Une cinquantaine de familles habitent sur la partie du plateau de Mare-à-Poule-d’Eau la plus sujette aux mouvements de terrain. L’un des plus imposants au monde : la vitesse de déplacement atteint jusqu’à 1,70 m par an ! Le plateau disparaît lentement, mais inexorablement. Les habitants ont appris à vivre avec les fissures... Certaines maisons se sont déplacées de douze mètres en neuf ans !
Ils sont de plus en plus inquiets. En tout cas conscients du phénomène colossal se déroulant sous leurs pieds. Jean-Pierre et Anne-Marie habitent le long de la RD 48, peu après le pont de la Savane, en direction de Mare-à-Poule-d’Eau. La zone la plus sensible au mouvement de terrain gigantesque touchant le plateau de Hell-Bourg/Mare-à-Poule d’Eau. Le second mouvement de grande ampleur du cirque avec celui de Grand-Ilet (nos éditions précédentes). À Mare-à-Poue-d’Eau, la vitesse de déplacement atteint jusqu’à 1,70m par an (secteur “Tournant bambou” sur la RD 48) ! Situant le phénomène parmi les records mondiaux en la matière. Chez la famille Maillot, il ne faut pas longtemps pour trouver des traces des désordres engendrés par le mouvement. Une longue fissure coupe en deux leur cour. Cette dernière doit être comblée périodiquement : “On a coulé l’équivalent de quatre camions toupies la dernière fois”. Jean-Pierre attrape une tige en métal pour tenter de mesurer le déplacement de sa maison. Les dalles en béton situées auparavant au niveau du perron sont désormais situées 60 à 80 cm plus bas ! La maison n’a pourtant que dix ans. À l’intérieur, d’inquiétantes fissures tailladent les murs. Dans l’une des chambres, on peut désormais apercevoir la lumière du jour à travers l’écart crée par l’une d’entre elles (voir photo). “Heureusement, ma maison est bien ferraillée”, tente-t-il de se rassurer. “La nuit, on entend craquer la maison”, poursuit son épouse. Une bonne raison à cela : la case a bougé de douze mètres en neuf ans !
“Pour aller où ?”
Des mesures réalisées grâce au système de surveillance du BRGM. Un mouvement lent, pas forcement ressenti par les habitants (leur maison bouge avec le plateau), même si les fissures font un moment où à un autre leur apparition. Sauf quand le terrain se situe au-dessus d’une fissure active avec un déplacement horizontal accompagné d’un tassement. Le couple souhaite désormais partir. Mais, pour aller où ? “Ailleurs, là où ça ne bouge pas”, sourit Anne-Marie. “Avec la mairie, nous allons monter un dossier pour le fonds Barnier (voir Repères)”, informe-t-elle. Deux familles en ont déjà bénéficié à Mare-à-Poule-d’Eau (voir par ailleurs). Fait bizarre, si toutes les maisons situées sur le plateau bougent, toutes ne sont pas logées à la même enseigne, selon la présence ou non de fissures proches des habitations. “Je vois bien les panneaux sur la route, mais je ne sens rien. Je ne savais pas”, confie une septuagénaire située pourtant à quelques centaines de mètres de la première maison. Juste une petite fissure témoigne du mouvement se jouant sous ses pieds. Ce qui n’est pas le cas de ses voisins situés en face de chez elle : des fissures tailladent le plafond et le plancher. “On est obligé de combler tout le temps”, témoigne le mari. La maison n’est pas à “niveau” : le sol est gondolé. L’eau de l’aquarium est désormais en biais ! Plus haut, un couple a reconstruit une maison à l’arrière d’une première en train de s’affaisser gravement par l’avant. Le perron est désormais désolidarisé de près d’un mètre de la maison. Une fissure semble passer en plein dans leur terrain, s’affaissant lui aussi. “Et pourtant, on paye des impôts”, s’énerve le mari. Eux aussi pensent à partir... Le début de démarche parfois longue et compliquée. Le plateau lui continue sa lente course vers la rivière...
Philippe Madubost
- 1980 : la mare à Poule d’Eau cède Les habitants s’en souviennent comme si c’était hier. Lors du passage de Hyacinthe en 1980, un “déboulé” s’est produit au niveau du “Kiosque” (le point de vue à l’entrée de Hell-Bourg) : de grands panneaux s’effondrent parallèlement au rebord de la falaise, et d’énormes quantités d’eau et de boue se déversent dans la mare à Poule d’Eau. Cette dernière cédera au niveau du réservoir. Un flot de boue, de pierres et de rochers déferle alors sur le versant, détruisant tout sur son passage : route, habitations, végétation, jardins… La RD 48 est alors emportée sur environ 150 m en contrebas. En 1987, lors du passage de Clotilda, un autre glissement de terrain de 20 000 m3 affecta ce même secteur, obligeant l’évacuation d’habitations sur la Mare-à-Poule-d’Eau.
- Le Fonds Barnier Le fonds Barnier vise à financer des mesures de réduction de la vulnérabilité. Un particulier peut bénéficier, sous certaines conditions et dans certains cas, d’une subvention pour contribuer au financement de mesures de réduction du risque ou de l’indemnité allouée en cas d’acquisition amiable de l’habitation par la commune, un groupement de communes ou l’Etat. Il aide aussi au financement de l’indemnité allouée en cas d’expropriation du fait de péril important et aux frais de prévention liés aux évacuations temporaires et au relogement des personnes exposées. Il est financé par les sociétés d’assurances qui versent une partie de la cotisation perçue au titre des catastrophes naturelles et des avances de l’Etat. Les dossiers sont suivis par la cellule risque de la DDE.
Source [fleche]
http://www.clicanoo.re