Posté le : 01/12/2009 09H31
[coucou]
Courage! C'est presque fini! [mdr]
Épisode 13
-Bienvenue à Villa Luna, me dit Cora en se tournant vers moi. Ma prison!, ajoute-t' elle.
Une dame d'un certain âge, mais encore très « verte », nous attend, debout sur le perron. Elle est entièrement nue...
Je regarde Coraline, surpris. Celle-ci a un petit geste de la main, semblant voir dire: ce n'est rien!
-Vous arrivez un peu tôt, dit-elle, en me tendant la main et en embrassant affectueusement Coraline, sur les deux joues. Entrez, entrez! Mettez-vous à l'aise...
-Pierre, voici Maria, la directrice de ce centre, me présente Cora.
-Maria... Pierre, mon seul et unique amour, continue-t' elle, en me regardant, les yeux brillants.
-Coraline vous a dit où vous vous trouviez, n'est-ce-pas?, me demande Maria.
-Heu... Je, Oui!
-Alors, vous savez ce que veut dire se mettre à l'aise, ici.
-Mais, heu, je.... Je croyais que seule les filles étaient admises ici et qu' elles seules seulement devaient..., dis-je, intimidé malgré moi.
-C'est tout-à-fait vrai, jeune homme! Vous n'avez normalement rien à faire ici... Mais ce que Coraline a vécu et surmonté mérite que je fasse quelques entorses aux sacro-saintes règles. Je vous demande seulement de me promettre de ne jamais parler de ce que vous allez voir ici..., dit-elle, d'un ton sentencieux.
Coraline est déjà dans la tenue locale de Villa Luna et après une fraction de seconde d' hésitation, je me plie à la coutume.
-Viens, je vais te faire visiter, dit Cora.
-Mais, heu... Les... Les pensionnaires..., dis-je, vaguement inquiet, malgré tout.
-Elles sont prévenues d' une visite spéciale aujourd'hui, dit Maria. Elles ne sont pas obligées de sortir de leurs chambres, si elle ne le souhaitent pas. Bonne promenade, mes enfants.
-Heu... Cora? Pourquoi Maria a-t' elle dit que nous arrivions un peu tôt?, demande-je.
-No sé! Elle m'a juste téléphoné à l'hôtel pour nous inviter aujourd'hui. Elle voulait faire ta connaissance...
Nous flânons, enlacés, dans le vaste parc, sous un ciel bleu intense, et le « chant » assourdissant des grillons.
Cora a une anecdote pour chaque endroit précis...
-Je n'aurai jamais imaginé, même dans mes rêves les plus fous, de me retrouver ici, avec toi, me dit-elle.
-Tu ne peux pas savoir ce que ces lieux paradisiaques, dit-elle, en désignant de la main l'espace autour de nous, ont été un enfer pour moi.
-Du moins, à mon arrivée, achève-t' elle, songeuse.
Moi, je l'imagine sans peine; petite fille sans défense, seule, nue, abandonnée, privée de tout contact avec sa famille et enceinte de surcroît!
-C'est fini tout cela, mon ange,dis-je en la serrant plus fort contre moi. Je suis là, maintenant...et je ne suis pas prêt de te lâcher!
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Elle se tourne vers moi et demande, d'une toute petite voix:
-C'est vrai, ce mensonge?
Je lui clos la bouche d'un baiser:
-Malheur à qui oserai en douter, dis-je simplement.
Nos pas nous ramènent vers le bâtiment principal:
-Attend-moi deux minutes ici, dit-elle. Je vais voir si nous ne dérangeons personne en visitant mon ancienne chambre...
Elle s'éloigne vivement, en direction de trois terrasses dallées, attenantes à la maison. Elle frappe à la porte-fenêtre du milieu, discute un court moment avec une silhouette et me fait signe de la main: je peux aller la rejoindre.
-Voilà... C'est ici que j'habitais. Rien n'a changé, fait-elle, soudain rêveuse.
-Je te présente Olivia, dit-elle encore, en me désignant une jeune fille qui doit avoir une quinzaine d'années au plus et qui, manifestement, est enceinte de plus de six mois. Elle seulement vêtue d'un soutien-gorge!
-Olivia... Pierre.
-Enchantée, me répond-elle, comme si nous étions dans une réunion mondaine.
J'imagine la tête d'un éventuel témoin de la scène: Nous sommes là, à poil, à discuter comme si de rien n'était. J'en fais part, à haute voix, aux deux filles et nous éclatons de rire.
Notre visite se poursuit. Cora m'entraine vers un bloc carré, à quelques centaines de mètres.
-Là-bas, me dit-elle, en désignant ce bloc du doigt, c'est la maternité.
-C'est là que..., et sa voix se brise sur un sanglot.
Je la serre fort contre moi, sans dire un mot. Nous restons un bon moment immobiles et enlacés, avant que Cora ne m'entraine vers le corps principal de l'énorme maison.
Nous entrons dans le vaste hall où Maria semble nous attendre.
-Venez, mes enfants, dit-elle. Ma surprise est prête... Suivez-moi!
J'interroge Cora du regard qui me répond par une mimique d'ignorance...
Nous pénétrons dans une vaste salle. Au fond, sur une petite estrade, est posé une grande table, ornée d'une nappe blanche.
Partout sont disposés d'énormes bouquet de fleurs, blanches, elles aussi.
Des chaises, une vingtaine au total, sont placées en demi-cercle devant la petite estrade. Entre le demi-cercle et la table, deux autres chaises, un peu plus hautes que les autres...
-Installez-vous sur les deux sièges, devant l'estrade, dit Maria.
Nous obéissons et nous asseyons.
A peine sommes-nous assis que jaillit de deux haut-parleurs, dissimulés sous la nappe de la table, une musique que je reconnais immédiatement comme la marche nuptiale de Mendhelson.
Cora et moi nous regardons, stupéfiés!
Au même moment, par la porte qui nous a permis d'entrer, arrivent tout le personnel de Villa Luna: Sophie, la gynécologue, Joëlle et toutes les infirmières, toutes les monitrices... Elles sont suivies par les quinze pensionnaires que comptent Villa Luna en ce moment.
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Tandis que le personnel prend place sur l'estrade, derrière la table, les filles, elles, vont s' asseoir sur les chaises placées derrière Coraline et Pierre.
Maria prend place derrière la table... Sophie s'en va arrêter la musique...
-Coraline, ma chérie, commence solennellement Maria, c'est ici, à Villa Luna, que ton histoire d'amour avec Pierre a été brutalement stoppée... J'ai donc pensé qu'il était normal qu' ici même, elle se renoue...
-Pierre et Coraline, levez-vous, s'il-vous-plaît...
Nous nous exécutons, attendant la suite...
-Coraline, accepte-tu de prendre pour époux Pierre Delcampe, ici présent?
Coraline, qui pleure à chaudes larmes, parvient à articuler, d'une voix claire et haute:
-Oui!
-Et toi Pierre: Accepte-tu de prendre pour épouse Coraline de Jarvaux d'Arbois, ici présente pour épouse?
-Oui, oui et oui!
-Je ne suis pas sourde, jeune homme, dit Maria, en riant. Un seul « oui » m'aurait suffit!
-Joëlle?
Celle-ci s'approche de nous, porteuse d'un petit coussin de satin blanc. Dessus sont posés deux anneaux d'or...
-Vous pouvez vous échanger les anneaux, continue Maria.
Coraline s'empare du plus grand et me le passe à l'annulaire gauche: il me va parfaitement! Je prend le second et le passe au doigt de ma Cora tant aimée...
-Pierre et Coraline, bien que je n'ai aucun pouvoir légal en dehors de Villa Luna, je vous déclare unis par les liens du mariage. Pierre, tu peux embrasser ta femme, achève-t' elle.
-Dorénavant, quoiqu'il arrive, ici, vous ne serez plus connus que sous le nom de Monsieur et Madame Delcampe, dit encore Maria.
Bien sûr, nous savons que ce mariage n'a aucune valeur légale, Coraline et moi...
Mais il n'empêche... Nous sommes émus comme si c'était notre vrai mariage et pendant que l'assemblée lance des « vive la mariée », nous nous approchons de Maria:
-Merci! Du fond du cœur, merci, lui dis-je, avant de l'embrasser sur les deux joues.
Coraline est trop émue pour parler, elle serre Maria contre elle, sans rien dire.
Si on nous avait dit, il y a treize ans, qu' un jour nous nous marierions, même si pas tout-à-fait légalement, nus comme des vers de terre sous les acclamations d'une assistance aussi nue que nous...
Cette journée pour le moins spéciale s'achève vers trois heures du matin, quand nous prenons congé de la folle équipe de Villa Luna, non sans leurs avoir promis que nous reviendrions, un jour où l'autre!
Nous avons regagnés El Arenal sous la pleine lune, en nous arrêtant à chaque points de vue... La tête de Coraline n'a jamais quitté mon épaule, sauf quand nous nous embrassions passionnément. C'est moi qui ai conduit la GTI, pour le retour; je ne suis pas complètement fou, si ce n'est fou amoureux d'elle!
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A dater du jour de notre « mariage », les jours ont filés à une vitesse folle...
Demain nous serons le 12 juin; je dois déjà rentrer...
Etrangement, Coraline n'a pas l'air de s'en émouvoir...
Crânement, je fais celui qui ne remarque rien, et pourtant j'appréhende le moment de notre séparation.
-Je ne prépare pas ta valise, a-t' elle dit. Le peu de bagages que tu as emmené peut rester ici, jusqu'à ta prochaine visite, non?
Nous passons notre dernière nuit ensembles et, quand le réveil sonne, à quatre du matin, elle me dit:
-J'irai te conduire moi-même: inutile d'appeler un taxi!
-Non, lui dis-je, je vais me conduire moi-même, avec ta voiture, cela d'accord...
Mais toi, me conduire... Plus jamais!
-Sot!, dit-elle en riant. Enfin, tu conduiras... puisque tu y tiens tant!
L'avion, à destination de Bruxelles, étant prévu pour un décollage à huit heure, nous arrivons à l'aéroport vers cinq heure quarante cinq. Deux bonnes heures à l'avance, comme précisé sur mon billet, bien que je n'ai pas de bagages à enregistrer.
-Je gare la voiture et j'arrive, me dit Coraline, en me prenant les clefs des mains.
Je reste seul, devant les portes de l'aéroport. Je n'ai pas envie de m'en aller...
Coraline me manque déjà!
Elle revient des parkings et je la regarde arriver, de sa démarche un peu dansante.
Comme elle est belle...
Elle est vêtue d'un petit tailleur gris, très strict, comme il sied à une directrice.
-Hé bien, allons-y!, dit-elle, presque joyeuse.
Je ne comprend pas son attitude: elle a l'air contente de me laisser partir, alors que moi...
Nous arrivons aux comptoirs d'embarquement:
-Donne-moi ton billet, m'intime-t' elle, sûre d'elle.
C'est vrai que c'est une pro du tourisme, me dis-je.
Elle farfouille dans son sac et en sort... un second billet!
-Qu'est-ce que..., commençai-je.
-Quoi? Oh, cela? Un billet d'avion, comme tu le vois! Je ne te l'ai pas dit?, demande-t' elle innocemment, ses yeux verts pétillants de malice.
-Tu ne m'as pas dit quoi?
-Que je me suis arrangée pour prendre trois mois de congés et que je pars avec toi! Je ne te l'ai pas dit? Cela a du me sortir de la tête!, fait-elle, ingénue.
Je n'ose encore croire à ce que j'entends...
-Trois mois? Tu as trois mois de congé?, que je bafouille.
-Oui, enfin presque. Je dois revenir ici une fois ou deux, mais dans l'ensemble..., j'ai bien trois mois!
-Mais, comment?
-Dis, qui est la directrice, à ton avis? Qui décide? Quant à mes patrons, ils m' ont immédiatement donné le feu vert: je n'ai jamais pris de congés jusqu'à maintenant.
Du moment que je supervise de loin, ils sont d'accords!
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-Tu m'as encore eu! Je croyais que... Je ne peux pas en dire plus: ses lèvres se sont écrasées sur les miennes!... ce qui, vous en conviendrez, est plutôt gênant pour parler, non?
Je profite du moment où elle va chercher un peu lecture, a-t' elle dit, pour donner un coup de téléphone.
Pourvu qu'ils soient déjà éveillés,me dis-je, en constatant qu'il n'est que sept heures du matin.
-Allo, papa? Tu peux me rendre un service?...
-Oui, à la reception du Sheralton, en face de l'aérogare, niveau « départs », achevai-je, la voyant revenir. Cela ira, tu crois? Oui, à dix heure, c'est cela! Merci, à tout-à-l'heure...
Moi aussi, je sais faire des surprises, ma chérie...
A sept heure vingt, nous embarquons dans l'avion, à huit, nous décollons et à neuf cinquante, nous nous posons sur le tarmac de Zaventem-Airport, autrement nommé Brussels-Airport, après un vol sans histoire. Nous n'avons aucun bagage, hormis le sac de voyages de Coraline et nous ne mettons que vingt minutes pour sortir du bâtiment.
-A mon tour de te faire une surprise, ma chérie! Viens avec moi!
Nous montons au niveau des « départs », traversons l'esplanade et entrons dans l'hôtel Sheralton.
Coraline observe les alentours, en professionnelle.
Quelques mots au concierge, et nous en ressortons, main dans la main, par la porte menant au parking.
Elle est bien là, juste devant nous, comme convenu avec mon père... qui la ramenée depuis Pont.
-Pierre, dit Coraline, interdite. Regarde!... On dirait... On dirait ta voiture!
-Ma voiture? Tu veux dire... notre voiture, non?
-Tu vois, mon cœur, dis-je. La boucle est bouclée... Tu as disparu un soir de décembre 1995, en sortant de cette voiture et je te ramène chez toi, chez nous, un matin de juin 2008, avec la même voiture! La période noire est finie, définitivement enterrée...
Nous avons toute la vie devant nous pour l'oublier...
Nous nous installons à bord et démarrons. Direction: Braine-l'Alleud!
Comme autrefois, quand nous nous rendions « chez nous », dans la cabane de
Sart-au-leu, Coraline a posé la main sur ma cuisse...
Cette fois-ci, nous rentrons vraiment chez nous: il n'y aura pas d'arrêt chez de Jarvaux d'Arbois!
Cédric n'est pas à prendre avec des pincettes, ce matin.
En arrivant, sur le seuil de porte du bureau, il a trouvé une vingtaine de gros étrons, soigneusement écrasés. Hier, c'était sur les pompes à essence; avant hier, devant les portes de l'atelier...
Certainement des gosses qui s'amusent, pense-t' il. Mais moi, j'en ai marre!
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Heureusement, Pierre rentre ce matin. Je n'aurai plus à faire l'ouverture!
A ce moment précis, la petite Renault cinq rouge s'engage sur la piste, devant les pompes à essence.
Aussitôt, toute la mauvaise humeur de Cédric s'envole.
-Coraline... C'est bien toi? Après si longtemps... Je ne croyais pas te revoir un jour!
Et l'autre, là, non plus!, dit Cédric, en me désignant du pouce et en claquant deux bises sonores sur les joues de Cora.
-Enfin, on va avoir la paix! Il ne nous bassinera plus avec Coraline par-ci, Coraline par là..., continue-t' il en riant. Vous avez faits bon voyage, vous deux?
-D' abord bonjour, mécréant, fais-je faussement fâché. Ensuite, je n'ai jamais « bassiné » comme tu dis, personne avec des Coraline par-ci et des Coraline par-là!
-C'est vrai! Mais tu y pensais tellement fort que je pouvais t'entendre! Mais... que vois-je? Le viking s'est fait couper les cheveux? Nous avons « Monsieur Propre » à sa place? C'est à toi que l'on doit ce miracle, Cora?
-Ah non!, répond-elle. Quand on s'est retrouvé, il était déjà comme cela! Il a été autrement?
-Autrement? Il avait des cheveux jusque là, fait-il, avec un geste de la main juste au raz de ses épaules. Et une barbe, je te dis pas!
-Il devait être beau!, fait Coraline, avec une moue qui en dit long.
-Bouge pas, fait Cédric. Je vais te montrer, tu vas pouvoir juger par toi-même!
Et il disparaît en courant vers le bureau. Deux minutes plus tard, il en ressort, tenant à la main un cadre avec une photo, me représentant le jour de la signature du contrat avec Aixam.
-Regarde!, fait Cédric, hilare.
-Tu me paieras cela, fais-je, avant d'éclater de rire, en même temps que Cora.
-Cela fait du bien de te retrouver, Cédric, fais-je plus sérieusement. Tiens, si je n'avais pas trouver Cora... tu m'aurais presque manqué!
-Presque, seulement?
-Tu vois?, dis-je à Coraline. En théorie, c'est moi le patron, ici! Mes ouvriers sont censés me traiter avec déférence et respect. Au lieu de cela..., tu as entendu comment il me parle, lui! Et tu ne connais pas encore Jean-Marc, à Pont! C'est encore pire!
-C'est possible, cela?, demande Cédric, le plus sérieusement du monde.
-Hélas, oui!, fais-je.A part cela, tout va bien ici?
-Dans l'ensemble, oui! Mais j'ai quand même un léger problème dont nous
parlerons quand tu auras plus de temps. Je suppose que tu brûles d'envie de montrer à ta moitié son nouveau domaine...
-Tu supposes juste, dis-je, en m'éloignant vers la maison, Coraline serrée contre moi.
Nous sommes rentrés depuis trois jours et j'ai repris mon rôle de patron, au sein de mes entreprises.
En examinant mon courrier de ce dernier mois, je suis tombé sur « Le boursicoteur », petit journal mensuel destiné à ceux qui jouent en bourse.
A suivre
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