demande-t' il.
Je lui raconte l'histoire des portières inversées, la raison de ma présence ici.
Tout en parlant, j'ai sorti mon gsm de sa pochette -et oui, j'ai bien dû succomber à la mode du « g », moi aussi- et formé le numéro de mon garage.
-Oui, la dépanneuse! Tu me l'envoies fissa ici, à Braine, rue de l' Essor.
Quoi, qui va la conduire? Je ne sais pas, moi! Demande à Jean-Marc, sans sa portière, il ne peut quand même rien faire... Autant que je le paie à venir me chercher, dis-je à Anne-Marie, la nouvelle secrétaire que j'ai embauché il y a quelques jours.
-Tu..., tu fais venir une dépanneuse de Pont?, dit Cédric, en me regardant comme si j'étais devenu fou, subitement.
-Tu sais, mon patron, Monsieur Lebeau, peut te faire un bon prix pour la réparation. Cela te coûterait certainement moins cher que de faire venir une assistance depuis ton bled, continue-t' il, en riant.
-T'inquiète! Mon garagiste à moi, 'y peut rien me refuser! D'ailleurs, je ne paierai pas ce dépannage... Pas plus que je ne paierai la réparation, non plus!

21
Et je voudrai bien voir que le patron me dise quelque chose, tiens!
Cédric me regarde fixement.
Cette fois, cela y est! Il a pété un plomb, semblent dire ses yeux.
-Et tu sais pourquoi le patron ne dira rien et ne me fera rien payer?, lui demandai-je, le plus sérieusement du monde.
-.........?
-Parce-que le patron..., c'est moi!
-Toi? Tu rigoles, non? Tu es patron!? Mais de quel garage?
-Allons, tu souviens quand même qu'il n'y en a qu'un, à Pont-du-Roy...
-Ne me dit pas que...?
-Si, mon vieux! Grandjean, c'est moi depuis 2 ans déjà!
Nous discutons depuis une bonne demi-heure quand je lui fais remarquer, en riant, qu'il ne doit certainement être pas être payé pour discuter avec un inconnu, sur le trottoir...
Que moi, à la place de son patron, je serai déjà venu le récupérer par le fond de sa salopette pour le ramener à l' atelier...
-Oh, tu sais..., me dit Cédric, ce pauvre Monsieur Lebeau en serait bien incapable...
Depuis qu'une voiture est tombée du pont au moment sur son dos...il a de plus en plus de mal à se déplacer!
-...Mais tu as raison, poursuit-il. Je vais aller continuer. Viens, je vais te le présenter. Tu ne vas pas rester deux heures planté sur un trottoir, à attendre ta dépanneuse!
-Il sera content de te connaître... et vous pourrez parler « boutique »... entre patrons, ajoute-t' il, avec une petite pointe d'envie dans la voix.
Me souvenant ce pourquoi je suis à Braine-l' Alleud, je lui assure que j'arrive de suite: je vais d'abord chercher ma portière.
-Attends, je vais t'aider!
Une fois la portière casée de ce qu'il faut bien appeler « l'épave » de ma 5, nous nous dirigeons vers le garage. En marchant, par pure curiosité professionnelle, j' observe un peu mieux le bâtiment . Je devrai plutôt dire: les bâtiments!
Situés à l'angle d'une petite voie carrossable qui donne accès, pour la gauche, au terrain derrière le garage -terrain qui me semble recevoir tous les vieux fers et vieilles voitures avant leur évacuation pour la fonderie- et pour la droite, à un hangar abandonné, ils sont posés sur un terrain dont j'évalue la longueur, à front de rue, à une cinquantaine de mètres et la profondeur au double.
Il y a l'atelier de réparations proprement dit, qui me semble de bonnes dimensions et, accolé à sa gauche, une maison d'habitation; une villa moderne, toute de « plein-pied », en briques jaunes vernies. Enfin, à l'extrême gauche, il y a encore un vaste terrain gazonné, ouvert du côté façade et fermé par un mur blanc à l'arrière. Une clôture grillagée, recouverte de bambou, sépare la propriété de l'accessoiriste automobile voisin.
Devant l'ensemble, côté rue principale, une vaste esplanade goudronnée et trois double pompes à essence...
Le tout ressemble a un garage campagnard que l'on aurait déplacé d'un bloc en ville... quoique l'on ne puisse qualifier, de part ses dimensions, Braine-l'Alleud de ville!
22
...Même si le fameux « Lion de Waterloo », par un caprice de l'histoire se trouve sur cette commune!
Suivant Cédric, j'entre dans les locaux par la grande porte de l'atelier. Effectivement, c'est assez grand, dix mètres sur trente, environs. A gauche, dans un local vitré, un homme est assis à un bureau:
-Monsieur Lebeau, je vous présente Pierre, un ami d'enfance, garagiste lui aussi!
C'est lui qui vient de tomber en panne juste devant, dit Cédric, en désignant la rue d'un coup de menton.
-Antoine Lebeau, enchanté, répond l'homme, en se levant péniblement.
Cédric, les présentations faites, retourne à ses occupations. Très vite, un courant de sympathie passe entre-nous et nous adoptons un tutoiement de bon ton.
Quarante minutes plus tard, ce sont deux presque amis qui se racontent leurs petits et gros soucis de métiers, les problèmes récurrents d' approvisionnement en pièces détachées, les mille et une anecdotes des clients...
-Dommage que tout s'arrête pour moi, dit à un moment Antoine. Dans deux mois, c'est fini! J'ai fait ce que j'ai pu, mais je n'en peux plus! Mon dos me fait trop souffrir... Je jette l'éponge...
-Tu... arrêtes?
-La mort dans l'âme, crois-moi! Je me fais surtout du soucis pour les trois gars que j'emploie... Que vont-ils devenir? Je n'ai même pas encore osé le leur dire... Si j'avais pu trouver quelqu'un pour reprendre...
Mais personne! J'ai mis quelques annonces à droite et à gauche... Rien! Aucune réponse! C'est d'autant plus malheureux que j'avais eu des contacts avec Aixam, le constructeur des micro-voitures... Ils étaient tout prêts à me confier l' exclusivité de leurs modèles pour le brabant wallon.
Nous en étions à ce stade de la conversion quand l'éclat de feux oranges tournoyant nous fit regarder à l'extérieur, par la fenêtre du bureau:
-Ah, voilà Jean-Marc!, dis-je.
Cédric, Antoine et moi sortons ensembles.
-Bel engin, me fait remarquer Antoine, en connaisseur.
Il n'a pas tort. Je l'ai repeinte en vert et blanc, ma dépanneuse. Sur les flancs du plateau de dépannage figure, en grosses lettres:
« Ateliers de Pierre. », suivi de mon numéro de téléphone.
J'en suis assez fier, c'est vrai!
Jean-Marc, en nous apercevant, fait mugir les trois trompes chromées du klaxon, placées sur le toit de la cabine, devant la rampe de feux oranges. Il exécute une brillante marche arrière et vient se positionner exactement à l' arrière ma pauvre 5.
D'une souple détente, il saute de la cabine. La télécommande à la main, il fait descendre le plateau du camion, va défaire le frein à main de ma voiture et l'arrime solidement au câble du treuil automatique.
Il ne lui a pas fallu cinq minutes pour l'embarquer.
-Hé bien, dis-je en souriant, m'approchant de lui, tu m'avais caché que tu étais aussi dépanneur...

23
-Je ne t'ai rien caché du tout, fait-il. Tu ne me l'as jamais demandé... nuance!
-C'est que je n'ai pas toujours été carrossier sous-payé chez Delcampe, moi!, continue-t' il, hilare.
-Sous-payé,... sous-payé... 't' en foutrai, moi, du sous-payé!, que je lui rétorque sur un ton faussement fâché.
-Tu entends cela, Antoine? Et tes ouvriers? Ils se plaignent tout le temps aussi, comme celui-là?, fais-je faussement sérieux, désignant Jean-Marc du pouce.
-M'en parle pas, fait-il, sur le même ton. Patron? C'est une lutte permanente!
-Bon, ben... C'est pas l'tout! On doit y aller, lançai-je, en riant, à Cédric et à mon nouvel ami Antoine. Sinon, mon sous-payé de carrossier, ici présent, le connaissant comme je le connais, va encore faire des remarques désobligeantes sur les-patrons-qui-trainent-en route...
Nous nous mettons en route juste après que j'ai noté les coordonnées de Cédric, en promettant de le rappeler prochainement.
J'ai laissé le volant à Jean-Marc; il a l'air de tellement aimer cela...
Chemin faisant, il me confie qu'il a été dépanneur pour le compte de X, durant cinq ans, que cela lui rappelle sa jeunesse de conduire ma dépanneuse, que...
Je ne l'écoute plus vraiment... Le ronronnement du moteur m'a plongé dans une bienveillante torpeur. Je songe à ce pauvre Antoine... Il abandonne un métier qui est à la fois sa passion et son seul hobby.
Cela doit être une décision très difficile à prendre, me dis-je.
Je pense aussi à Cédric... Quelle chance que de l'avoir retrouvé... Mon seul véritable ami...
Et puis, je ne pense plus à rien: Je dors comme un nouveau né!
La vibration caractéristique que fait un camion lorsque son moteur s'arrête, me tire du sommeil.
-Nous sommes arrivés, me confirme Jean-Marc. Bien dormi?
-Comme un loir! Que vas-tu faire, maintenant? Tu rentres chez toi? Tu sais , je comprendrai: il est dix-sept heure vingt! Théoriquement, tu as « fini journée » depuis vingt minutes.
-Tu rigoles, me fait Jean-Marc. Et ma portière? Je tiens à terminer la voiture Lambert demain matin, moi!
Eh oui! Il est comme cela le Jean-Marc, comme tout mon personnel, d'ailleurs: Toujours prêts, comme les scouts!
Il faut dire que je suis loin d'être un patron tyrannique: je ne ferai jamais de remarques si ou l'autre de mes ouvriers -je préfère les appeler  « mes collaborateurs »- arrivent, occasionnellement, dix minutes en retard..., cela peut arriver à tous le monde! ...Tant que le travail est effectué à heure et à temps! Et si l'un ou l'autre doit effectuer une réparation sur son propre véhicule, le garage et tout son équipement est toujours à disposition!
J'ai peut-être tort, mais c'est ma méthode de direction de personnel...
Jusqu'ici, je n'ai jamais eu à m'en plaindre!

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Posté le : 21/11/2009 10H06
Un nouvel épisode de "Coraline & Pierre".

Épisode 5
-OK!, acquiesce-je. Fais comme tu veux! Tu fermeras la boutique derrière toi en sortant? Si je ne suis plus là, bien entendu.
-T'inquiète pas! Ce n'est pas la première fois, non?
-Non, c'est vrai! Et prend tout ton temps pour venir demain matin, surtout.
Je remonte dans la dépanneuse et vais pour aller décharger la 5 au milieu des autres épaves...
Non! Je ne peux pas faire cela! Je ne peux pas envoyer ma 5 à la casse! C'est mon dernier lien avec... Nous sommes en janvier de l'an 2000... Il y a quatre ans que je n'ai plus la moindre nouvelle d' Elle ... et je ne peux me résoudre à jeter à la mitraille une voiture, un tas de ferraille... Tout cela, parce-qu'un jour une Coraline de Jarvaux d'Arbois y a posé son cul!? 'Faut que j'aille me faire soigner d'urgence!, pensai-je.
Pourtant, bien que ce ne soit pas raisonnable, logique ou -Utilisez le terme qui vous convient le mieux-..., je rentre la dépanneuse en marche arrière dans l'atelier et
dépose précautionneusement la petite voiture rouge dans le fond du garage, à côté des ponts.
Vous allez sans doute sourire: j'ai la très nette impression qu'elle m'en remercie, qu' elle me crie que nous nous baladerons encore souvent ensembles...
Et moi...: je ne demande qu'à la croire!
Allez, rideau, c'est tout pour aujourd'hui! Je rentre à la maison... chez papa et maman!
Ah oui, la bonne idée... Et j'y vais comment? 'Pas envie de me taper presque cinq kilomètres à pied...et autant demain matin, pour revenir! Rentrer avec la dépanneuse? Si je la gare dans le petit chemin qui mène au lotissement de mes parents, plus un seul voisin ne peux passer... pas même à vélo.
Tant pis! C'est peut-être une folie..., mais je m'offre une voiture! Après tout, elle est déjà à moi; c'est l'ancienne du boucher de Sart-au-leu, que j'ai reprise.
Je rentre chez mes parents au volant d'un cabriolet Mercedes 220 E, beige crème, qui a encore fière allure, malgré ses douze ans, ce soir là.

Mars 1996.
Contrairement à ce qu'elle pensait, Coraline s'est habituée à la nudité permanente et elle doit bien le reconnaître: la première honte passée, ce mode de vie est plus qu' agréable. La caresse du vent sur la peau, pouvoir se baigner sans devoir, ensuite, supporter un maillot mouillé... Cela procure un délicieux sentiment de liberté!
Tout son corps a pris une jolie couleur de café au lait, ce qui met en évidence ses magnifiques yeux verts. Ses longs cheveux ondulés ont foncés un peu.. L'ensemble lui donne un petit air de gitane du plus bel effet.
Trois mois se sont écoulés depuis son arrivée à « Villa Luna »...
Elle est enceinte de sept mois, maintenant, comme sa copine Béatrice, une autre pensionnaire. Son ventre, contrairement à celui de son amie qui porte un petit tonneau sur le devant de sa personne, ne s'est pas arrondi. Sophie, la gynécologue du centre, une personne charmante de cinquante-cinq ans, les taquinent souvent sur le sujet, répétant à chaque visite:
25
« Ventre rond..., sexe bâton! Ventre tendu..., sexe fendu! »
Souvent , elles se placent côte-à-côte et commentent leurs différences.
Si son ventre ne s'est pas développé démesurément, sa poitrine par contre...
Au point que Sophie l'a obligé à porter un soutien-gorge d'allaitement, lors de ses promenades, dans l'immense parc. Cela fait beaucoup rire ses amies -surtout la plus jeune, Mélanie-, la compagne de chambre de Cora: la voir déambuler à poil, mais néanmoins porteuse d'un soutif est, d'après elles, du plus haut comique.
Pour le moment, Coraline, enduite de crème solaire, profite du soleil, allongée sur le transat de la terrasse de sa chambre.
Les yeux clos, elle laisse aller ses pensées:
Pierre, Pierre! Que deviens-tu? As-tu compris que je ne t'ai pas quitté? Si tu savais à quel point tu me manques!
Je me souviens, les premiers jours ici étaient cauchemardesques! Vivre nue... comme un animal... une moins que rien!
Et puis l'amitié des autres filles, la chaleur du personnel, l'habitude ont fait que...
Oh, j'ai bien tenté de fuir: je ne suis jamais arrivée aux limites du parc! Et puis, Palma ou non, en janvier et février, il ne fait bon qu' aux heures du midi. Le reste du temps, il fait trop froid que pour rester nue dehors! Et même... Si j'étais parvenue à m'enfuir: comment t'aurai-je retrouvé? Nue, enceinte, sans argent, sans papiers...
Que vais-je devenir? Te retrouverai-je un jour? Voudras-tu encore de moi, si jamais ce jour arrive...
Pierre, qu'est-ce que je donnerai pour être avec toi...
Mentalement, elle lui écrit une longue lettre, comme s'il pouvait la lire un jour.
Elle lui explique sa vie de prisonnière de luxe, dans un environnement de rêve, où tous les jours, les mets les plus fins sont servis au restaurant et où les cours d'école sont dispensés de manière ludique... Elle a choisi la gestion hôtelière, sa passion... et, en trois mois, elle en a appris plus qu'en une année de cours traditionnels...
Elle lui parle aussi de ses peurs, de ses espoirs, de sa solitude parfois, comme s'il était là, près d'elle, comme avant.
Un petit vent léger lui apporte l'odeur sucrée des vanilliers, dont les fleurs blanches éclosent un peu partout dans le domaine, à ce moment de l'année...
Une ombre, soudain, passe devant ses paupières closes... Elle ouvre les yeux et éclate de rire: devant elle se tient Mélanie dont la poitrine s' orne d'un superbe soutif d'allaitement blanc!
-Ah, tu avais raison, lui dit-elle. C'est vraiment comique à voir, une fille nue, bronzée...avec un soutif renforcé et blanc, par dessus le marché!
-Gna,gna,gna..., a pour toute réponse une Mélanie vexée. Et elle rentre dans la chambre par la porte-fenêtre.






26
Toujours installé dans le fauteuil de son bureau, de Jarvaux raccroche le combiné de téléphone.
-Bon, les billets d'avion, c'est fait! Reste à appeler Marie-Odile...
Marie-Odile Van Casteel est une personne de 40 ans, environ. Elle présente bien et serait toujours sage-femme si elle n'avait tenté, il y a quelques années, d'escroquer l'hôpital où elle exerçait... A l'époque, elle et lui étaient très... amis, dirons-nous pudiquement!
Elle occuperait actuellement un coquet petit appartement de deux mètres sur trois, avec vue sur barreaux et collocatrices en tailleurs rayés jaunes et noirs, si il ne lui avait sauvé la mise en intercédant pour elle auprès de quelques amis haut-placés. Elle s'en était tirée par un petit exil volontaire de trois ans, histoire de se faire oublier. (C'est que l'on en connait du monde, dans la haute industrie.) Depuis, bien qu'ils aient rompus, elle ne peut rien lui refuser.
Vingt minutes plus tard, la Marie-Odile en question est assisse dans le bureau et écoute Hubert lui exposer ce qui l'attend d'elle...
-Tu es fou!, dit-elle. Cette pauvre gamine va...
-Elle n'avait qu'à réfléchir avant aux conséquences de ses actes! Je lui avais formellement interdit de continuer à fréquenter son loqueteux... Elle ne m'a pas écouté: tant pis pour elle!
-Bon, répond Marie-Odile. Tu commandes, j'obéis! Mais c'est bien parce-que c'est toi: j'ai horreur de cette histoire! Tu es vraiment...monstrueux!
-Ce qui est beaucoup moins monstrueux, lui répond Hubert, sarcastique, ...ce sont les
huit cents mille francs que tu vas encaisser pour même pas trois petites semaines de travail au soleil, non?
-Oh, ça va, ça va! Tu sais très bien qu' en affaires..., je n'ai aucun sentiment! Fut-ce même pour une gamine que j'ai connue toute petite!
-Alors, nous sommes bien d'accord? Tu pars pour Palma le premier mai?
-Compte sur moi! Tout sera fait comme convenu! Et puis, je suis contente de revoir Palma; j'y ai habité trois ans... si tu t' en souviens ...
Mon plan est en marche... Coraline, ma « chère fille », tu n'as pas fini d'en baver, crois-moi!


En me couchant, ce lundi soir, les paroles d' Antoine me tournent dans la tête...
« Le personnel n'est pas encore au courant..., J'arrête dans deux mois..., concession Aixam... »
C'est un bien bel établissement, quand même!, pensai-je. Et mon pauvre Cédric, que va-t' il devenir? Et si... Non! Ce serait une folie! Quoique...
Je sombrai dans un sommeil agité...
Le lendemain mardi, après avoir vérifié le planning de la journée avec Anne -Marie, je m'enfermai dans mon bureau -phénomène extrêmement rare chez moi- non sans l'avoir prévenu que je ne voulais pas être dérangé.
Mon premier coup de téléphone est pour mon comptable. Il m'informe, au centime près, de l'état de mes finances...
27
-Donc, d'après toi, lui dis-je, je peux y aller.
-Sans aucune restriction!, m'assure-t' il. Tes finances sont prospères... Tu peux y aller franco!
Après avoir raccroché, j'ai encore un petit moment d'hésitation...
Finalement, je re-décroche mon téléphone:
-Allo, Antoine? Je crois que j'ai la solution à ton problème!
Aujourd'hui, le dix-neuf juin 2004 exactement, cela fait quatre ans que je parcoure régulièrement la distance Pont-du-Roy / Braine-l'Alleud, car sur ce qui était le garage Lebeau est inscrit en grand:
«Ateliers de Pierre. Concessionnaire Aixam. »
Un coup de génie qu'il a eu là, Antoine... et que j'ai rudement bien fait de reprendre à mon compte!
Aixam m'a fait des conditions très avantageuses pour que je représente leur marque.
Au début, personne ne voulait entendre parler de ces petits véhicules prévus pour deux personnes et ne nécessitant qu'un permis de conduire pour cyclomoteur.
J'organisai alors des « journées porte-ouvertes », des démonstrations et j'allai même jusqu'à en prêter une ou deux -achetées de ma poche- aux clients.
Quand mes clients potentiels se sont rendus compte que pour circuler en ville, il n'y a rien de plus économique -malgré un prix d'achat élevé, il faut bien le reconnaître-, si ce n'est un cyclo, ils ont commencés à acheter massivement ces petits engins étonnants, qui consomment trois litres de mazout au cent kilomètres, ne doivent pas être immatriculés et sont équipés, de série, d'auto-radio lecteur de CD, d'une commande des vitres électrique, d'un verrouillage central -avec télécommande- et chauffage.
J'ai même vendu à un petit entrepreneur régional deux mini-camions de ma marque!
Cela marchait tellement bien ici, à Braine, qu'un jour j'en ai chargée deux sur la dépanneuse et je les ai amenées à Pont.
Le succès a été fulgurant! Pensez: pour les personnes nées avant 1961, point n'est besoin de détenir un quelconque permis de conduire... Pour les autres, un simple permis « Cyclomoteur » suffit... et ce, dès seize ans!
Du jour au lendemain, tout ce que Pont tenait comme ménagères campagnardes, bloquées chez elles pendant que Monsieur monopolisait la voiture familiale pour aller bosser, en a voulut une!
Finies les heures perdues à attendre un bus qui n'arrive pas, les courses du ménage, effectuées à pied, sous une pluie battante, le retour de marché « chargées comme un âne » ou les disputes conjugales parce-que Monsieur ne veut pas se « taper » les magasins samedi!
Mes Aixam ont relégués tout cela au moyen-âge!
Il doit bien en avoir une vingtaine en circulation, rien qu'à Pont.
Bien sûr, tout le monde ne peut pas s'en offrir..., mais patience: les occasions arrivent!
Mes garages sont devenus de véritables mines d'or. Ils monopolisent tout mon temps. Par contre, ma vie d'homme...


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En janvier prochain,il y aura dix ans que Coraline mystérieusement a disparu et je ne peux pas l' oublier... Coraline..., ma Coraline...
Et pourtant, j'ai essayé! J'ai cru enfin y parvenir dans les bras d'Anne-Marie, ma secrétaire à Pont. Elle a tout pour elle: vive, élégante, charmante..., mais je ne peux pas!
Je ne peux pas!
Toujours SON image s'est interposée entre-nous, au point que le soir où..., je l'ai appelée « Coraline »... Elle m' a simplement regardé tristement.
-Dommage! J'aurai bien voulu..., mais si je sais lutter contre une rivale; je ne peux rien faire contre un fantôme! Je ne suis pas de taille! J'espère pour toi que tu ne poursuis pas une chimère, m'a-t' elle dit, avant de s'en aller.
Depuis, nos relations sont redevenues amicales et professionnelles, c'est tout!
J'ai emménagé dans la maison d'habitation contiguë au garage, à Braine. Officiellement, j'y suis même domicilié..., bien que je continue, le plus souvent, à vivre chez mes parents, à Pont.
L'argent entrant à flots, je me suis lancé -très prudemment- dans la spéculation boursière. J' ai déjà connu quelques jolis succès... qui m'ont rapportés pas mal!
Un soir de juillet 2005, -pour une fois j'étais chez moi, seul, comme toujours, à Braine- Cédric m'a fait la surprise de venir me tenir compagnie.
-Ma femme m'a donné permission de minuit, m'a-t' il dit d'emblée, en s'asseyant dans mon canapé. Mais je crois surtout qu'elle s'inquiète pour toi, a-t' il ajouté, plus sérieux, tout d'un coup.
-Pour moi? Mais je la connais à peine, ta charmante épouse...
-Oui, bon! Disons que je m'inquiète pour toi, alors., si tu préfères. Il n'est pas normal qu'un homme comme toi, riche, beau et intelligent soit toujours célibataire à ton âge?!
Tu as « viré de bord »?
-Oh, arrête, Cédric! Je crois entendre ma mère!... lui dis-je, à la fois content que l'on pense à moi et fâché que l'on se mêle de ma vie.
Je n'ai jamais raconté mon histoire d'amour d'avec Coraline à personne..., pas même à lui, mon meilleur ami!
Ce soir-là, je ne sais pas pourquoi, je lui ai ouvert mon cœur et tout raconté.
Notre rencontre -il s'en souvient très bien: il était là aussi, me rappelle-t' il-, notre première fois et l'arbre gravé à nos noms, là-bas, à Sart-au-leu. L'opposition de son père, de Jarvaux d'Arbois...et leurs disparition totale, ce matin de janvier 1996...
-Quel nom dis-tu?, m'interrompt Cédric.
-de Jarvaux d'Arbois! Hubert de Jarvaux d'Arbois: je ne l'oublierai jamais!
-Cela, c'est bizarre, continue Cédric. La maison à côté de ma belle-sœur, Marianne, une baraque comme un château, avec une piscine et un jardin comme un parc, est habitée par des de Jarvaux d'arbois ou quelque chose dans le genre ... et il me semble que ma belle-soeur m' a dit un jour qu'il n'y avait pas plus de sept, voire huit ans qu'ils y étaient.
Le rythme de mon cœur, brutalement, s'est accéléré:
-Elle habite où, ta belle-soeur?

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-A Waterloo, avenue des Pruniers bleus. C'est à cinq minutes en voiture! Je demanderai demain à Marianne si elle les connait.
Et sur ces bonnes paroles, il m'annonce qu'il rentre chez lui, sinon sa femme va le pendre par où on pend les poires!
-Extrêmement douloureux et désagréable, m'assure-t' il, en s'éclipsant avec un grand rire.


A onze heure trente, ce mardi 1er mai 1996, un airbus A 300 aux couleurs de la Thomas Cook airlines, en provenance de Bruxelles, se pose sur la piste de l'aéroport Son Joan à Palma de Mallorca.
Trente minutes plus tard, bagages à la main ou chargés sur de petits chariots métalliques, une foule, jacassante, joyeuse et bigarrée, de touristes se dirige vers les divers autocars les amenant vers leurs hôtels.
Seule une jeune femme blonde, élégamment vêtue, manifestement enceinte de plusieurs mois et ne portant qu'un petit bagage à main, se dirige vers la station de taxi toute proche:
-Hôtel Miraflorès, en el centro ciudad, por favor, dit-elle au chauffeur, en s'installant à l'arrière de la voiture.
(Hôtel Miraflorès, au centre-ville, s'il-vous plait.)
-Con mucho gusto, Señora, lui répond celui-ci.
(Avec plaisir, Madame.)
Le taxi s'engage habilement dans la circulation dense de la ceinture de Palma. Après cinq minutes, il passe devant la splendide cathédrale qui surplombe le port.
En chemin, le chauffeur s'inquiète:
-¿ No tiene calor demasiado, Señora? ¿ Quiere que aumente la climatización?
(Vous n'avez pas trop chaud, Madame? Voulez-vous que j'augmente la climatisation?)
-No, no. Gracias. ¡ Todo es muy bien como esto!
(Non, non. Merci. Tout est très bien comme cela!)
Tournant à droite, le taxi laisse le port derrière lui et s'engage dans la montée qui mène à la place de la Reine, point de départ des nombreux bus sillonnants l'île en tous sens, le véritable nœud routier de Palma.
- ¿ Es para pronto, el acontecimiento feliz, Señora?, dit encore le chauffeur, pour meubler le silence.
(L'heureux évènement est pour bientôt, Madame?)
- No sé exactamente... La semana próxima, normalmente.
O la semana siguiente, posiblemente...
(Je ne sais pas. La semaine prochaine ou la semaine suivante...)
Cinq minutes plus tard, le taxi s'arrête devant un bel hôtel, bâti sur trois étages et dont la façade blanche est garnie de nombreuses jardinières multicolores.
-He aquí, Señora. Estamos allí...
Le taximètre indiquant 250 pesetas, la passagère en donne 300 au chauffeur, en lui précisant:
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Episode 6 de:
"Coraline & Pierre".
Bonne lecture à toutes et tous!

Épisode 6
-Es justo como esto. ¡ No busque la moneda!
(C'est bon comme cela. Ne cherchez pas la monnaie.)
-Muchas gracias Señora. ¡ Hasta pronto, posiblemente y buena estancia en Mallorca!,
(Merci beaucoup, Madame. A bientôt peut-être et bon séjour à Majorque.)
dit encore le chauffeur, avant de repartir.
L'employé de la reception, qui trône derrière un imposant comptoir d'acajou verni, est impeccablement vêtu d'un costume gris. Il a les cheveux noirs si bien coiffés que l'on pourrait croire qu'il les enlèvent chaque soir pour les déposer sur une tête de bois, comme Louis De Funès le fait dans le film: « La grande vadrouille ».
Le sourire commercial aux lèvres, il l'accueille d'un:
-Buenos días, Señora. ¿ Puedo ser útil para usted?
(Bonjour, Madame. Puis-je vous être utile?)
-Tengo una reserva en nombre de Octave. Muriel Octave, lui répond-elle, en posant son bagage sur le rutilant marbre noir qui orne le sol du le hall de la réception.
-Muriel Octave... Muriel Octave... ¡ A he aquí! Cámara 302, 3r piso. Su habitación se encuentra en medio del pasillo, a la derecha. ¡ Los ascensores están en el fondo del pasillo, justo delante de usted!, dit-il, en lui tendant une clé.
La chambre est propre et convenablement meublée. Dans la pièce attenante: une petite salle de bain, avec une toilette. Enfin, une porte-fenêtre double s'ouvre sur un petit balconnet, meublé de deux chaises et d'une table.
Vingt minutes plus tard, Muriel ressort de l'hôtel et se dirige à pied vers le centre-ville où, malgré l'état avancé de sa grossesse, elle loue une petite Peugeot 106 blanche, idéale pour se faufiler partout sans attirer l'attention.


2 Mai 1996.
Sophie Van Damme, la gynécologue belge qui officie à « Villa Luna » depuis sa création, reçoit ce jour-là, vers 13 heure, un courrier étrange:

Madame, Monsieur,

Le jury vient de nous le confirmer: vous êtes bien les gagnants du super-tirage au sort, effectué hier en nos locaux, sous le contrôle de Maître Hustin, huissier de justice à Bruxelles.
Vous vous envolerez donc, ce samedi 5 mai, avec la personne de votre choix, pour Rio de Janeiro où vous embarquerez à bord de notre luxueux bateau, le « Princess Mary » -l'équivalent d'un hôtel quatre étoiles- pour un périple d'un mois, tout frais payés.
Le reste n'est que du bla-bla, quelques photos et un numéro de téléphone, en Belgique, à appeler d'urgence pour confirmation.
-Tu as participé à un concours récemment?, s'informe-t' elle auprès de Paul, son mari.
-Moi? Non! Pas que je sache...

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Sceptique, mais curieuse quand même, Sophie compose le numéro de téléphone
figurant sur la lettre. Après quelques sonneries et de multiples déclics, une agréable
voix masculine la prie de bien vouloir répéter le mot de passe figurant au bas du courrier qu'elle vient de recevoir:
-Croisière, répond-elle.
-Hé bien, bravo! Je vous le confirme: vous avez bel et bien gagné!, lui assure la voix, dans l'écouteur du téléphone.
Quand elle s'informe de savoir comment il est possible de gagner à un jeu auquel elle n'a jamais participé, la voix la rassure:
-C'est un pur hasard et aucune participation n'est requise: vous avez effectué un paiement avec votre carte de crédit internationale de chez XY et c'est le numéro de cette transaction qui a servi de base à l'attribution de votre lot; c'est tout!
Suivent les politesse d'usages, avant que Sophie ne raccroche.
L'interlocuteur de Sophie, en raccrochant, pense:
-Épatantes ces petites centrales téléphoniques personnelles! Un enfant de cinq ans s'en sortirait...Bon! Maintenant, mettre ce numéro d'appel sous répondeur...

-Paul, Paul, appelle-t' elle, euphorique. Nous avons gagnés! Gagnés! Nous partons samedi pour Rio! Tu te rends compte! Rio! Pour une fois que nous gagnons quelque chose...
-Du calme, répond Paul. Redis-moi cela tranquillement... Rio? Comment peux-t' on partir à Rio, comme cela, au pied lever?
-Nous avons gagnés, je te dis! Un tirage au sort...
Puis soudain, son front se plisse:
-Aie! Je ne pourrai certainement pas y aller..., dit-elle, la déception dans la voix. Nous avons pas mal de naissances prévues, ces prochains jours au centre... Je doute fort que Maria me laisse partir comme cela!
-Tu sais quoi?, lui rétorque Paul, téléphone-lui immédiatement: nous serons fixés!
Elle compose le numéro de « Villa Luna » et explique à Maria, sa directrice et amie, la chance qu'elle vient d'avoir.
-Hé bien, dit Maria, après l'avoir écoutée, on peut dire que tu baignes réellement dans la chance aujourd'hui. Je serai toi, je courrai faire un Loto! Normalement, je ne pourrai pas te laisser partir; tu sais bien que nous avons cinq naissances au planning de ce mois, dont l'enfant de la petite Coraline...
-Mais, continue-t' elle, quand je te dis que tu as de la chance... Figures-toi que j'ai en face de moi, en ce moment même, une sage-femme, avec d'excellentes références, qui veut s'installer ici, à Palma, et qui cherche du travail... Si elle est d'accord pour commencer dès demain, il te restera trois jours pour la mettre au courant... et tu pourras aller tranquillement t'éclater en croisière, avec Paul!
La jeune femme brune, assisse devant le bureau, en face de Maria, s'empresse d'accepter la proposition et celle-ci déclare alors à une Sophie aux anges:
-Elle est d'accord! Tu peux partir..., mais n'oublie pas de venir jusqu'à vendredi, quand même!
Se tournant alors vers la jeune femme toujours assisse devant le bureau:
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-Bienvenue parmi nous! Vous verrez, ce centre est un peu spécial, mais vous vous habituerez vite à notre façon de travailler. Vous pratiquez le naturisme, Madame heu...
-Ormeaux. Martine Ormeaux, répond son interlocutrice. Le naturisme? Non, pas vraiment... Vous savez chez nous, le temps ne s'y prête pas souvent, contrairement à ici...
-Ah, lui dit Maria. Cela vous poserait un problème d'en faire?
-Pas vraiment, enfin, je ne pense pas! Je n'en ai jamais fait, alors, vous comprenez...
-Bien sûr! Venez, je vais vous faire visiter « Villa Luna »... Vous me direz vos impressions après.
Et sous les yeux ébahis de Martine Ormeaux, Maria « revêt » sa tenue de travail...en l'invitant à faire de même!


-Ah! Je constate avec soulagement, que ta femme n'a pas mis sa menace à exécution, dis-je à Cédric, au moment où il entre dans le bureau, le lendemain de notre soirée commune: Tu marches tout-à-fait normalement!
-Oui! J'ai eu de la chance de m'apercevoir à temps qu'il était presque minuit, me répond-il, en riant.
-Qu'est-ce qu'on a sur le feu, aujourd'hui?, continue-t' il, en se saisissant de l'agenda où nous prenons note des rendez-vous de la journée, avant de distribuer le travail aux deux autres ouvriers de l'atelier, comme il le fait d'habitude en mon absence.
-Cédric, lui dis-je plus sérieusement, peux-tu me dire exactement où habite ta belle-soeur?
-Ma bel..., Ah oui! Avenue des Pruniers bleus, à Waterloo. Au numéro 22. C'est un petit pavillon jaune paille avec des volets verts. Tu ne sais pas le rater. Tu prends par...
-La maison des supposés de Jarvaux est juste en face, en contrebas de la route, achève-t' il. Tu vas voir, c'est une grande maison carrée, avec une verrière qui recouvre la piscine. Quand tu tiens au bord de la route, tu vois bien l'allée bordée d'arbres qui y mène et le portail...
Ma présence n'étant pas obligatoire au garage -quand je vous dis qu'elles tournent toutes seules, mes entreprises- je décide d'aller faire un tour avenue des Pruniers bleus...
Mon cabriolet passe inaperçu dans ce quartier devenu, depuis quelques années, l'un des plus huppés de Waterloo. On y identifie les plus pauvres au fait qu'ils lavent eux-mêmes leurs Jaguars.
-Ne crois pas, en voyant le quartier, que la famille de ma femme roule sur l'or, m'a bien précisé Cédric. Il y a quelques années, personne ne voulait habiter ce quartier qui ne comptait que trois maisons et des pâtures à vaches...
Possible... mais difficile à croire!, me dis-je, en arrêtant ma voiture le long du trottoir un peu plus haut que le numéro vingt, juste avant l'entrée cochère du vingt-deux.
Comme Cédric me la dit :debout, depuis le bord de la route, on voit très bien la maison en contrebas.
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Dans l'allée traîne un vélo d'enfant et dans le fond du jardin se trouve un portique avec des balançoires. La piscine est masquée par un rideau de végétation assez dense que pour la masquer aux regards indiscrets. Il me semble entendre, de derrière ce rideau, des cris et des rires d'enfants ainsi que des bruits d' éclaboussures d'eau.
Un transat est occupé par une femme en bikini rouge, mais je suis trop loin que pour en distinguer les traits; ce pourrait être Madame de Jarvaux ou Madame Tartempion, ce serait du pareil au même! Et puis...: J' ai aperçu la mère de Coraline deux fois -en coup de vent- il y a neuf ans d'ici. Comment voulez-vous reconnaître qui que ce soit, dans ces conditions.
Je remonte en voiture et, au moment de démarrer, j'entends clairement une voix féminine crier:
-Caroline! Je t'ai déjà dit mille fois de ne pas courir au bord de la piscine! Tu vas finir par tomber et te faire très mal!
Je ne sais pas ce que j'espérais trouvé en venant ici.
Je n' y ai vu qu' une maison, certes grande et belle, mais c'est tout! Je rentre au garage...


Le 16 mai 1996, à dix heures quarante, Coraline est en plein cours d' « accueil à la clientèle » quand une douleur violente la plie en deux.
-Betty, dit-elle à sa monitrice, avec un pâle sourire, je crois que cela y est! Bébé veut venir voir ce qui se passe de ce côté-ci de mon ventre!
-Tu crois?, dit la monitrice.
-Je..., Aaaah! N..., non! J'en suis... sûre!, continue-t' elle, crânement.
Betty, comme toutes les autres « monitrices » du centre, connaît parfaitement la procédure à suivre en pareil cas: elle se saisit du petit transmetteur qui pend en permanence à son cou, pousse sur le bouton vert indiqué « on » et dit ( de Nantes, bien sûr) simplement: Coraline! Cours 23/10.
Il ne se passe pas cinq minutes avant qu'une petite voiture électrique, comme celles que l'on voit sur les terrains de golf, n' apparaisse. Coraline s'y installe et le petit véhicule démarre, en direction du bloc « maternité ».
A son arrivée, elle est immédiatement prise en charge par deux infirmières qui la dirige vers une des deux salles de travail, afin de la préparer.
Les contractions se rapprochant de plus en plus, Coraline est placée sur la table d'accouchement, les pieds bien calés dans les étriers.
Martine, la sage-femme, vient l'examiner un bref moment:
-Relax, Cora! Tout va bien se passer, tu verras!, lui dit-elle, d'une voix douce.


A l'hôtel Miraflorès, Muriel Ormeaux est une cliente exemplaire. Paquita, la femme de chambre, dit un jour à sa collègue de l'étage inférieur:
-Si podían estar totalmente como ella... Su habitación siempre está arreglada impecablemente. ¡ No tengo que hacer allí nada, sino cerrar la cama, y todavía! ¡ A veces, ella misma ya lo hizo!
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(Si tous les clients était comme elle, je n'aurai plus rien à faire! Cette chambre est toujours propre, parfaitement rangée. Je n'ai que le lit à fermer, et encore!)
D'ailleurs, on ne la voit que le matin tôt, au petit déjeuner et aux repas du soir.
Le reste du temps, elle est partie. Elle a demandé à la reception si quelqu'un pouvait lui établir une liste des agences immobilières de l'île et elle sillonne les routes toute la journée, à la recherche de la maison de ses rêves, paraît-il.
Pas prudent ce qu'elle fait là, pense un matin un des employés en la voyant passer.
Enfin, c'est son problème...
Cabo de Formentor est le point le plus haut de l'île de Palma. Là-bas, il n'y rien à part le point de vue... et, mais de cela peu de monde est au courant... « Villa Luna ». Pour y arriver, il faut prendre à droite, en face des parkings du point de vue et suivre une petite route étroite, qui serpente dans la montagne.
Il faut encore tourner à droite, dans un chemin à peine visible, et continuer une centaine mètres jusqu'à une pinède dense et touffue. Là, il faut laisser la voiture sur une petite esplanade et faire cent mètres à pied pour la contourner, avant de se retrouver, subitement, devant un grand portail de bois massif, qui troue un haut mur de pierres plates. C'est l'entrée de « Villa Luna », totalement invisible depuis la route principale. Personne ne peut se douter de l'existence d'un tel centre à cet endroit et si, d'aventures, quelqu'un s'étonnerait de la présence des voitures du personnel garées en ce lieu désert, il croirait sans doute à quelques promeneurs amoureux de la nature sauvage.
En continuant tout droit sur la petite route de montagne, on arrive à une vieille maison en pierres du pays, abandonnée, entièrement dissimulée aux regards par une végétation luxuriante et perchée au bord d'une falaise qui plonge droit vers les eaux bleues de la méditerranée. Elle a encore fière allure quand bien même elle ne possède plus ni portes, ni fenêtres, ni toiture. A sa droite, protégé des intempéries par le corps de la maison, ce qui a du être une bergerie autrefois, en pierre elle aussi, est restée en relativement bon état. Si la moitié des tuiles du toit a disparu, la lourde double porte en bois qui la ferme est encore bien présente, bien que percée de nombreux trous.
D'ici, par un chemin de chèvres, il n'y a même pas cinq minutes à pied jusqu'à « Villa Luna ».
Personne n'y vient jamais: la route ne s'y prête plus guère, envahie quelle est par ronces et végétaux divers.
Pourtant, depuis quelques jours, il s'y passe des choses étranges: une Peugeot 104 blanche s'y parque chaque matin. Dans le coffre, tout le matériel nécessaire pour accueillir un très jeune bébé... Sur la banquette arrière, un couffin tout neuf... Une jeune femme blonde, enceinte depuis plusieurs mois manifestement, en descend, va soigneusement fermer la porte vermoulue et disparaît à l' intérieur. Quelques minutes plus tard, Martine Ormeaux prend son poste de sage-femme, à « Villa Luna ».


Les contractions sont de plus en plus rapprochées, de plus en plus violentes, aussi.
Coraline est en nage; elle n'en peut plus, malgré qu'elle applique à la lettre les consignes données par Joëlle, l'infirmière qui l'assiste.
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-Allez, vas-y! Respire! Fait le « petit chien », allez!, est justement en train de lui dire celle-ci.
-Cela ne se passe pas bien, constate Martine. Je vais te donner quelques chose pour te soulager, avant de lui injecter un produit dans le bras.
L'infirmière a le temps de penser, étonnée:
Tiens, depuis quand les sage-femmes se permettent-elles de faire des piqûres, maintenant? Et dans le bras? Pourquoi dans le bras?
Les choses se précipitant, prise par le travail, elle n'a plus le temps d'y penser.
Coraline, les pieds dans les étriers, n'entend même plus ce que lui disent les deux femmes. Elle ne sent plus rien; les sons et les voix lui parviennent de loin, déformés, un peu comme si elle était en immersion totale dans une piscine.
Au travers du bourdonnement de ses oreilles, il lui semble percevoir:
-Pousse, pousse!
Presque malgré elle, elle pousse!
-Voilà, cela y est, je vois la tête! Encore un effort..., lui crie Joëlle.
Martine Ormeaux a l'enfant dans les bras, elle le montre à Coraline.
-C'est une petite fille, lui dit-elle. Puis brusquement:
-Attendez! Elle ne respire pas: elle bleuit... Oxygène vite! Vite! Vite,je la perds!
Elle pose l'enfant sur une table. Sous les yeux de Joëlle, elle s'active à la ranimer quelques minutes. Finalement, en nage, elle déclare d'une voix lasse:
-C'est fini! Elle nous a quitté. Plus rien à faire!
Joëlle jette un coup d'œil attristé vers Coraline... Elle est pâle... très pâle!
-Mon... bébé!, a-t' elle encore la force d'articuler, avant de s'évanouir.
Quand Joëlle se retourne, Martine a déjà quitté la salle de travail, emportant avec elle le corps du nouveau-né.
Personne n'a remarqué qu'elle a aussi emporté la boite contenant la poudre de talc dont elle a copieusement enduit ses gants chirurgicaux. Pas plus que ceux-ci ne se trouvent pas dans la poubelle spécialement destinée à les recevoir.


Le 19 mai 1996, vers neuf heure heure, de Jarvaux, un sourire mauvais sur les lèvres, jubile en raccrochant le téléphone:
-Tout est en ordre, lui a simplement annoncé une voix féminine. Nous rentrons demain, par le vol BQ 3455. Arrivée prévue à 19 heure, à l'aéroport de Brussel Shout.
Et voilà! Mon plan a parfaitement réussi! Voilà ce qu'il en coûte, ma chère Coraline, d'avoir osé te mesurer à moi! Je t'ai tout pris,tout!
Fais-moi confiance, ma petite-fille, ta fille, ne se comportera pas comme tu l'as fait! J'y veillerai! Ce que je n'ai pas pu obtenir avec toi... elle me le donnera! J'ai l'avenir devant moi et je trouverai bien d'autres « de la Grivegnée », pleins aux as!
L'extraordinaire de cette triste histoire, c'est qu' apparemment, Hubert de n'a pas vraiment besoin d'argent: il est joueur, certes, mais ce qu'il a amassé plus ou moins honnêtement jusqu'à maintenant suffirait amplement à faire vivre sa famille et
les cinq générations suivantes...
A suivre
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Posté le : 24/11/2009 09H27
[coucou] La suite... (7ème épisode.)
Je m'inquiète un peu... Je n'ai aucune réaction à mon histoire... Personne n'a de commentaires à me faire?
...Ou personne ne me lis?

Bonne lecture et merci à celles et ceux qui suivent!

Épisode 7
Il a agi par pure méchanceté, pour assouvir son besoin d'humilier les gens et de les détruire... Comme il l'a toujours fait avec ceux qui se sont mis en travers de sa route, usant et abusant de tous les coups, même les plus bas, même les plus vils! Et que celle qu'il a démoli cette fois fut sa propre fille ou qu'elle puisse en garder quelques séquelles ne le concerne en rien: Elle s'est mise en travers de sa route, il a réagi... point final!
Il se penche vers l'interphone, posé à sa gauche sur son bureau, et y lance, d'une voix sèche:
-Marion! Prévenez mon chauffeur que nous rentrons à la maison tout de suite!


Dominique de Jarvaux vaque à ses occupations domestiques habituelles quand elle remarque la grosse berline grise de son mari qui se gare sur l'esplanade pavée devant la maison.
Machinalement, elle jette un coup d'œil à sa montre-bracelet en or:
Onze vingt. Il rentre bien tôt, aujourd'hui'!
Elle remarque de suite, à l'expression de son visage, que quelque chose ne va pas...
-Que se passe-t' il, demande-t' elle, déjà sur le qui-vive.
-Viens, répond son mari, en la prenant doucement par la main. J'ai une mauvaise nouvelle... Assied-toi...
-Mais que?, dit Dominique, en s'asseyant sur le canapé de cuir blanc, dans le grand salon.
Et Hubert, des sanglots dans la voix, lui annonce:
-Je viens de recevoir un coup de téléphone de la « Villa Luna », commence-t' il. Coraline... Coraline est... morte!
-Quoi? Tu..., tu plaisantes, j'espère, dit Dominique en pâlissant.
-Hélas non, poursuit Hubert, des larmes plein les yeux. Elle a donné naissance à une petite fille, le 16... mais n'a pas survécu à l'accouchement! Coraline..., ma petite fille!
Sa façon de décrire l'histoire tirerait des larmes au plus sec des cailloux...
Dominique est pétrifiée sur le canapé. Elle s'en veut terriblement, maintenant. Comment a-t' elle pu la laisser toute seule dans ce centre... Comme elle a dû souffrir d'accoucher toute seule, loin de sa famille... Et puis,...et puis cette fin atroce: morte en donnant la vie! Une petite fille... Les larmes lui montent aux yeux ...
D'un coup, comme une digue qui lâche, elle se met à pleurer. Elle pleure sa fille perdue, pleure ses erreurs, pleure jusqu'à n'en plus pouvoir.
Hubert, qui s'est assis à côté d'elle, l'a prise dans ses bras. Elle ne peut pas voir le sourire mauvais qui flotte sur les lèvres de son mari. Il la berce comme une enfant, essuie ses larmes de son mouchoir, ne trouvant aucun mot de réconfort à lui prodiguer. Ils restent longtemps silencieux, assis côte-à-côte, sans bouger.
Dominique se reprend la première...
Une petite fille? Je suis grand-mère!, pense-t' elle soudainement. Mon dieu, mais que vas devenir ce petit être sans défense?
Pas un instant elle ne pense que ce bébé a aussi un père.
37
-Hubert, dit-t' elle soudain. Que va devenir l'enfant?
Comme s'il sortait d'un rêve, Hubert la regarde sans rien dire.
-Que va devenir notre petite fille?, lui redemande-t' elle.
-Heu, je... J'ai pensé que...
-Que quoi? Parles!
-Hé bien, j'ai pensé que nous pourrions l'accueillir ici,... avec nous! Enfin si tu es d'accord, bien entendu! Après tout, c'est la chair de notre chair, poursuit-il d'un ton incertain. Nous sommes encore assez jeunes que pour nous occuper d'un bébé et...
-Oh, Hubert! C'est tout ce que je veux! Je dois bien cela à ma petite Coraline... Et je jure que je ne recommencerai plus les mêmes erreurs que j'ai commises avec elle!
-Je me doutais bien que tu dirais cela, fait Hubert. En fait, j'avais déjà accepté de la prendre ici... Elle arrive ce soir, accompagnée d'une des monitrices du centre. Nous devons aller la chercher à dix-neuf heure, à l'aéroport...
Et moi aussi, je jure de ne plus commettre, avec elle, les mêmes erreurs que j'ai commises avec Cora! Mais pas pour les mêmes raisons que toi, ma chère...

A vingt et une heure trente, ce soir là, Dominique, assise sur la banquette arrière de la grosse berline que conduit son mari, se penche encore une fois vers sa petite fille...
Comme elle est belle, si petite...Comme elle a l'air fragile...
Elle n'a pas remarqué le regard étrange qu' Hubert a lancé à la «monitrice » du centre qui accompagnait le bébé, au moment où elle lui remettait le petit couffin blanc. Pas plus qu'elle n' a entendu le « demain, à 10 heure, à mon bureau » qu' a murmuré Hubert. Elle était tellement émerveillée de découvrir le petit être qui dort paisiblement à son côté, bercé par le ronronnement du moteur de la grosse voiture...
-Comment allons-nous l'appeler, a-t' elle simplement demandé à son mari.
-Et que dirais-tu de... Caroline?


C'est étrange, songe Paquita, la femme d'ouvrage du Miraflorès. Il y a trois jours que la jeune dame enceinte n'a plus dormi dans sa chambre. Je devrai peut-être prévenir la direction... Il lui est peut-être arriver quelque chose... En tout cas, si je ne la vois pas demain, je préviens le patron!
Dès qu'elle a annoncé le décès du bébé, Martine Ormeaux s' est emparé du petit corps.
Sans hâte, l' air accablé, elle s'est dirigée, tenant le bébé dans les bras, vers la salle réfrigérée qui sert d'habitude -heureusement, en dix ans, elle n'a servi que deux fois- à entreposer les petits corps avant leur incinération. Au lieu d'y entrer, elle l'a prestement contourné par la droite et a gagné le mur d'enceinte de « Villa Luna ». Elle a retrouvé, sans même avoir à le chercher, l'endroit où elle a pris la précaution, quelques jours auparavant, de desceller quelques pierres et est sortie du centre, son précieux fardeau dans les bras.
Elle a pris le temps de remettre les pierres en place puis, tranquillement, a gagné la bergerie où l'attendait sa voiture. Entre l'annonce du décès du bébé et son arrivée à la bergerie, il ne s'est pas écoulé plus de trente minutes.
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Ils vont en faire une tête, à Villa Luna, quand ils s'apercevront de la disparition de la sage-femme et d'un bébé soi-disant mort, pense-t' elle, tandis qu'elle s'occupe de
laver le bébé avec l'eau qu'elle a pris soin de laisser quelques heures en plein soleil pour qu'elle ne soit pas trop froide.
Elle reste cachée dans la bergerie deux jours durant : elle a tout le matériel de puériculture à bord de sa voiture et est très attentive au bien-être de l'enfant.
Le dix-huit, en fin de journée, le couffin à la main et un habile maquillage sur le visage pour lui donner les traits tirés et fatigués, Muriel Octave fait sa ré-apparition à l'hôtel Miraflorès où les employés l'accueille avec des félicitations pour l' heureux évènement. Pas un seul ne songe à lui demandé dans quel hôpital elle a accouché.
Le dix-neuf au matin, elle demande sa note et s'en est acquitte, précisant qu'elle rentre chez elle, en Hollande, car elle est trop fatiguée pour continuer sa recherche de maison.
-Mais je reviendrai dans quelques mois, annonce-t' elle au réceptionniste.
Elle s'en va remettre sa voiture de location à l'agence, en effectuant un crochet par une petite cale (crique) déserte pour s'y débarrasser discrètement du matériel de puériculture, désormais inutile.
Un taxi la dépose au port et elle s' embarque sur le bateau rapide, le « Rapido », comme ils l'appellent ici, qui l'amène, avec son précieux fardeau, à Barcelone en quatre heures.
De là, un autre taxi la conduit à l'aéroport où elle a la chance de trouver un vol de dernière minute pour Bruxelles.
Elle est si convaincante dans son rôle de maman attentionnée que personne ne songe, ne serait-ce que l'espace d'une seconde, à lui demander les papiers de l'enfant.
Voilà! Nous y sommes,pense-t' elle en sentant les roues de l'avion toucher le sol Belge...
Ah, Hubert est là! Dernière partie...Elle s'approche, le couffin à la main:
-Monsieur et Madame de Jarvaux d'Arbois?, s'enquiert-elle poliment, comme si elle voyait Hubert pour la première fois de sa vie...


Quand, à 10 heures, ce vingt mai, Marie-Odile Van Casteel fait son entrée dans les locaux des industries de Jarvaux d'Arbois, personne ne pourrait reconnaître en elle Muriel Octave, la blonde qui a loué une chambre au Miraflorès. Pas plus que personne ne pourrait faire un rapprochement quelconque entre elle et Martine Ormeaux.
-Du beau travail, lui dit Hubert, en refermant la porte de son bureau derrière elle. Vraiment, tu t'es surpassée sur ce coup-ci.
-Merci!, lui répond simplement Martine. Tu as mon argent?
Hubert sort une enveloppe du tiroir de son bureau et la lui tend:
-Voilà! Le compte y est. Huit cent mille! Tu es sûre d'avoir pris toutes les précautions pour que personne ne puisse jamais remonter jusqu'à nous?, demande-t' il, un peu inquiet, subitement.

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-T'inquiète! Qui va faire un rapprochement entre une jeune maman blonde, un peu fo-folle, parlant parfaitement espagnol, qui passait son temps sur les routes à rechercher une maison et moi?
-Et entre cette fo-folle et la très sage-femme Martine Ormeaux?, continue-t' elle.
-Oui. Tu as raison! A part cela, raconte: comment cela s'est passé?
-Le plus simplement du monde! Ton plan pour éloigner la gynécologue et son mari à parfaitement fonctionné. Quand ils se sont envolés pour Rio, Maria a réellement cru que c'était le ciel qui m'envoyait...
A propos, tu aurais pu me dire que l'on devait officier à poil, dans ce centre...
-Cela t' a réellement gênée?, demande Hubert, un sourire amusé aux lèvres.
-Gênée? Non, mais cela t'aurait coûté plus cher! Remarque, pour huit cent mille balles, cela ne me gêne pas de montrer mon cul; il en a vu d'autres... et pour bien moins cher! Et puis, franchement, j'étais plutôt contente de ne pas devoir porter mon accoutrement de femme enceinte pendant la journée: c'est qu'il fait chaud, à Majorque, en cette saison. Et avec un coussin lié sur le ventre en plus...
-Mais comment as-tu fait pour leurs faire croire que l'enfant était vraiment décédée?, demande Hubert, curieux.
-Ah, cela... Secret! Tu peux juste savoir, que dans certains pays, une drogue, à base de poissons tropicaux séchés et de champignons existe. Bien dosée, elle provoque par simple contact avec la peau, l'aspect de la mort sur n'importe quel être humain...Elle se nettoie simplement à l'eau et ne laisse aucune trace! Elle est parfois utilisée dans certains tours de magie... noire! Disons simplement que j'ai été initiée à ce genre de magie... dit-elle, énigmatique, avant de se lever et de s'en aller.
-Marie-Odile, la rappelle-t' il, au moment où elle va franchir la porte.
-Oui?
-Nous ne sommes jamais vus, n'est-ce pas?
-Je ne te connais même pas!


Les trois premiers mois sont difficiles pour Dominique. Malgré toute la bonne volonté qu'elle y met, il n'est pas facile de ré-apprendre à s'occuper d'un nourrisson, de lui aménager une chambre et d'acheter toutes ces mille et une choses nécessaires à un nouveau-né... et sa maman!
Elle n'a pas une minute à elle, entre les magasins spécialisés, les couches et les biberons à donner toutes les deux heures.
Malgré tout, elle rayonne de bonheur. Ce petit ange que le ciel lui a confié est son rayon de soleil.
Au début, Hubert était aux « petits soins » pour le bébé, se levant au moindre bruit la nuit, s'inquiétant si elle toussait..., mais bien vite, il a repris la même attitude qu'il avait déjà avec Coraline: aimant et protecteur en dehors, devant les gens; quasi indifférent dans la maison.
Il a convaincu Dominique de ne pas révéler à Caroline -du moins pas avant ses douze ans- qu'elle est leur petite fille.

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-Il est préférable, pour son épanouissement, qu'elle nous croit ses vrais parents et nous appellent Papa et Maman, plutôt que Papy et Mamy, tu ne penses pas?, a-t' il argué.
Ce que Dominique a approuvé sans réserve, bien que n'en comprenant pas la raison exacte.

A « Villa Luna », la directrice Maria Delgado, est effondrée...
Une sage-femme et, avec elle le corps d'un nourrisson, ont disparus!
Et le bébé de Coraline, en plus! Sa préférée parmi ses pensionnaires.
Pauvre petite, pense-t' elle. Comme elle doit souffrir...
Elle a essayé, violent par la même le règlement de son établissement, de contacter les parents de la jeune fille; après tout, il s'agit d'un cas dramatique...
Ses parents voudront peut-être l'aider à se remettre de cette perte cruelle, malgré tout!, a-t 'elle pensé.
Mais rien! L'homme qu' elle a eu au téléphone s'est borné à lui dire que, à sa connaissance, il n'y avait jamais eu de Coraline de Jarvaux d'Arbois, avant de raccrocher.
La police, prévenue, a envoyé un inspecteur. Il a fallu le convaincre que tout ce qui se passait dans le centre était parfaitement légal, que les jeunes filles qui y vivent... y sont sur la demande expresse de leurs parents. Même si elles sont nues en permanence, il n'y a rien ici à caractère sexuel ... D'ailleurs, comme il l'a constaté lui-même, il n'y a que des filles à Villa Luna...
Quand il a bien voulu admettre la situation, il a examiné longuement, en le longeant à pied depuis l'extérieur, le mur d'enceinte. Il n'y a rien remarqué de suspect.
Ensuite, il a interrogé longuement Joëlle, l' infirmière qui assistait la sage-femme pour l' accouchement de Coraline. Elle a été formelle: l'enfant, une petite fille, était bleuâtre et ne respirait plus; elle était bel et bien morte!
Il a emmené avec lui, au bureau de police, toutes les références écrites que Martine Ormeaux lui avait fournies...
Quand, quelques jours plus tard, il est revenu au centre, il a simplement annoncé qu'il n'avait trouvé aucune trace de l'existence d'une quelconque Martine Ormeaux...
Mystère total!


A son réveil, Coraline reste prostrée..., murée dans un silence profond!
Bébé, mon bébé!... Je n'ai même pas eu le temps de te regarder, songe-t' elle, en sanglotant. Je n'ai même pu te dire au revoir, pas même te serrer ne serait-ce qu'une fois dans mes bras... Ai-je été si mauvaise pour mériter cela, mon dieu? On m' a arraché à Pierre et maintenant, on m'enlève mon enfant...
Elle n'a plus goût à rien, ne mange du bout des dents le strict minimum pour rester en vie, et encore: pour faire plaisir à Maria qui est si gentille avec elle.
Elle a envie de partir, loin, très loin, dans un lieux dont on ne revient pas... pour y rejoindre son enfant.
A suivre
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Uzès Uzès
Posté le : 24/11/2009 09H38
[coucou]


Au moins une ! je lis t'inquiéte pas [fleur]
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Inscrit le : 16/08/2009
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Gençay Gençay
Posté le : 24/11/2009 10H20
[coucou]

je te lis depuis le début , merveilleuse histoire..... [fleur]
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Boissey Boissey
Posté le : 24/11/2009 10H36
Moi également ... ... ...

Mais je sais que certains vont trouver "ton message" trop long ... [clinoeil]
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Posté le : 24/11/2009 13H06
[coucou]
Bien merci! Je suis rassuré!
Bonne journée naturiste à toutes et tous!
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Posté le : 25/11/2009 16H07
[coucou]

Épisode 8
Maria et son équipe ne ménagent pas leurs peines pour la sortir de son état dépressionnaire.
Tous les jours, ils sont présents auprès de la jeune fille, lui faisant faire de longues promenades dans le parc, lui racontant mille histoires drôles et l'obligeant à partager les activités des autres pensionnaires.
Petit à petit, pas à pas Coraline parvient, avec la force de ses dix-sept ans, à surmonter son chagrin.
Elle est encore fragile, pleure encore souvent, mais s'en sort!
Elle suit à nouveau ses cours, y ajoute des cours de langue accélérés et parvient à rattraper son retard.
Au mois de mars 1997, près d' un an après le décès de sa fille, Coraline en fait tant qu'elle décroche avec brio un brevet de gestion hôtelière... A dix-sept ans et demi! De plus, elle parle couramment espagnol, allemand et anglais, désormais!
-Bravo, lui dit Maria , en l'embrassant. Je suis réellement très fière de toi!
Entre les deux femmes s'est nouée une amitié profonde, presque un amour mère/ fille.
-Tu sais, lui dit encore Maria, je ne peux pas te laisser partir d'ici avant que tu n' ais atteint tes dix-huit ans, mais il serait fort dommageable, pour ton avenir, de laisser rouiller tes capacités, si durement acquises.
Que dirais-tu de me seconder à la direction du centre? Tu pourrais, par exemple, t' occuper de toute la partie intendance... Cela ferait bien sur ton C.V. d' embauche, non?
Coraline, folle de joie, accepte la proposition et durant six mois, elle gère avec un brio impressionnant pour une personne de son âge, toute l'intendance de Villa Luna.
Jusqu'à ce dimanche de septembre où Maria vient la trouver:
-Hé bien, voilà, ma petite Cora... L'heure de nous quitter a sonné. Tu vas voler de tes propres ailes, maintenant, dit-elle. Mais ne t'inquiètes pas: comme je l'ai promis à ta maman, je ne te laisserai jamais tomber, continue-t' elle aussitôt. D'abord, tu vas, dès lundi prochain, travailler à l'hôtel Condor, à El Arenal, qui appartient à la multinationale Hollyday's Travel, dont le PDG est un ami d'enfance. Tu y seras préposée à la reception et tu auras un petit appartement de fonction, en attendant de trouver mieux. Ton salaire sera de cent soixante mille pesetas par mois; ajouté aux quatre millions deux cent mille qui sont bloqués sur ton compte, tu peux voir venir.
Ensuite, tu es la seule pensionnaire que j'autorise à revenir; je t'expliquerai comment faire pour arriver ici tout-à-l'heure...
-Tu es ici chez toi, ma chérie, ajoute-t' elle, en l'embrassant. Si tu as le moindre problème, tu n'hésites pas: tu m'appelles et j'arrive...
-Enfin, tu pars demain matin...
C' est étrange, pense Coraline. J'ai rêvé de ce jour des dizaines de fois pendant mon séjour forcé ici... et maintenant, j'ai envie de pleurer...
-Viens avec moi, dit encore Maria. J'ai quelque chose pour toi.
Elle l'entraine à sa suite dans son bureau et lui désigne une grande boîte en carton posée sur une chaise.
-C'est vraiment pour moi?, dit Coraline, émue.
42
C' est le premier cadeau qu'elle reçoit depuis son arrivée.
-Oui, oui! Ouvre vite!
Sans se le faire répéter deux fois, Coraline ouvre la boite...
Celle-ci des vêtements à foison, tous plus jolis les uns que les autres.
Coraline est sans voix; depuis le temps qu' elle vit nue, elle avait presque oublié que l'on s' habillait en dehors du centre...
-Je les ai choisi moi-même, j' espère qu'ils te plaisent... Essaye-les, dit Maria. Tu peux même les garder sur toi aujourd'hui, si tu veux. Il faut bien te ré-habituer à la civilisation.


L'habituelle animation règne dans mon garage de Braine quand j'y entre ce matin de septembre. Il y a une semaine que je n'y suis venu, un problème avec l'installation de nouveau matériel à Pont, m'ayant bloqué là-bas. J'en ai profité pour avancer sur la remise en état de ma « 5 ». Encore quelques semaines de travail, en dilettante, et elle sera comme neuve!
Cédric est débordé, le carnet de rendez-vous est plein.
Il y a sur le feu, comme il dit, trois grands entretiens, deux crochets de remorque à monter, trois voitures en carrosserie, deux Aixam neuves à préparer et à livrer...
-Et la folie continue les jours suivant, continue-t' il, en me montrant les pages du carnet pleines de haut en bas.
J' enfile une salopette et, comme n'importe lequel de mes collaborateurs, vais « au charbon ».
-Je m'occupe des crochets de remorque!, lui dis-je.
Nous venons de reprendre, après la pause de midi, quand un homme élégamment vêtu
entre dans l'atelier:
-Quelqu'un peut-il m' aider, s'il-vous-plait?, demande-t' il poliment.
Cette voix! Je connais cette voix! J'ai le choc de ma vie: dans l'entrée se tient Hubert de Jarvaux d'Arbois, le père de Coraline.
Cédric, qui est le plus proche de l'entrée, s'avance vers lui:
-Que puis-je pour vous, s'informe-t' il.
-Je viens de constater que j'ai un pneu plat, dit Hubert. Je suis assez pressé, je dois conduire ma fille à sa leçon d'équitation!
-Je peux m'occuper de cela dans cinq minutes, dit Alain, le second mécano.
-Je termine celle-ci, dit-il en désignant du menton la Volvo sur laquelle il est occupé, et j'arrive.
-Avancez votre voiture jusque dans l'entrée, s'il-vous-plait, achève-t' il.
Moi, je suis pétrifié! Mes oreilles bourdonnent et la tête me tourne...
C'est lui! Pas de doute! Il a un peu vieilli: ses tempes sont grisonnantes, mais dans l'ensemble, il n'a pas changé!
Il engage sa Mercédès dans l'entrée. Effectivement, le pneu arrière droit a un air plus que plat.
-Hmmm, fait Alain, en regardant la roue. Vous avez roulé longtemps comme cela?

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-Qu'est-ce que cela peut vous faire?, rétorque sèchement Hubert. Je vous demande de le réparer, c'est tout!
-Oh moi, ce que j'en disais, essaie encore Alain.
-Allez-vous vous y mettre, oui ou non?, aboie De Jarvaux.
Si j'avais eu encore un doute, sa réponse vient de le dissiper: il est toujours aussi aimable!
Une foule de souvenirs me remontent à la mémoire. J'ai des sanglots qui me montent dans la gorge! J'ai envie de me jeter sur lui, de le forcer à me dire où est Coraline...
Au lieu de cela, je me calme, respire un bon coup et me dirige tranquillement vers lui.
Il me regarde brièvement et ne me reconnait pas! Je passe à côté de la Mercédès grise... Les vitres teintées, à l'arrière, m'empêche d' y voir à l'intérieur. J'y discerne seulement une silhouette assez petite, sa fille, son autre fille.
Je lui adresse un:
-Bonjour, Monsieur, poli, auquel il ne daigne même pas répondre. Toujours sa phobie des ouvriers, sans doute!
-Il me semble vous connaître, Monsieur, continuai-je.
-Il me semble hautement improbable que nous ayons pu, un jour, garder les cochons ensembles, jeune homme!, a-t' il pour toute réponse, jetée avec un mépris non-feint.
Cédric, en entendant sa réponse, vole à mon secours:
-Pierre, téléphone!, crie-t' il.
Ouf! Merci Cédric. Il s'en est fallu d' un cheveu pour que, tout Hubert de Jarvaux d'Arbois qu'il soit, il ne prenne mon poing dans la g...!
Alain a vite fait de réparer le pneu de la voiture: avec les techniques d'aujourd'hui, il n'est même plus utile de retirer la roue du véhicule.
Hubert paie et s'en va! Pourboire au personnel? Tintin!
Moi, je me suis réfugié dans mon bureau dont j'ai soigneusement fermé la porte. Je me calme en sirotant un café bien noir!
Cédric vient m'y rejoindre:
-Tu en fais une tête! Que se passe-t' il?
-Je..., je viens de voir un fantôme, lui dis-je.
-Tu es certain que c'est lui?
-Absolument certain!, dis-je.
-Que vas-tu faire?, me demande-t' il.
Si seulement je le savais... Je ne me vois pas sonner à la porte de leur maison et demander, la bouche en cœur:
-Je suis Pierre. Pierre Delcampe! Vous vous rappelez de moi? Auriez-vous la grande bonté de bien vouloir me dire où est Coraline?
Un coup de téléphone, en provenance de Pont, met fin à mes réflexions.
Je dois immédiatement y retourner. Un problème avec le dispositif des pompes à essence...


L'hôtel Condor, joli petit bâtiment construit sur cinq étages, compte cent cinq chambres.
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Il est situé au centre d'un petit jardin fleuri où se trouve aussi la piscine, le bar de piscine et une grande terrasse solarium équipée de transats.
Aisément accessible via une large avenue semi-piétonne bordée de palmiers, il est à l'écart de grands axes routiers. De ce fait, il jouit depuis son ouverture, en 1980, d'une réputation non-usurpée de calme et de quiétude.
La superbe plage de sable blanc d' El Arenal, accessible via cette avenue où se trouvent également plusieurs bars, divers petits restaurants et bon nombre de magasins, n' est qu' à cinq minutes à pied.
En haute saison, il attire une clientèle à la recherche de calme et de soleil, mais soucieuse malgré tout, de ne pas être dans « un trou perdu ».
Quand elle y est arrivée, il y a trois ans maintenant, Coraline était la benjamine.
Cela n'a pas toujours été facile... Rien que de se ré-habituer au port de vêtements à été, en soi, toute une aventure! Combien de fois, au moment de quitter sa petite chambre de fonction, au dernier étage de l'hôtel, s'est-elle rappelée in-extrémis qu'il convenait de se vêtir. Certaines soirées solitaires furent, elles aussi très pénibles... Les souvenirs alors, affluent... Cora a souvent pleuré, seule, dans son lit! Heureusement, elle a toujours pu compter sur l'affection de Maria et de ceux de Villa Luna. Le mardi, son jour de congé, elle le passe le plus souvent à Villa Luna, avec ses amies, n'hésitant pas à y donner un petit coup de main à l'occasion.
La police a rapidement cessé les recherches sur l' « affaire Ormeaux », comme ils disent. Aucun indice... Aucun corps jamais retrouvé...
Comme si j'avais rêvé toute cette histoire, pense-t' elle.
Au début de sa liberté retrouvée, sa première idée a été de sauter dans un avion en direction de la Belgique pour y retrouver son cher Pierre. Quand elle s' était ouverte de son projet à Maria, celle-ci lui avait simplement répondu, d'une voix calme:
-Je ne peux pas t' en empêcher, tu es libre! Mais ne crains-tu pas que Pierre t'ai oubliée? Le temps passe... Tu m'as dit toi-même, à ton arrivée au centre, qu'il ignorait ta grossesse. Qu'est-ce qui te fait croire qu'il ait pu t'attendre?
Après tout, pour lui, tu as disparu sans laisser de traces... Ne crains-tu pas une sévère déception?
-Tandis qu'ici, tu as la vie devant toi! Tu as un travail, de l'argent, des amies... avait-elle terminé.
Force lui a été de reconnaître que son amie, sa maman adoptive, a raison: elle voudrait le retrouver mais n'ose pas. Il a sûrement fait sa vie... Une vie où, elle, Coraline, n'a plus sa place!
Il vaut mieux, une bonne fois pour toutes, oublier le passé pour se concentrer sur l'avenir, se dit-elle.
Elle se jette à corps perdu dans son nouveau job.
Très vite, elle s'y impose, impressionnant favorablement son directeur par ses qualités de gestionnaire et sa disponibilité permanente tant avec les clients qu'avec ses collègues de travail.
Une femme de ménage tombe malade inopinément? Coraline, immédiatement, la remplace au pied levé. Un serveur est absent au restaurant? Coraline est là.

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Un ennui avec un client? Une chambre qui pose problème? Coraline trouve la
solution... toujours avec le sourire, toujours dans la bonne humeur, trouvant encore le temps, durant ses moments de loisirs, de passer son examen de permis de conduire!
Cora est aimée et respectée par tous, de l'homme à-tout-faire au maître d'hôtel.
Quand elle s' adresse au personnel, c'est avec gentillesse et avec le mot juste, celui qui ne vexe pas, ce qui fait que la personne à qui elle s'adresse lui donne toujours le meilleur d'elle-même!
Il n'est pas étonnant, dès lors que, l'année dernière, quand Monsieur Vilar, le directeur, a été appelé à de plus hautes fonctions au sein de la multinationale, elle ait été toute désignée pour le remplacer.
En l'an 2000, à vingt et un ans, Coraline, qui a décidé de se faire appeler De Jare parce-que cela prend moins de place sur sa carte de visite et parce-qu' elle ne veut plus avoir le moindre rapport avec ses parents, fut-ce le nom, est une des plus -si pas la plus- jeunes directrices du groupe « Hollyday's Travel ».
Mais, tout comme Pierre, sa vie privée est un désert.
Quelque chose en son cœur est cassé: elle ne peut et ne veut pas aimer un autre que Pierre, son seul amour.
Si son image est restée intacte au fond de sa mémoire, elle se rappelle plus précisément des ses yeux bleus, d'un bleu azur, rieurs, mais qui pouvaient subitement passer au mauve quand quelqu'un ou quelque chose le contrariait.
Le même bleu qu'elle retrouve dans le ciel de la petite plage naturiste -la playa Mago- qu' elle fréquente le plus souvent possible, quand ses responsabilités lui en laisse le temps. Elle ne fréquente que cette plage: plus d'un an à vivre à poil, cela laisse des habitudes...que, du reste, elle n'a aucune envie de perdre!
Il ne se passe pas un jour sans qu'elle ne pense à lui:
Qu'as-tu bien pu devenir? Es-tu heureux, loin de moi? Qu'as-tu fait de ta vie? Es-tu marié?
Un jour, en passant devant le petit bar belge installé à quelques centaines de mètres de son hôtel, elle est tombée en arrêt en écoutant les paroles d'une vieille chanson diffusée en français, sur la terrasse, par deux gros haut-parleurs:
-Ou es-tu, que fais-tu, est-ce que j'existe encore pour toi, disait le chanteur, avant de continuer par: On ira où tu voudras quand tu voudras, et on s'aimera encore, lorsque l'amour sera mort...
Elle en a été bouleversée. Ce soir là, en se couchant, elle avait de grosses larmes dans les yeux.
Il faudra que je demande un jour au patron de ce bar qu'il m'en donne une copie...

Janvier 2008
Il y a treize ans que Cora a disparu...
Treize ans que je t'attends, ma Cora, pense Pierre. Et toi?
Tu as sûrement fait ta vie avec un des beaux partis imposés par ton père...

A suivre

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[coucou]

Épisode 9
Très souvent, j'ai été me cacher dans les parages de leur maison, à Waterloo. J'espérai t'y voir, t' y entre-apercevoir au moins! Oh, je ne t'aurai rien dit, même pas aborder, j' aurai respecter ta décision de ne plus me voir...
Le temps arrange beaucoup de choses, tu vois! Bien souvent, j' ai aperçu de loin, ta petite soeur.
Il me semble bien qu'elle te ressemble beaucoup...Je n'ai jamais osé l'approcher... Du reste; qu'aurai-je pu lui dire? Bonjour Mademoiselle, je suis un ami de votre soeur? Et alors? Je n'aurai réussi qu'à effaroucher une petite fille...Sait-elle seulement qu'elle a une soeur?
Oh, Coraline, pourquoi es-tu partie? Que t'ai-je fait pour que tu me détruise le cœur à tout jamais..., en le rendant incapable d'aimer personne d'autre que toi!
C'est la période que Pierre déteste le plus, celle entre les deux fêtes...
Traditionnellement, il les passe chez ses parents, en famille, en compagnie de deux neveux et de leurs épouses, de son père. Comme d'habitude, l'un des deux, Lucien, avec qui Pierre ne s'entend pas, a encore lancé sa fine plaisanterie:
-Et alors, mon bon Pierre... Toujours pas marié?
Et comme d'habitude Pierre a répondu un:
-'Suis trop jeune pour cela! Mais quand cela arrivera, t'inquiètes: tu seras invité!
Et toujours comme d'habitude, minuit à peine sonné, Pierre est monté dans la chambre, qu'il a toujours gardée chez ses parents, pour y rêver le reste de la nuit, étendu sur son lit, les yeux fixés au plafond, la petite photo de Cora posée sur sa table de chevet.
Exactement comme il le fait actuellement... Pourquoi changer les traditions?
Vie privée à part, je peux être fier de moi, se dit-il. Deux entreprises qui tournent à la perfection... Un compte en banque bien garni...De quoi me plaindrai-je? Et pourtant, je donnerai tout cela sans aucun regret si on me proposerai de l'échanger contre ce qui aurait du être ma vie commune avec toi, ma Cora... Comme au temps de notre cabane, là-bas, à Sart-au-leu, quand nous faisions nos projets d'avenir...
Tiens, c'est vrai! Qu'est-ce qu'elle a pu devenir, cette cabane? J'irai jeter un coup là-bas demain! J'en profiterai pour tester la «5 ». Bientôt trois mois que je l'ai finie et je n'ai toujours pas trouver le temps de l'essayer!
Le deux janvier, une Renault cinq TS, rouge, semblant flambante neuve quitte Pont en direction de Sart-au-leu.
Que de souvenirs, pense Pierre ému, les larmes aux yeux. Au volant de cette voiture, je peux presque croire que treize ans de ma vie se sont brutalement effacés..., que je suis en route vers Coraline et qu'elle m'attend là-bas, dans notre nid...
Encore un virage à droite et il stoppe devant le petit chemin de terre qu'ils ont empruntés si souvent.
Les arbres et les plantes recouverts de givre en ce début janvier, ont un un air fantasmagorique.... Le soleil naissant accroche par-ci, par-là quelques fines fleurs de gel aux branches et aux quelques rares feuilles qui ont oubliés de tomber.
L'herbe haute craque sous mes chaussures quand j' y pose les pieds. L'air
froid me fouette le visage.
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Quelques mètres encore et la cabane m'apparait, blottie sous un lierre blanc de givre... On dirait une carte postale de Noël... N'y manque que le bonhomme de neige... Rien n'y a vraiment changé! Je me dirige vers « notre» arbre!
Comme il a grossi! Tout comme le cœur, gravé à nos deux noms. ..
Si seulement tu n'avais pas disparu... Notre amour serait certainement comme ce cœur gravé: fort, large, augmentant au fur et à mesure des années...
Je suis submergé par une émotion intense. Je caresse « notre » arbre longuement, du bout des doigts, puis...je fond en larmes, brisé.
Pathétique! Je suis pathétique!
Après avoir longtemps pleuré silencieusement, je me remet au volant et rentre chez mes parents.
Je n'y retournerai jamais... Jamais! C'est trop dur!

Les fêtes sont depuis longtemps passées. Pierre est partout à la fois, obligé parfois, de faire deux fois la route Pont/ Braine ou l'inverse sur la même journée, sa présence étant requise impérieusement dans l'un ou l'autre des garages.
Les ventes de voitures d'occasions explosent et les entretiens se suivent à un rythme effréné. Tout le personnel est sous pression... Cédric et Pierre sont toujours les derniers a quitté l'atelier de Braine, mais si Cédric rentre chez lui, Pierre, en revanche, doit souvent retourner à Pont, pour régler l'un ou l'autre problème urgent.
A Pont, c'est la même effervescence, les Aixam se vendent comme des petits pains et bien souvent, tard le soir, Pierre termine encore l'une ou l'autre réparation urgente que le personnel, malgré sa bonne volonté, n'a pas eu le temps de terminer.
A Pont, il n'a plus le temps de manger correctement, au grand désespoir de sa mère...
A Braine, il n'a pas le temps de manger du tout!

Il est sept heure ce mardi 6 mai 2008, quand je sors de chez moi pour ouvrir ma « boutique ». Je n'ai pas réussi à fermer l'œil de la nuit et je ne sais pas pourquoi. Cela fait déjà plusieurs nuits que cela dure: il suffit que je me couche pour qu'une foule de pensées m'envahissent... Je me sens bizarre, j'ai l'impression de marcher au ralenti, de flotter dans l'air...
Je m' arrête, respire à fond plusieurs fois de suite et secoue la tête, histoire de me remettre les idées en place.
J'entre dans le bureau, fonce sur la machine à café -je n'ai pas pris la peine de déjeuner, comme d'hab'- et m'offre un « petit noir », bien serré!
Quand Cédric arrive, à sept heure trente, il me trouve assis au bureau, le café à la main, en train de compulser le livre de rendez-vous.
-Déjà là?, fait-il, surpris de me voir, car d'habitude, c'est lui qui fait l'ouverture.
-'Pouvais plus dormir: Autant commencer le boulot! On m' a toujours dit et répéter que l'avenir appartenait aux gens qui se lèvent tôt.
Je ne dois pas avoir la mine fraîche et resplendissante car il me demande soudain:
-Cela ne va pas? Tu es pâle comme un linge!
Je porte mon café à mes lèvres et... tout devient noir! Une brève sensation de chute...Plus rien!
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Ne pas déranger, Pierre Delcampe est aux abonnés absents!


-Mais qu'est-ce que je f... ici, dis-je à haute voix, en essayant de me lever.
-Ah! Enfin, tu reviens parmis nous, mon grand!, me dit mon père. Reste couché, m'intime-t' il.
-Tu nous a fait une de ces peurs..., ajoute ma mère.
-Tu sais, si Cédric n'avait pas été présent... tu ne serais peut-être plus là!, ajoute-t' elle.
-Je ne comprend rien à ce que vous me racontez, tous les deux! Et d'abord... Je suis où?
-Tu ne rappelles pas? Tu es à l' hôpital de Braine-l' Alleud... Tu es tombé dans ton bureau...
-Tombé? Moi? Quand?, fais-je, ébahi.
-Hé bien, il y a trois jours, si j'en crois le calendrier sur le mur, là, en face!, dit mon père.
-Trois jours? Comment cela, trois jours?
-Trois jours comme trois jours!, rigole mon père. Septante-deux heures...
J'ai passé septante-deux heures dans les vapes?, me dis-je. Ce n'est pas possible! Je ne me souviens de rien!
-Que s'est-il passé?
-Cédric a appelé mardi matin, vers neuf heure, pour nous annoncer que tu faisais un malaise et qu'il t' envoyait à l'hôpital, me dit ma maman.
Un malaise? Moi? J'ai une santé de fer... Je ne sais pas ce qu'est être malade. Comment est-ce possible?
-Nous avons sautés dans la voiture... et voilà! C'est tout!, achève mon père.
-C'est tout, c'est tout!? Vous n'avez quand même pas passés trois jours ici?
-Beuh non! Sot! Qu'est-ce tu crois... Seulement ta mère... Moi, j'ai été fumer une cigarette dehors, de temps en temps!, plaisante mon cher papa.
Alors là, j'en suis scié!
Mes très chers parents... Si vous saviez comme je vous aime, tous les deux!
-Qu'est-ce que j'ai?
-Le médecin qui t'a examiné à diagnostiqué un épuisement total, dû au surmenage et à la mal-nutrition, m'apprend mon père.
-'Paraît que quand t'es arrivé, ta tension était tellement basse que le médecin de garde a du descendre dans la cave pour en consulter le niveau, rigole mon père.
A ce moment, la porte de la chambre s'ouvre sur un petit homme chauve, porteur, dans l'ordre, de grosses lunettes de myope, d'un stéthoscope autour du cou et d'une blouse blanche. Difficile de lui donner un âge..., mais ce n'est assurément pas un perdreau de la dernière année...
Une vraie caricature de médecin..., comme dans « Les femmes en blanc », la célèbre BD de Cauvin, me dis-je.
-Je suis le docteur Dawir, Etienne Dawir, se présente-t' il, sans même un bonjour.

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-Alors, jeune homme... On se prend pour Superman, hein? On brûle la vie par les deux bouts de la chandelles, hein?, attaque-t' il, sans ambages.
-Moi? Je,.. euh, non! Pas du tout!, annonai-je.
-Taisez quand je parle, m'intime-t' il, sèchement. J'ai vu vos résultats d'examens et je sais ce que je dis, b....! Continuez sur votre lancée... et l'année prochaine, ce n'est pas une ambulance qui viendra vous chercher, mais directement le corbillard!
Mes parents me lance des regards effarés: en règle générale, je ne suis pas du genre a me laisser marcher sur les pieds!
-En tout cas, si vous voulez garder longtemps le privilège de vous entretenir avec ces charmantes personnes, dit-il en désignant mes parents derrière lui, vous devez vous reposer! Repos total!
-Vous m'entendez bien, Monsieur Delpierre: t-o-t-a-l!
-Je vais vous remettre sur pied en deux coups de cuillères à pot: j'ai trop besoin de mes lits pour de véritables malades,...et pas pour des gens bien-portants qui jouent avec leur santé! Mais ensuite, Monsieur Delpierre, prenez des vacances! De longues et belles vacances, où vous le voulez!, m'intime-t' il, avec l'air de m'envoyer au diable, avant de sortir de la chambre.
Son discours m' a sonné!
Des vacances, des vacances... Pour un simple malaise... Il a de bonnes, le docteur! Qui va s'occuper de mes garages pendant ce temps-là? Lui?
Comme s' il avait pu m'entendre penser, la porte se ré-ouvre sur le docteur Dawir:
-N'oubliez pas, Monsieur Delpierre, que les cimetières sont remplis de gens comme vous: indispensables!
Pour le coup, il m' a flanqué la trouille le docteur Dawir! Et à mes parents aussi!
-Tu ne trouves pas qu'il a raison, là, le docteur?, commence maman. Tu n'as plus pris de vraies vacances depuis quand? Hein, quand?
Est-ce que je sais, moi! Je n'y ai jamais pensé! Cela ne m'intéresse pas, moi, les vacances. Pourquoi faire? En dehors de mon travail, rien ne me tente. Si encore, j'avais une vie de famille... Une femme, des enfants... Coraline!
Mes yeux se mouillent tout seuls, rien que de penser à elle... Heureusement, mes parents n'ont rien remarqué -ou n'ont rien voulu remarqué-, sinon, j'aurai encore eu droit au sermon sur la vie de couple, le mariage, les années qui filent... et tout, et tout!
-... quatorze ans! Cela fait quatorze ans, dit papa. La dernière fois, tu avais dix-sept ans et c'est quand nous sommes allés en Provence!
Dawir m'a encore tenu deux jours, avant de me jeter dehors, avec l'exquise politesse et l'extrême délicatesse qui le caractérise:
-Au plaisir de ne jamais vous revoir!, a-t' il lancé quand je quittai l' hôpital.
Puis, subitement adouci:
-Du moins pas dans les mêmes circonstances, a-t' il ajouté, dans un sourire. Bonnes vacances, Monsieur Delpierre... et souvenez-vous de ce que je vous ai dit, concernant les cimetières!
J'ai mis ces deux jours de repos forcé à profit pour réfléchir...J'en suis arrivé à la conclusion que j'avais bien mérité un peu de repos.

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Celui qui pourrait, un jour, me traiter de fainéant... n'est pas encore né, et je n'ai plus rien à prouver! A personne!
-Papa, dis-je à mon père, venu me récupérer à la sortie de l'hosto, passe par le centre: je voudrai m'arrêter à l'agence de voyages.
-Yes, sir!


Au même moment, dans la villa de l'avenue de Pruniers bleus, à Waterloo, Hubert de Jarvaux d'Arbois dit à sa femme, Dominique:
-Et voilà! Elle va avoir douze ans! Tu te rend compte comme le temps a passé?
-Pour moi, c'est comme si elle était arrivée hier, dit Dominique. Je la revois encore... Si petite dans son couffin, à sa descente d'avion...
-Il est temps de lui dire la vérité, continue Hubert, comme nous l'avions convenu.
Caroline, dont la ressemblance est frappante avec Coraline, entre dans la pièce à ce moment et s'informe:
-C'est de moi qu' on parle? Quelle vérité?
Dominique a pâli:
-Tu..., tu crois vraiment que c'est le bon moment?, demande-t' elle à son mari, tout en se doutant déjà de la réponse, car elle sait d'expérience que, quand Hubert a décidé, rien ne l'arrête.
-Nous avions convenu de cela il y a bien longtemps! A douze ans, elle connaitra la vérité!, dit-il, d'un ton sans réplique, comme il en l'habitude.
Puis, se tournant vers Caroline:
-Caroline, assied-toi! Maman et moi allons te raconter une histoire... Ton histoire, ajoute-t' il.
-Mais, dis-toi bien que ce que tu vas entendre ne change rien pour nous! Nous t'aimons et t'aimerons toujours, quoiqu'il arrive..., continue Dominique.
Caroline a écouté attentivement le récit que lui faisait son père... ou plutôt, son grand-père... Il lui a tout dit, -du moins toute sa vérité, à lui- sans rien cacher:
Sa maman, Coraline, séduite à seize ans par un infâme individu, un certain Pierre Delcampe, qui, sitôt qu'il a appris qu'elle était enceinte, s'est enfui, sans jamais donner de nouvelles...
Comment sa maman a dépéri, jour après jour... Comment ils ont tout fait pour tenter de la sauver..., l'envoyant même dans un établissement spécialisé, aux Baléares...
Dominique est restée muette, tout le temps qu' Hubert racontait...
Et enfin, sa naissance! Comment Coraline est morte, en les suppliants de ne pas l'abandonner, elle Caroline, leur petite fille... Le chagrin qu'ils ont en eu...


Son grand-père a des sanglots dans la voix, au fur et à mesure du récit. A la fin, ils se sont serrés les uns contre les autres, pleurant à chaudes larmes.
Comme sa maman avait dû souffrir...
Comme elle haïssait ce Pierre Delcampe qui avait fait tant de mal à sa famille! Si un jour, elle le retrouve celui-là...
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En même temps, avec l'insouciance de ses douze ans, elle pense:
Quand je raconterai cela à mes copines...

Tout est réglé: Cédric et Jean-Marc me remplaceront, chacun à la tête d'un des « Ateliers de Pierre ». Ils en ont l'habitude et ils feront cela très bien , j'en suis convaincu!
Ce remplacement sera un peu plus long que d'habitude, c'est tout!
-Non, je ne sais pas combien de temps je resterai parti. Un mois, un mois et demi...
Une chose est sûre: je ne reviens pas autrement qu' en pleine forme, leur ai-je assuré, à l'un comme à l'autre.
Pour l'heure, ce mardi 13 mai 2008, je suis assis à la table de ma salle à manger et je feuillette le catalogue de vacances ramené à mon retour de l'hôpital.
-Pfff! Toutes ces destinations sont plus belles les unes que les autres... Laquelle choisir?
J'ai beau tourner les pages... rien ne branche! Ou plutôt, si! Tout me tente!
J'ai une idée: tant qu'à partir, autant que ce soit le plus vite possible et au hasard...
Je décroche mon téléphone et compose le numéro qui figure dans la bas de la brochure.
-Over Travel, bonjour, me dit une agréable voix féminine. Jacqueline à l'appareil.
Que puis-je pour vous?
Je lui explique que j'ai envie de partir en vacances, très vite, et que je ne sais quelle destination choisir...
-Donnez-moi votre numéro de téléphone, s'il-vous-plaît. Je vous rappelle dans une dizaine de minutes, le temps de consulter les offres « dernière minute ».
Peu de temps après, Jacqueline est à nouveau en ligne:
-J'ai un séjour d'une semaine, en demi-pension, au Sri-Lanka, dit-elle. Un autre pour dix jours, au Portugal, uniquement petit déjeuner et enfin le dernier : un mois, en demi-pension, à Palma de Majorque. Hôtel Condor à El Arenal.
-Je prend Majorque, lui dis-je. Un mois, c'est parfait!
-Très bien, Monsieur. Je le bloque immédiatement. Vous payez ce séjour comment?
-Je fais le nécessaire immédiatement via Phone Banking, l'assurai-je.
-Bien Monsieur! Vous décollez ce soir, à dix-huit heure, sur le vol JAF 3244. Votre billet vous attendra au comptoir de la compagnie aérienne. N'oubliez pas de vous présenter à l'enregistrement deux heures avant le décollage. Bon voyage et bonnes vacances, dit-elle encore, avant de raccrocher.
Ce que je lis de cet hôtel dans ma brochure de voyages ne me fais pas regretter mon choix aléatoire:
« Petit hôtel charmant situé dans un jardin, non loin de la mer. Délicieuse et abondante nourriture sous forme de buffet, piscine, ascenseur, à proximité des commerces. »
Parfait! Juste ce qu'il me faut! Un endroit tranquille, pas trop grand! L'idéal!
Je me dirige vers ma chambre. Il est onze heure, j'ai payé mon voyage... Il est temps de boucler ma valise! Valise que je n'ai pas, d'ailleurs...
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Posté le : 27/11/2009 16H55
[coucou] Mes salutations naturistes à toutes et tous.

Épisode 10
Et puis, qu'est-ce que l'on prend avec soi, quand on part en vacances? Je n'en ai pas la moindre idée...
Je fourre dans un sac de voyage en cuir, que j'ai reçu d'un fournisseur et qui porte sur les flancs le logo de sa marque, ce qui me passe par la tête; peigne, brosse-à-dents, sous-vêtements et chaussettes, deux pantalons et deux chemises.
Si j'ai besoin d'autre chose, je l'achèterai sur place!,me dis-je.
Je prend un bain, me lave soigneusement cheveux et barbe... bref: je me fais tout beau, comme on dit.
Un coup d'œil dans la glace... Cela va! Je présente bien, même si je suis toujours un peu pâlot. Les années de body-building m' ont sculpté un corps d'athlète et mes yeux sont plus bleus que jamais. Je crois que jamais autant ressemblé à un viking tout droit sorti de son drakkar que maintenant...
Le taxi, que j'ai commandé pour quinze heure quinze, est arrivé cinq minutes à l'avance... Un dernier signe de la main à Cédric et aux autres membres du personnel, qui me regardent partir depuis l'atelier ,et me voilà en route pour Brussel Airport.
Le trafic est fluide, sur le ring habituellement saturé. Nous mettons à peine vingt minutes pour parvenir à destination.
Mon billet m'attend bien là où il le doit et j'enregistre mon bagage. Je passe dans la zone « départ » du bâtiment aéroportuaire et vais attendre à la porte indiquée sur mon billet.
Jusque là, tout c'est très bien passé! Je suis assez fier de moi d'autant je n'ai jamais pris l'avion de ma vie!
Pour autant que je puisse en juger, le décollage s'est passé normalement, à pile l'heure prévue, et je mange de bon cœur la collation que nous a remis une charmante hôtesse.
Je n'ai pas pensé à emporter un peu de lecture avec moi, aussi, n'ayant rien d'autre à faire, je m'endors...
La petite sonnerie invitant à boucler sa ceinture me réveille, juste au moment où le commandant de bord annonce dans les haut-parleurs:
-Mesdames et Messieurs, nous commençons notre descente sur Palma de Mallorca.
La température au sol est de 26 degrés Celsius et le ciel est dégagé...
Je n'écoute plus, tant je suis occupé à écartiller les yeux pour mieux, à travers les gros hublots ovales de l'avion, voir la mer bleue, les bateaux et le sol en dessous de moi.
Un léger choc, cela y est! Nous y sommes! Dans un bruit d'enfer, le pilote inverse la puissance de ses réacteurs pour freiner la masse de l'avion. Tous les passagers applaudissent à deux mains, comme le veux la coutume, cet atterrissage parfaitement réussi!
Je jette un coup d'œil à ma montre; il est dix-neuf heure quarante cinq. Nous avons mis quinze minutes de moins que prévu!
Le bâtiment qui abrite les installations aéroportuaires de Palma est immense.
C'est, paraît-il, le plus grand aéroport touristique européen!
Plusieurs tapis roulants mènent, au travers de larges couloirs vitrés ouverts sur les pistes d'envol, vers le hall d' arrivée où, sur d'autres tapis roulants, numérotés ceux-là suivant le vol, passent et repassent les bagages.
53
A la sortie de l'aérogare, une hôtesse m'indique le bus à emprunter pour me rendre à l'hôtel Condor.
A vingt heure trente, je suis dans ma chambre, en vacances!


Dans le bus qui, comme chaque jour, conduit à l' école, Caroline et ses deux amies, les jumelles du numéro vingt-deux de la rue, elle est la vedette!
Elle vient de raconter son histoire...
Toutes ses amies sont outrées... Quel mauvais homme que ce Pierre Delcampe!
Du haut de leurs douze ans, elles sont, elles aussi, toutes prêtes à lui « faire sa fête » si un jour elle le rencontre!
-D'autant que c'est un nom facile à retenir, dit Agnièce, l'une des jumelles. Mon oncle Cédric, celui qui est mécanicien; hé ben, son patron, il s'appelle Pierre Delcampe aussi!


Deux jours après le départ de son patron et ami, quand, au matin, Cédric ouvre le garage, son attention est attirée par un détail insolite: toutes les voitures d'occasions, soit six au total, celles qui ne sont pas rentrées dans le parc clôturé jouxtant la maison de Pierre, penchent vers la gauche!
Il ne peut que constater que toutes...ont deux pneus plats, à gauche, côté chauffeur... Après examen, il remarque que ces pneus sont simplement dégonflés...
C'est déjà cela! Au moins, je ne dois pas les remplacer... Quel plaisir peut-on avoir à faire des trucs pareils, pense-t' il. Heureusement que Pierre n'est pas là pour voir cela: il en ferait toute une histoire!
Les pneus regonflés, pris par sa journée, Cédric n'y pense même plus!


Je regarde autour de moi: belle chambre, bien située, au troisième étage!
Murs de crépi blanc, plafond couleur crème... Un beau grand lit à deux places, -que je me dépêche de tester en me laissant tomber dessus qui se révèle être excellent- recouvert d' un couvre-lit à carreaux jaunes et verts, une télévision à écran plat suspendue au mur, deux tables de nuit sur une desquelles est posé un téléphone, avec ligne directe pour l'extérieur et deux lampes de chevet composent l'essentiel du mobilier.
Dans l'angle formé par le mur du fond et la porte-fenêtre donnant accès au petit balcon, un meuble commode, avec cinq tiroirs et une chaise.
Au plafond, la conduite d'arrivée d'air du climatiseur, invisible depuis l'intérieur de la chambre.
Juste en face, la salle de bains, très complète, avec baignoire-douche, lavabo et toilette.
Du petit balcon, meublé de deux chaises et d'une petite table basse, en plastique blanc, j'ai une belle vue sur la mer, l'entrée de l'hôtel et l' allée commerçante, semi-piétonne, pavée de briques rouges et bordée de palmiers.
54
Comme il n'est vraiment pas tard, je décide d'aller explorer un peu les environs...
Dans l'allée semi-piétonne qui descend en pente douce vers la plage, je remarque immédiatement un restaurant-grill. La bonne odeur de feu de bois qui s 'en dégage rappelle subitement à mon estomac qu'il n'a rien avalé depuis la collation dans l'avion.
Je m'installe à une table libre, en terrasse et une jeune espagnole qui ne doit pas avoir beaucoup plus de seize ans m'amène une carte digne de Kurnonsky, le prince des gastronomes.
A la mode des restaurants chinois, tous les plats sont représentés par une photo. Les gambas à l'ail, dans la rubrique entrée, semblent me faire un grand clin d'œil, tandis que je peux presque entendre la côte à l'os, de la rubrique « plats », m'appeler par mon prénom.
La commande est vite passée. Même si je ne parle pas un traitre mot d'espagnol, il me suffit de désigner la photo à ma jeune serveuse.
¿ Señor desea un aperitivo?, me demande-t 'elle.
Ah, « aperitivo », cela je comprend:
-Un Ricard, s'il-vous-plait.
¿ Y como bebida, Señor?, demande-t' elle encore.
Là, cela se corse! (comme dirait Napoléon, bien entendu!) Je ne comprend rien à l'espagnol!
Heureusement, un couple de clients, à la table voisine, voyant mon embarras, me dit:
-La jeune fille vous demande ce que vous voulez boire?
-Vous pouvez lui demander du vin rosé, bien frais, s'il-vous-plait?
-Una botella de vino rosado y muy fresco, por favor.
-Muy bien, dit la serveuse, avant de disparaître à l'intérieur du restaurant.
Nous bavardons un peu, mes voisins de table et moi, le temps pour la jeune fille de dresser mon couvert. J' apprend qu'ils viennent ici chaque année, depuis huit ans déjà, et qu' ils sont du nord de la France. Qu'il y a énormément de choses à visiter sur l'île et que le mieux, pour ce faire, est de louer une voiture: ce n'est pas cher et on est libre d'aller où l'on veut... quand on le veut!
Pendant que nous parlons, la jeune serveuse a déposé sur ma table un ravier empli d' olives noires, un autre de vertes, un troisième avec un assortiment de piments, un dressing avec de l'huile, du vinaigre, du sel et du poivre, une corbeille avec des tronçons pain baguette grillés et un pot d'aiolli.
Je n'en crois pas mes yeux! Voyant étonnement, l'homme, à la table d'à côté, ne peut s'empêcher de sourire.
-Surprenant,n'est-ce pas? C'est comme cela par ici! Ils pensent toujours que nous sommes morts de faim!
Arrive mon apéritif, un Ricard avec sa carafe d'eau et le vin. Une grande bouteille de vin! Pour moi seul! Quand mon voisin a passé commande pour la boisson, je croyais qu'il avait demandé un verre de vin...pas tout cela! Moi qui ne boit quasiment jamais...
Le couple de la table voisine se lève pour partir.
Juste avant de quitter la terrasse, l'homme me glisse, dans un sourire:
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-Je dois vous mettre en garde, Monsieur, vous qui venez sur l'île pour la première fois. Il y a un proverbe, ici, à Mallorca -il prononce Mayorca- qui dit: « Qui vient à Mallorca une fois... toujours y reviendra! ». Allez visiter l'île et vous comprendrez..., termine-t' il, énigmatique. Bonne soirée et bon séjour!
Je lui assure que je vais tout faire pour qu'il le soit quand mes gambas à l'ail arrivent sur la table. J'en compte douze, au total... et pas des petits! En parlant avec mes voisins de table, j'ai, machinalement, grignoté les trois quart du pain et des olives, je n'ai déjà plus faim!
Mais, quand arrive la côte à l'os...
Servie dans une assiette grande comme une roue de camion, elle en dépasse allègrement! Pour faire bonne mesure, elle est accompagnée d'une pomme de terre, cuite sous la braise, qui, à elle seule, devrait être suffisante pour rassasier cinq personnes normalement constituées!
J' arrive à terminer, en m'aidant de grands coups de vin rosé et c'est repu, plein comme un œuf, que je demande l'addition. Je l'étudie soigneusement, tant elle me semble modeste! Je paie, en y ajoutant un bon pourboire, et me lève pour quitter ces lieux si hospitaliers.
J'ai la tête qui me tourne légèrement. Le vin, quand on y est pas trop habitué...
Il est vingt-trois heure quarante.
Trop tôt que pour rentrer à l'hôtel, décidai-je. Je flâne dans l'allée, en direction de la mer. Tout au long de la plage, il y a une promenade dont le sol est pavé de briques grises.
Quelques artisans y ont installés leurs échoppes, sous la clarté crue de spots alimentés par de petits groupes électrogènes. Ils proposent leur pacotille aux clients: grains de riz avec prénom inscrit dessus, petits animaux en fil de fer, chaines en « or », Quelques peintres, caricaturistes ou encore coiffeuses africaines, assurent une ambiance sympathique et particulière à ce bout de plage...
Je les contemple un moment et fais demi-tour, en direction du Condor.
Quelques clients sont encore attablés à la terrasse d'un petit café qui m'a l'air sympa.
« Chez le Belge », proclame l'enseigne suspendue au-dessus de l'arcade de l'entrée.
Je m'y installe et commande un eau pétillante, histoire d'achever la digestion de mon pantagruélique repas. Je savoure béatement ce moment de paix et de fraîcheur assis à la terrasse extérieure d'un bar des Baléares. Nous ne sommes qu' à la mi-mai, pourtant les soirées sont déjà très douces sur l'île. Je suis encore un peu sous l'influence de ma rencontre d'avec la bouteille de vin rosé et ne penses plus à rien, en sirotant mon eau pétillante à petits coups de paille. J'écoute distraitement les chansons « retro » diffusées en sourdine, par deux gros baffles suspendus aux murs...
« On ira où tu voudras,quand tu voudras... et l'on s'aimera encore, lorsque l'amour sera mort », chante Jo Dassin.
Tiens, pensai-je, ma chanson fétiche d'autrefois! Celle qui savait si bien me faire pleurer...
J'avoue qu' elle met d'humeur mélancolique, juste là, à l'instant!
Coraline, Coraline. Où as-tu donc bien pu disparaître...

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Je me sens comme une boule monter dans le fond de la gorge...
Rien à faire!, me dis-je. T'arrivera donc jamais à l'oublier?
Je me ressaisis bien vite.
Je regarde autour de moi, histoire de voir si personne n'a remarqué mon trouble et mon cœur s'arrête net de battre:
Cette silhouette, là-bas, près de l'hôtel... C'est... C'est Coraline! J'en suis certain!
Je vais pour m'élancer à sa poursuite, me rend compte que je n'ai pas payé ma consommation, le fait, et fonce dans la direction où je viens, j'en suis sûr, d'apercevoir mon amour disparu! Rien. Personne! La rue est vide!
Je rentre à l'hôtel, monte dans ma chambre et m'allonge sur le lit; la nuit va être longue: je vais encore remuer de vieux souvenirs, je le sens! L'idéal pour quelqu'un qui doit se reposer!
Je m'endors finalement vers les cinq heures du mat' après avoir réussi à me convaincre que j'ai rêvé!
Neuf heure du matin! J'ai dormi à peu près quatre heures et, bien que ne me sentant dans une forme olympique, je ne parviens plus à dormir!
Je me lève, donc! Que voulez-vous que je fasse d'autre! Je vais faire mes ablutions matinales dans la petite salle de bains et sort de la chambre.
Direction? Le restaurant pour le petit déj!
Le restaurant... Ah, mes amis! Comment vous décrire cela...Une salle climatisée, décorée dans le style « bateau », des maquettes de navires de toutes tailles disposées sur des étagères vitrées, une quarantaine de tables rondes, recouvertes de nappes blanches et roses, des chaises en bois verni... Sur chaque table, un petit bouquet de fleurs semble attendre le client. Au sol, du marbre blanc, étincelant. A gauche, plusieurs dizaine de portes-fenêtres communiquent avec une terrasse offrant une vue sans pareil sur la piscine et le luxuriant jardin de l' hôtel...
Un bon tiers de cette salle est consacrée aux consoles-buffets, sur lesquelles sont disposés tout ce qu'il est possible -pour le commun des mortels- de consommer pour un petit déjeuner gargantuesque! Il y a là différentes sortes de pain, de charcuteries ou de fromages... De la confiture, des œufs, des fruits, des jus de fruits, des sodas, du café, du thé... et le tout, à volonté!
Je n'ai pas très faim, mais je me surprend à ingurgiter, tout un pain baguette, avec divers accompagnements comme jambon, saucisson et fromage et trois tasses de café!
Je suis calé pour la journée...au moins!
He ben, si c'est comme cela tous les jours... dans un mois, je devrai m'acquitter d'un supplément pour le vol de retour, avec le poids que j'aurai pris!
Je me rend ensuite à la reception: je vais suivre les conseils du couple rencontré hier et louer une voiture.
Il y a déjà deux personnes devant le grand comptoir de marbre blanc, veiné de gris et rouge, de la réception. Ils sont en grande discussion avec une jeune femme.
Je ne suis pas pressé, je suis en vacances... J'attends donc mon tour, sans impatience.
En me voyant planté là, la jeune personne me fait un petit signe de la main et, tout en

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continuant ses explications autres clients -dans une langue que je crois reconnaître comme de l'allemand- se dirige vers une porte, derrière elle.
Elle y frappe, juste au dessous d'une petite plaque où je peux clairement lire: C. De Jare, direction.
-¿ Señora, quiere venir, por favor? Un cliente espera en el reception!... , dit-elle.
(Madame, pouvez-vous venir, s'il-vous-plait? Un client attend à la réception!)
-¡ bien sobre! ¡ Llego en seguida!, répond une voix derrière la porte.
(Bien sûr! J'arrive tout de suite!)
Au moment où la porte s' entre-ouvre, retentit le téléphone dans le bureau directorial. La porte se referme...
Entre-temps, la préposée, Maria-Luisa, si j'en juge par le nom indiqué sur le badge qu'elle porte juste au-dessus de son avenante poitrine, en a fini d' avec ses autres clients.
-Puedo ayudarle, s'informe-t' elle.
(Je peux vous aider?)
-Heu... Vous parlez français?
-Oui, certainement!, me répond-elle, avec un charmant accent. Que puis-je pour vous?
Je le lui explique et elle m'indique le nom d'une agence de location, Auto San Siro, qui, m'assure-t' elle, est une maison très sérieuse, avec laquelle l' hôtel co-opère depuis de longues années.
-En sortant de l'hôtel, vous descendez la paséo et vous prenez la troisième à la mano dereche. C'est à une dizaine de mètres, dans la rue, termine-t' elle.
Je la remercie, me retourne et sors.
-¿ que pasa - t ' él, María-luisa?, demande Coraline, en sortant du bureau, derrière la préposée.
-¡ oh, nada! ¡ Pude ocuparme del Señor! Buscaba una agencia de alquiler de coches... Todo es ordenado, ahora.
(Rien! Je me suis occupé du Monsieur. Il cherchait une agence de location de voitures. Tout est en ordre.)
- ¿ oh? El bien. Regreso en mi oficina: yo espera una llamada telefónica importante. ¡ Trata de no moverme, ...si es posible!
(Ah? Bien! Je retourne dans mon bureau: j'attends un important coup de téléphone. Essaye de ne pas me déranger, si c'est possible!)

Coraline s'assied à son bureau et se prend la tête dans la mains:
J'adore ce métier, pense-t' elle. Mais si je pouvais prendre un peu plus de repos..., ce serait parfait! Je suis épuisée... et nous n'en sommes qu'au début de la saison!
Au fond d'elle-même, bien qu'elle fasse un maximum pour se le cacher, elle sait que ce n'est pas la fatigue qui l'accable: dans deux jours, sa petite fille, dont on a jamais retrouvé le corps, aurait eu douze ans!
L'insistance de la sonnerie du téléphone la tire de la semi-torpeur où, l'espace de quelques instants, elle s'était laissée glisser:
A suivre
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Gençay Gençay
Posté le : 27/11/2009 18H18
[coucou]On a vraiment hâte de voir la suite.......
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autre autre
Posté le : 29/11/2009 11H55
[coucou]
Je suis vraiment très content que ma petite histoire vous plaise...
Dommage que "la participation aux frais" demandée par les éditeurs m'empêche de l'éditer comme un "vrai" livre.
D'un autre côté, c'est aussi une bonne chose: J'ai ainsi l'immense privilège de pouvoir partager ce récit avec vous toutes et tous, amies et amis naturistes!
Bon dimanche et je vous prie de m'excuser pour l'épisode d'hier: J'ai tout simplement oublié de le mettre en ligne!
Voici la suite...

Épisode 11
¿-Allo? Coraline De Jare... ¿ En qué puedo ser útil para usted?
(Allo? Coraline De Jare... En quoi puis-je vous être utile?)
-Ah! Ja, Herr. Deshalb habe ich zu Ihnen gerufen..., continue-t' elle, passant de l'espagnol à l'allemand sans effort.
(Ah! Oui, Monsieur. Voilà pourquoi je vous ai appelé...)


J'ai trouvé l'agence sans problème! Un homme, encore jeune, m'a proposé un choix de voitures disponibles. J'ai pris une petite Fiat Panda, bleue, équipée de l'air conditionné, pour un prix plus que raisonnable!
Mon premier trajet est pour le grand magasin Carrefour local. Je l'ai aperçu en passant avec le bus qui m' amenait de l'aéroport à l'hôtel.
Drôle d'impression que de se promener dans les allées de cette grande surface: tout y est disposé comme « chez nous ». Seules les étiquettes et les affiches publicitaires diffèrent: tout y est indiqué en espagnol. (Ce qui me semble parfaitement logique!)
J' y fais l'acquisition de quelques t-shirts, d' une paire de sandales, de deux maillots de bain et de quelques pantalons de toiles légères, du genre « pantalons corsaires »...
Quand je regagne l'extérieur, la chaleur me surprend!
Il est onze trente et il fait déjà très chaud. Une trentaine de degrés, environ.
Mes longs cheveux et barbe n'arrangeant rien: c'est en nage que je rejoins ma voiture, pourtant garée à une petite centaine de mètres de l'entrée.


Les routes et autoroutes sur l'île de Palma sont dans un état irréprochable et la signalisation y est très bien faite. Le seul ennui? Dans la petite cité où se situe l'hôtel Condor...ils sont les rois du sens unique!
Je met plus d'une heure à retrouver mon hôtel, passant et repassant un nombre incalculable de fois dans les mêmes rues...
J'ai la nette impression, en quittant mon cocon d'air conditionné, qu'il fait encore plus chaud que tout-à-l' heure...
Je vais me faire couper les cheveux!, me dis-je. Même coupe à la G.I. que dans ma folle jeunesse... Ce sera déjà cela de gagner sur la chaleur.
Je rentre à l'hôtel y déposer mes emplettes. Au moment où les portes de l'ascenseur se ferment, machinalement, je regarde vers la porte d'entrée du hall de réception et là... se tient Coraline! En grande discussion avec un livreur...
Trop tard pour sortir de la cage; elle fait son travail et m'emmène au troisième étage!
Cette fois, je n'ai pas bu de vin, je ne suis pas mélancolique et ...je l'ai vue!
Sitôt l'ascenseur immobilisé, je pousse frénétiquement sur le bouton « rez-de-chaussée »... La réaction de la machine étant beaucoup trop lente à mon gré, je fonce dans l' escalier dont je survole les marches! Atterrissage plus que périlleux sur le marbre noir du hall, rétablissement acrobatique sur le sol glissant et démarrage foudroyant, au triple pas de course, en direction de la porte... Plus personne!

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Maria-Luisa, la réceptionniste, me demande, les yeux ronds, derrière son comptoir:
-Un problème, Senor?
-Heu..., Je... Non! Je..., j'avais cru reconnaître une vielle connaissance. J'ai du me tromper.
-¡ oh! ¡ Muy bien! Buen día, Señor.
Je regagne l'ascenseur à pas lents, penaud.
J'étais pourtant certain que c'était elle...
En rangeant mes emplettes dans le placard de ma chambre, je parviens à me raisonner:
Et quand bien même ce serait-elle...,me dis-je, encore qu'il n'y ait absolument aucune raison valable pour que ce soit le cas: que lui dirais-tu, grand C...! Elle a certainement une vie ici..., un mari, des enfants peut-être...
Je ressors de l'hôtel et part à la recherche d'un salon de coiffure: il me semble en avoir aperçu un près de l'agence de location.
Le figaro est bien sympathique, mais ne parle pas un mot de ma langue. Nous arrivons à nous comprendre, par gestes, et quand, trois quart d'heure plus tard, je sors de son office, j'ai peine à me reconnaître: le viking a disparu et à cédé sa place à un sosie du « Monsieur Propre » de la publicité. Musclé, grand, le crâne presque rasé et imberbe, je retrouve le visage de mes 17 ans.
Je jette un coup d'œil à ma montre: 14h20.
Je n'ai pas faim, bicause le petit-déjeuner de ce matin. Je vais récupérer ma voiture garée près de l'hôtel et m'en vais au hasard.
Je roule, sans but, sur le grand boulevard en direction de la Palma-ville. La cathédrale, qui surplombe le port, est vraiment splendide.
Il faudra que j'aille la visiter, un de ces jours, songeai-je.
Laissant la cathédrale sur ma droite, j' arrive au port de Palma. Des centaines de bateaux de plaisance, de tous gabarits, sont là, en attente d'un hypothétique appareillage...
Ici, c'est un peu Saint-Tropez: les bateaux -dont le plus petit fait un minimum de vingt-cinq mètres- servent principalement de faire-valoir à quelques faux marins et vrais m'as-tu-vu qui naviguent exclusivement de bars à cocktails en clubs aussi branchés... que privés!
Bien entendu, garées sagement sur l'esplanade, devant le mouillage, la moins luxueuses des voitures est rouge et porte, sur ses flancs et calandre un petit cheval cabré.
Je passe devant le quai des ferries que je laisse derrière moi pour continuer mon errance en direction de Magalluf, une autre cité balnéaire courue, surtout fréquentée par les anglais.
Belle et large grande route, à quatre bandes... mais d'un monotone!
Pour fuir cette monotonie, je quitte cette trop belle route et m'enfonce sur la droite...
Un rond-point, un autre rond-point, quelques petites maisons basses, aux volets clos et soudain, au détour d'un tournant, un immense parc aquatique. De la route, j'aperçois de gigantesques toboggans multicolores, des jets d'eau immenses et surtout, une foule inimaginable qui fait la queue pour y entrer.
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Le genre d' endroit que je fuis comme la peste!
Enfin, la route se rétrécit... De part et d'autres, des champs plus ou moins cultivés...
Je n'ai pas la moindre idée d'où je vais, mais cette petite route de campagne me plait...Je continue!
Les champs, aux alentours, ont fait place à un terrain de golf, dont le gazon bien vert et soigneusement entretenu a quelque chose d'anachronique, ici, en pleine campagne.
Quelques kilomètres encore et me voici au milieu d'une forêt de pins...
Je descend de la voiture et respire cette bonne odeur, si caractéristique, à plein poumons.
Seule compagnie? Les grillons! Je pourrai me croire seul au monde...
Je reste un bon moment à savourer ce calme et ce silence, seulement troublé par le crissement des grillons, avant de me remettre au volant.
Une route descend, sur ma gauche...Je la suis, toujours à travers les pins. Elle s'arrête sur une large esplanade, terminée par une falaise à-pic. Devant moi, la mer...d'un bleu tantôt turquoise, tantôt profond. Le ciel, pour être en harmonie avec elle, s'est paré, lui aussi, de ses plus belles couleurs. Pas un nuage à l'horizon...
Quelques bateaux, ancrés au pied de la falaise, semblent posés dans l'air tant l'eau sur laquelle ils flottent est cristalline...
Ah? La route continue après un virage en épingle, à droite. Je redémarre...
Je n'ai pas fait dix mètres que j'aperçois, à ma gauche, en contrebas, une petite plage de sable fin, terminée par un petit bar-restaurant. Derrière le restaurant, un vaste parking sablonneux où sont stationnées une dizaine de voitures et une grand panneau vert et blanc qui souhaite, en plusieurs langues, la bienvenue à Playa Mago. La route ne vas pas plus loin.
J'ai justement une de ces soif... Je gare la Fiat et me dirige vers l' établissement.
De la terrasse, j'ai une très belle vue sur la plage, coincée entre deux falaises, bien à l'abri du vent. Il y a une trentaine de personnes sur la plage et une dizaine dans l'eau.
Ils ne doivent pas avoir froid, si j'en juge par leur tenue: ils sont toutes et tous complètement nus!
Les voir nager me donne envie d' en faire autant, mais je n'ai pas penser à emporter un maillot...
Et après tout, pourquoi ne pas faire comme eux?,me dis-je. Personne ne me connais...
Si la nudité des autres ne me choque pas du tout, moi... je n'ai jamais fait cela!
Tant pis, j'ai envie de me baigner...j'essaie! Timidement, je vais sur la plage et me fais le plus petit possible, pour que l'on ne me remarque pas. Ôter t-shirt et pantalon ne pose pas problème, mais quand il s'agit de baisser le dernier rempart de ma pudeur...
Surtout que nous les hommes, nous craignons toujours une possible réaction incongrue d'une certaine partie de notre anatomie... à la vue d'une personne dévêtue de l'autre sexe. Comme le dit le proverbe La Chine se soulève à la vue des Nippons, n'est-il pas? Enfin, de ce côté là, rien à signaler: la bête est calme!
Je regarde discrètement autour de moi: absolument personne, ne fait attention à moi.
J'ose quelques pas, d'un air que je veux dégagé, en direction de la mer...

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Il n' y a toujours personne qui me regarde... J'entre dans l'eau en oubliant ma nudité. J'ai franchi le cap..., j'ai osé!
Je reste une bonne demi-heure à patauger, puis, sans plus aucune gêne, je remonte sur la plage et m'y laisse sécher.
Le naturisme vient de gagner un adepte!
A dix-neuf heure trente, je remonte dans la Fiat et décide qu'il est grand temps d'aller vérifier, à l'hôtel, si le buffet du soir est aussi copieux que celui du matin.
Pour votre information uniquement: il est pire qu' au matin et les console-buffets débordent littéralement de victuailles toutes meilleures les unes que les autres. De plus, les portes fenêtres ont été ouvertes. Il est possible de manger au dehors, en bordure de la piscine... ce que je fais sans me faire prier.

-Maria-Luisa, demande Coraline, cela t'ennuierai beaucoup si je ne viens pas demain, au moins l'après-midi?
-Mais, Madame De Jare... C'est vous la patronne, ici! Je n'ai rien à vous dire, répond celle-ci.
-Je t'ai déjà dit de m'appeler Coraline, pas Madame et encore moins De Jare! On est tous dans le même bateau, ici! Je ne te demande pas la permission: je sais que je suis la patronne... Je te demande si tu t'en sortirai sans moi, demain..., continue Coraline, avec un sourire.
-Pas de problème, avec plaisir, Mad... heu, Coraline.
-Merci beaucoup! J'ai vraiment besoin d'un break!
Surtout demain, le seize mai!, pense-t' elle.


Aujourd'hui, mon petit déjeuner à l'égal de celui d' hier avalé, je me demande ce que je vais faire...
La petite baignade d'hier m'a vraiment bien plu! J' y retournerai bien aujourd'hui; le coin est vraiment splendide!
L'ennui, c'est que j'ai découvert ce coin par hasard et que je n'ai pas retenu l' itinéraire pour m'y rendre...
Je tourne en rond et ne me rappelle plus la route à prendre pour me rendre dans mon coin de paradis!
Deux heures plus tard, je retrouve le parc aquatique... Je met encore une heure avant de retrouver le terrain de golf, dans le petit bois de pins. J' arrive enfin, après quatre heures de route, à mon idyllique petite plage.
Il est 14 heure et il y a plus de monde qu'hier... Par chance, il reste une place sur le parking, derrière le bar.
Cette fois-ci, sachant que j' irai à plage, j'ai emporté un grand essuie -portant fièrement les couleurs de l'hôtel- pour le poser sur le sable: je pourrai me coucher dessus pour me sécher, après ma baignade.
Il reste un peu de place, sur la droite, près des rochers. Je m'y dirige et y étale ma serviette, pas très loin d'une jeune femme aux longs cheveux bruns-roux, bronzée intégralement , qui allongée sur le ventre, me semble profondément endormie.
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Je la regarde, machinalement.
Elle porte en haut de la fesse gauche, une marque en forme de feuille de trèfle, plus foncée que le reste de son bronzage! Mon sang se retire de mes veines!
Une seule personne au monde porte cette marque: Coraline, ma Coraline!
Ce n'est pas possible! Mon cœur va exploser! Je l'ai retrouvée... J'en ai tellement rêvé...
Je tremble comme une feuille, j'ai froid et j'ai chaud en même temps!
Je meurs d'envie de l'embrasser, de la serrer dans mes bras...
Je n'ose pas faire un geste... J' ai trop peur de briser cet instant magique... Peur qu'elle ne disparaisse à nouveau...
Je me couche très doucement sur ma serviette, à côté d'elle, et la regarde longuement dormir, sans faire le moindre bruit, sans oser remuer un seul orteil...
Dans son sommeil, elle tourne le visage vers moi. Elle est encore plus belle que dans mon souvenir et ce bronzage qu'elle a acquis la fait ressembler à une gitane... Une très belle gitane!
Elle doit se sentir observée, car, au bout d'un moment, elle ouvre ses magnifiques yeux verts, étirés vers les tempes, comme ceux d'un chat.
Je veux lui crier ma joie, mon amour...Tout ce que je parviens à dire d'une voix étranglée, c'est:
-Bonjour, mon amour!
Elle me regarde et ses yeux s'arrondissent. Sa bouche s'ouvre et une stupéfaction sans borne se peint sur son si joli visage:
-Pierre, balbutie-t' elle. Pierre..., mon dieu: ce n'est possible! Pierre...?!
-Pierre!, hurle-t' elle enfin à pleins poumons, avant de se jeter dans mes bras... qui n'attendent que cela depuis treize ans.
Si les gens sur la plage, habitués à plus de réserve, nous regardent étonnés; nous n'en avons cure! Nous volons loin, très loin, dans une bulle, un cocon où il n'y a que deux places: les nôtres!
Nous sommes soudés l'un à l'autre; le yin a retrouvé son yang: Coraline et Pierre sont enfin réunis!
-Mon amour, enfin!, dis-je. Si tu savais comme tu m'as manqué! Pourquoi m'as-tu quitté...
-Pierre, Pierre, Pierre, ne sait que répéter Coraline collée à moi, entre deux sanglots.
Nos bouches se trouvent, s'unissent et ne se quittent plus! Nous nous abreuvons l'un de l'autre, l'autre de l' une... Nous avons traversé le pire des déserts, le plus aride, le plus sec et nous sommes, l'un comme l'autre, déshydratés! Déshydratés de NOUS!
Je lui caresse doucement les cheveux, la respire, m'emplit d'elle jusqu'à en étouffer.
-Coraline, Coraline...
Nous restons longtemps debout, sans parler, sans bouger, savourant le simple contact de nos peaux l'une contre l'autre.
Vu notre tenue, un peintre passant par là pourrait en tirer une jolie toile: « Adam retrouve Eve, au paradis perdu »!
Nous asseyons sur ma serviette: je tiens Cora étroitement serrée contre moi comme si elle pouvait soudain se désagréger, disparaître...
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Elle pleure doucement, sans retenue, la tête posée sur mon épaule.
Je couvre son visage de baisers. Ils ont le goût de sel... Je ne me lasse pas de la contempler: je ne parviens pas encore à croire qu'elle est vraiment là, blottie contre mon épaule...
Soudain, elle éclate de rire... De ce rire clair, que je connaissais si bien autrefois et qui m'a tant manqué, durant toutes ces longues années... Du pouce, elle m' indique la serviette sur laquelle nous sommes assis:
-Tu es à l'hôtel Condor, hoquete-t' elle. De tout les hôtels de l'île..., tu as choisi le Condor...
-Ben, tu sais, je ne connais rien ici! C'est vraiment un hasard...
-Non, fait Cora. Il n'y a pas de hasard... Le destin a voulu que l' on se retrouve... Quelques part, c' était écrit, ajoute-t' elle, sérieuse tout-à-coup.
-Tu crois? Rappelle-moi, en ce cas, de féliciter l'auteur du livre de notre destin, quand je le rencontrerai: il vient d'en écrire la meilleure page!
-Mais, au fait... Pourquoi ris-tu de l'hôtel Condor? Tu le connais?,
-Un peu, répond-elle, évasive.
Nous nous embrassons, doucement, très doucement, longtemps, très longtemps...
Je rompt le silence le premier:
-Pourquoi?, dis-je simplement.
-Oh, mon amour... Si tu savais..., répond-elle, avant de refondre en larmes.
-Raconte...
Et elle raconte, la voix entre-coupée de sanglots: L'après-midi du vingt-six décembre, son père avec des yeux fous, son réveil, nue et abandonnée de tous, la naissance de leur fille..., son décès, ...le corps jamais retrouvé...
-Elle aurait eu douze ans, aujourd'hui, termine Coraline.
Pierre est sidéré. Une fille... Ils ont eus une petite fille ensembles et il n'en avait pas le moindre soupçon... Il la serre plus fort contre lui:
Mon amour, ma vie, a été punie à cause de moi! Jamais, je ne me le pardonnerai!
Pierre a-t' il pensé à haute voix?
Toujours est-il que Coraline ajoute, comme si elle l'avait entendu:
-Non! Tu n'as rien à te reprocher... Le seul responsable est cet homme qui, autrefois, s' est dit mon père! Sa prétention, sa suffisance et son mépris des autres sont les seuls coupables. Et, dans une moindre mesure, ma mère..., mais elle, je pourrai peut-être lui pardonner si, toutefois, je la retrouve un jour: Elle a toujours été sous la coupe de ce salaud!
-A ton tour, maintenant, continue-t' elle. Raconte!
Il lui dit sa douleur devant la maison vide, sa quête pour la retrouver, sa fuite en avant dans le travail, pour ne pas penser à elle..., son premier garage, l'achat du deuxième...
-Tu as plutôt bien réussi, constate-t' elle.
-Je te jure que j'aurai donné tout cela et même davantage, sans regret et sans remord, en échange de la vie que nous avions planifié ensembles, dans notre cabane... Tu t' en souviens?

A suivre
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Posté le : 30/11/2009 15H54
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Épisode 12
-Notre cabane..., notre « chez nous »! Que de fois y ai-je penser..., répond-elle, en se serrant contre lui.
Mais Pierre continue:
-Tu n'as plus aucune nouvelle de tes parents?
-Aucune! Et je n'ai jamais cherché à en avoir... Je ne connais pas ces gens, ces monstres, capables d'abandonner leur fille unique!
-A ce sujet, dis-je, moi, je sais où ils sont! Et tu n'es plus fille unique: ils en ont une autre. Elle s' appelle Caroline; je le sais car elle très amie avec les nièces d'un copain, Cédric, si tu t'en rappelles... Elle doit avoir une dizaine d'années. Je l'ai vue quelques fois, quand j'observais, de loin, la maison de tes parents, certains soirs. J'espérai que tu viendrai leur rendre visite, avec ton mari et tes enfants..., que je pourrai t'apercevoir, de loin... J'ai vraiment cru que tu étais partie volontairement... Que ton père t'avais convaincue que nous n'étions pas faits l'un pour l'autre...
Coraline s'est remise à pleurer:
-Oh, Pierre... Tu sais, quand j'ai enfin pu quitter Villa Luna, j'ai voulu immédiatement prendre un avion et retourner à Pont, pour te retrouver. Je n'ai pas osé. Peut-être t'aurai-je trouvé marié, avec une autre... Je n' avais pas le droit de mettre, si cela avait été le cas, ton nouveau bonheur en péril. Je suis restée ici, où se trouve ma vie, désormais!
-Ta vie? Ma Cora, cela n'a pas changé depuis nos projets, dans la cabane! Ta vie, elle est avec moi! Où tu veux, ici ou ailleurs... mais avec moi!
-Tu..., tu es en train de me dire que tu es ...libre? Tu n'es pas marié? Tu..., tu veux toujours de moi, malgré toutes ces années gâchées?
Je prend mon air le plus sérieux et ma voix la plus sévère pour lui dire:
-Écoutez-moi bien, Mademoiselle de Jarvaux d'Arbois, (Coraline sursaute violemment en entendant ce nom, comme piquée par une guêpe.) non seulement je ne suis pas marié, mais je ne l'ai jamais été! Et il n'est pas question, une seule seconde que je me marie un jour...
Je laisse planer quelques secondes, avant d'ajouter:
-Avec quelqu'un d'autre que toi, si tu veux bien de moi...
-Tu..., je..., bégaye Coraline. Mariés, nous?
-Bien sûr, nous! Qui d'autres? Je t'ai attendu presque treize ans... Tu as eu assez de temps que pour y réfléchir, non? A moins je n'arrive trop tard?
-Non, non! Tu n'arrives pas trop tard! Je pensais que tu avais fait ta vie...
Incapable de continuer, elle se remet à pleurer... de joie, cette fois!
-J'y met une condition, toutefois, continue-t' elle, avec un faible sourire au milieu de ses larmes. Plus jamais tu ne m'appelleras de Jarvaux d'Arbois, je n'ai plus rien à voir avec ces gens-là. Je m'appelle Coraline De Jare.
Tiens, ce nom me dit quelque chose... Où l'ai-je déjà vu? Pas d'importance, après tout!
-De Jare? Plus pour longtemps, crois-moi!


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Comme tout change tout le temps, songe Coraline. Le seize mai était pour moi un jour maudit. Il devient le jour de mon renouveau... presque de ma naissance...
Le soir est tombé très vite. Nous avions tant de choses à nous dire Cora et moi que nous n'avons pas vu cet après-midi passer. Nous nous levons et ne nous lâchons qu'avec peine pour nous vêtir.
Main dans la main, comme tous les amoureux du monde, nous nous dirigeons vers le parking et reprenons nos voitures respectives... Nous nous arrêtons tout les deux mètres pour nous bécoter, comme des collégiens! Et après tout, c'est ce que nous sommes: des collégiens! On nous a volés cette partie de notre vie: nous reprenons là où nous en étions...
Elle démarre devant moi. Elle conduit sa Volkswagen golf GTI vite, très vite, même...
Je ne parviens pas à tenir la vitesse imposée: ma petite Fiat de location plafonne à cent dix, cent vingt. Au loin, je la vois emprunter la bretelle de l'autoroute et elle disparaît.
Soudain, une pensée me glace: Je ne sais pas où la retrouver! Elle ne m'a pas laisser d'adresse...
Désespéré, j'accélère! La Fiat fait du mieux qu'elle le peut mais ne monte guère plus haut que le cent vingt-cinq...dans les descentes! Rien à faire, je l'ai perdue...
Je m'emmêle les pinceaux dans les sens uniques, comme d'habitude, avant de retrouver l'hôtel...
J'ai le moral qui frôle le zéro absolu quand je demande ma clef, la 324, à la reception...
Je ne l'ai donc retrouvée que pour mieux la perdre...à nouveau!, pensai-je, au bord des larmes.
-Désolé, Monsieur, me dit très sérieusement, en un français parfait, un réceptionniste inconnu et guindé. Cette chambre est louée au nom de Madame Pratz. A moins que vous ne soyez un proche parent, je ne peux vous donner cette clef...
Qu'est-ce qu'il me raconte, lui?
-Vous vous fichez de moi?, lui dis-je, interloqué. J'habite ici, dans cette chambre, depuis trois jours...
Cet empaffé me regarde comme si j'avais pondu un œuf, en direct, devant lui et il reprend:
-¿ cuál es su nombre?
(Quel est votre nom?)
-Je ne parle pas espagnol! Et vous le savez... Parlez-moi en français, dis-je sèchement, d' une humeur qui devient menaçante. C'est qu'il commence à m'énerver, l'espinguoin!
- ¡ no seas agresivo, Señor! ¡ Hago sólo mi trabajo!
(Ne soyez pas agressif, Monsieur! Je ne fais que mon travail!)
Je suis en train d' hésiter entre sauter par-dessus le comptoir pour y prendre ma clef de force et lui flanquer mon poing dans la g....! Je n'ai vraiment aucune envie de rire!
-Appelez-moi le directeur, dis-je. Tout de suite!
-¿ director? ¡ No hay director aquí, Señor!, me dit ce cerbère berbère.

66
Un client, derrière moi, se rendant compte que je ne comprend pas un mot de ce que l'autre me raconte, se propose pour m'aider:
-Il dit qu'il n'y a pas de directeur ici, Monsieur...
Je sens que je vais exploser: je serre les poings et essaie de respirer calmement, profondément...
Le réceptionniste a vraiment l'air de se f... de moi, avec un petit sourire ironique aux lèvres.
-Et une directrice? Y' a bien une directrice, dans votre bouiboui, non?
-Oh sí, Señor. ¡ Esto, tenemos! Pero no quiere ser desarreglada...
(Ah oui, Monsieur! Cela nous avons, mais elle ne veux pas être dérangée...)
-Il dit qu'elle ne veut pas être dérangée, me traduit mon interprète improvisé.
J'entends des rires étouffés en provenance de la porte qui se trouve derrière l'employé.
Cela achève de m'énerver: Je dois avoir de la fumée qui me sort des oreilles!
Le berbère costumé, derrière le comptoir, s'en rend compte...
Il recule prudemment vers cette porte... et éclate de rire. Il m' invite, de nouveau en un français parfait à venir le rejoindre et ouvre la porte en grand, d'un geste théâtral...
Je ne me fais pas prier. J'entre dans la pièce, bien décidé à obtenir des éclaircissements sur le comportement plus qu' étrange de cet olibrius.
Assise au bureau qui me fait face, Maria-Luisa me regarde calmement.
-Qu'est-ce que cela signifie, tonnai-je, dans le petit local. Pourquoi ne puis-je obtenir la clef de ma chambre?
-Mais..., tout simplement parce-que tu n'as plus de chambre ici, me dit Coraline, cachée derrière la porte, dans mon dos. De surprise, je fais un bond en l'air à en faire pâlir d'envie le champion du monde de saut à la perche, lui-même.
Tout à mon indignation, je n'avais même pas remarqué qu'il y avait quelqu'un d'autre dans la pièce.
Maria-Luisa et le réceptionniste, qui m'apprend, dans la foulée, qu'il s'appelle Pedro et qu'il est barman, sont hilares, rien qu'à voir ma tête.
-Tu as demandé à voir la directrice, je crois, dit-elle. Tu l'as devant toi!
-Je t'ai bien eu, hein?, fait-elle, en éclatant de rire et en se pelotonnant contre moi.
-Tu peux le dire! J'y ai vraiment cru! Pedro, mon ami, si un jour l'hôtellerie ne veut plus de vous, le théâtre vous attendra à bras ouverts!
Il rit franchement puis, s'adressant à Coraline:
-Tu n'as plus besoin de moi? Je peux retourner à mon bar?
-Vas-y, Pedro. Et merci encore! Sans toi, cela aurait été moins drôle: il n'y aurait pas cru!
Redevenant sérieuse un instant:
-Bien! Maria-Luisa...
-Je vais reprendre ma réception, Mad..., heu... Coraline.
-Quand à toi, me dit-elle, en se tournant vers moi, tu viens avec moi!
-Oui, medèèème-la-directrice!



67
Pour la deuxième fois, en quelques jours, quand Cédric vient ouvrir le garage, les pneus des voitures qui restent dehors, la nuit... sont plats!
Il y en un qui s'est trouvé un petit jeu qu'il trouve très spirituel, se dit-il. Je devrai peut-être en parler à la police! En attendant, ce soir, je suis bon pour les rentrer tous les soirs, maintenant!
Ils ne sont que plats, d'accord, mais je ne vais pas passer une heure tous les jours à regonfler des pneus: j'ai autre chose à faire!


Nous sortons de l'hôtel, étroitement enlacés et elle m'entraîne dans une petite rue qui part à droite, quelques mètres plus loin. Il fait nuit, maintenant, et elle me fait entrer dans le hall bien propre d' un petit immeuble comportant six appartements.
Elle saisit un trousseau de clefs dans son sac, ouvre une porte vitrée, dans le fond et appuie sur le bouton d'appel de l'ascenseur. Nous montons au troisième, toujours enlacés, et arrivons sur un palier qui compte deux portes. Elle m'entraîne vers celle de droite, l'ouvre et dit:
-Voilà! Bienvenue chez moi... et chez toi. Tu habites ici, maintenant, pour tout le reste de ton séjour à Mallorca... et même plus longtemps, si tu le veux, fait -elle en m'embrassant.
Elle me fait entrer dans la salle de séjour et je ne peux me retenir d'un petit sifflement admiratif: nous sommes dans une grande pièce en forme de l, dont les murs blancs immaculés mettent en valeur des meubles modernes, noirs.
Dans la plus petite branche du l, une cuisine américaine complètement équipée, avec deux hauts tabourets à dossiers et aux pieds chromés, sont disposés devant le plan de travail séparant la cuisine de la partie salle-à-manger.
Un salon, composé d'un grand canapé, de deux fauteuils rouges et d'une table basse, en verre fumé, complète l'ameublement. Le tout est éclairé indirectement par de petits spots halogènes.
-C'est à toi tout cela?, fais-je émerveillé.
-Oui. Enfin, une bonne partie... Il y en a encore une partie qui appartient à mon banquier.
-Assied-toi, fais comme chez toi! Je vais prendre une douche, dit-elle.
-Tu vas prendre une douche? Tu crois vraiment que je vais te laisser aller prendre une douche... toute seule?, fais-je, faisant semblant de bondir sur elle...
Elle rit et s'enfuit dans le couloir menant à une salle de bains de bonnes dimensions...
Nous devions être particulièrement sales, car la douche a duré longtemps: très longtemps!
Je la porte dans mes bras de la salle de bain jusqu'à son lit... Les draps se souviendront très longtemps de cette nuit et nous nous endormons aux premières lueurs de l'aube, fatigués mais repus l'un de l'autre!


Les jours qui suivent défilent comme dans un rêve...

68
Cora est bien forcée de me laisser seul, le matin: un hôtel ne se dirige pas tout seul et même si elle peut compter sur ses collaborateurs, sa présence y est néanmoins requise.
Mais les après-midis -et les soirées- sont à nous.
Nous avons près de treize ans de vie à rattraper!
J'ai téléphoné à mes parents pour les informer de l'incroyable aventure que je viens de vivre: ma mère pleurait à l'appareil, heureuse pour moi! Mon père, lui, est resté sans voix..., ne sachant que répéter:
-Ben, cela! Pour une sacrée bonne nouvelle, c'est une sacrée bonne nouvelle!
J'ai prévenu Jean-Marc et Cédric, les assurant que nous allions fêter cela comme il se doit, dès mon retour!
Cédric n'en revenait pas! Retrouver Coraline après si longtemps tient tout simplement du miracle, d'après lui. J'avoue que je pense la même chose que lui: si vraiment, quelques part, un dieu existe... il du prendre cinq minutes sur son temps précieux pour se pencher sur nos cas, à Coraline et moi!
Un mardi, en début d'après-midi, revenant de l'hôtel, Coraline a voulu m'embarquer dans sa voiture...
-Je veux te montrer quelques chose, m'a-t' elle dit, mystérieuse.
Me souvenant de la façon qu'elle a de piloter son bolide, j' hésitai un instant:
-Je peux conduire, si tu veux, lui dis-je, pas rassuré.
-Pas question! C'est ma voiture et je conduis! Au retour, peut-être, si tu es bien sage...
Elle démarre, comme si nous disputions le départ des vingt-quatre heures, et pendant un moment, je suis collé au dossier de mon siège, sans pouvoir articuler un mot!
Il faut reconnaître que, si elle conduit vite, elle conduit bien. Elle connait parfaitement sa voiture et ses limites, se faufilant « au poil près » dans une circulation dense. Elle roule à la limite maximum de la vitesse permise dans Palma-ville, passe en trombe les feux du carrefour devant la cathédrale, laisse sur place une Porsche qui y démarrait et déboule sur le boulevard, devant le port. Le signal vient d'y passer au rouge. Elle rétrograde comme le ferait un pilote chevronné, laissant aller la voiture en deuxième et quand le feu repasse au vert, elle accélère à fond. La GTI bondit en avant et avant que le conducteur de la première voiture, sur la file de droite, n'ait le temps d'enclencher sa première vitesse, nous sommes déjà à quatre cents mètres devant lui!
-Tu n'es pas bavard, aujourd'hui, fait-elle.
-'Peux pas parler et prier en même temps!, lui dis-je.
Elle éclate de rire et enclenche la cinquième. Nous sommes sur la route Magalluf et nous devons frôler les cent soixante, cent septante kilomètres/heure.
Je suis vert, peut-être même vert fluo!
-Tu conduis toujours comme cela?
-Non, non! Là, je suis calme! Tu devrai me voir, quand je suis nerveuse!
AAAhhh! Elle est calme,là! Heureusement! En tout cas, tu ne perds rien pour attendre... Au retour, c'est moi qui conduirai!
-Tu n'as pas trop peur? Je profite seulement que la route soit bien droite. Plus loin, dans la montagne, je serai bien obligée de ralentir!, continue-t' elle.

69
J'ai déjà réciter trois fois le peu que je me souvienne de mon acte de contrition, quand nous abordons les premiers lacets de la route de montagne, qui mène à Formentor...
Effectivement, Coraline ralentit... Nous nous roulons plus qu'à un petit cent, cent-vingt, sur une route à peine assez large que pour permettre le croisement de deux voitures. Elle a allumé ses phares et actionne son klaxon multi-tons avant chaque épingle à cheveu. Elle aborde les virages comme un pilote de rallye, plaçant sa voiture en travers de la route bien avant le virage.
A chaque fois, elle en ressort dans la trajectoire idéale pour aborder le suivant!
Elle la connait bien ,cette route, me dis-je, pour moi.
Il ne nous faut qu'un quart d'heure pour arriver au parking du point de vue. Tout autre chauffeur, normalement constitué, aurait mis une heure, une heure trente, rien que pour profiter du paysage!
Elle rétrograde, a grand renfort de pointe-talon, et tourne à droite, en face du parking!
Sur ce dernier tournant, nous avons bien du laisser quinze centimètres de la gomme des pneus.
-Nous y sommes presque, dit-elle.
Moi, je ne dis plus rien! Je voudrai parler que je le pourrai, d'ailleurs, trop occupé à tenter de maîtriser les claquements de mes dents! Encore un tournant à droite, qu'elle prend dans un nuage de poussières et nous stoppons, en dérapage contrôlé, sur une esplanade sablée, où se trouve déjà garée quatre ou cinq voitures. Elle coupe le contact sur un dernier coup de gaz, à vide.
Nous descendons de voiture... Je manque de m'étaler dans la poussière... Mes genoux tremblent tellement qu'ils ne me portent plus!
Je m'appuie au toit de la GTI et remercie Dieu d'avoir veillé sur nous à haute voix, puis, plus faiblement:
-Coraline, ma chérie?
Elle tourne vers moi ses yeux de chat, plein d'innocence:
-Oui?
-Donne-moi les clefs de ta voiture... Tout de suite!
-Petite nature, dit-elle, en riant et en me lançant son trousseau.
-Où sommes-nous?, demandai-je avant de l'embrasser. (Oui, nous nous embrassons souvent, et alors? Cela dérange quelqu'un? C'est mon histoire et si j'ai envie d'embrasser Cora à chaque page du récit..., vous ne m'empêcherez pas!)
Sans répondre, elle me fait un signe de la main, l'invitant à la suivre...
Nous marchons quelques minutes au milieu d' une pinède dense et je suis surpris de trouver à cet endroit un grand portail de bois, coupant un haut mur de pierre. La voiture n'est qu'à quelques mètres et pourtant, on ne remarque rien depuis l'esplanade.
Coraline sonne d'une façon spéciale... Deux coups, trois coups. Elle attend une minute et recommence, mais donne trois coups puis deux cette fois.
Le portail s'ouvre avec un bourdonnement sourd, et nous pénétrons dans un vaste parc, bien entretenu, au fond duquel j'aperçois une vaste demeure à colonnes, du plus pur style espagnol.

A suivre
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