Posté le : 09/07/2009 11H19
Un article intéressant paru dans l'édition électronique du Monde aujourd'hui présentant un bouquin "LES CORPS D'ÉTÉ, XXE SIÈCLE. NAISSANCE D'UNE VARIATION SAISONNIÈRE" de Christophe Granger. Dans la très bonne collection "Autrement" (NDLR [clinoeil]) , 162 p. 18 €.
On s'aperçoit qu'aujourd'hui encore, le corps mis à nu est toujours fondamentalement dérangeant. A se demander si ce n'est pas le bonheur qui dérange surtout
Voici l'article :
"C'est un ouvrage savant sur un sujet frivole qui tombe à pic en ce début de transhumance estivale. Christophe Granger, enseignant-chercheur en histoire contemporaine, raconte l'histoire des corps en été. Il a enquêté sur les "noces barbares" de la plage, du soleil et de la nudité, qui furent, jusqu'au milieu des années 1970, l'objet de batailles homériques oubliées.
Qui se souvient qu'en 1973, Paris Match se demandait si les seins nus "traumatisaient les enfants" ? A la lecture du livre très documenté de Christophe Granger, on se rend compte que cette affaire "surgie au milieu des années 1960 et revenue tarauder le pays par bouffées successives une bonne décennie durant" a été - l'ultime ? - avatar d'une très longue croisade.
Mais c'est une histoire plus ancienne qui a inspiré sa recherche. Elle se passe à l'été 1934, dans une petite commune du Lot, sur la plage d'un étang. Un groupe de vacanciers s'y prélasse, bras et jambes offerts aux rayons. Les villageois s'échauffent, le curé s'en mêle et menace de priver les baigneurs du sacrement du 15 août ! Le tout est raconté par un instituteur qui, à l'époque, en fait un livre.
C'est le recensement de ces affrontements, pétitions, édits et arrêtés, qui ont jalonné l'histoire des corps en été, qui donne sa saveur au livre. En 1924, Le Courrier des dames préconise l'adoption d'un décret américain fixant à dix centimètres l'intervalle entre les corps sur la plage. En 1927, sur une côte bretonne, une conspiration est ourdie contre un groupe de baigneuses qui sont roulées dans les orties. A l'été 1933, du Nord au Sud, les sociétés de moralité et les associations familiales se livrent à de véritables scènes de "liesses punitives". On publie des listes de "plages immorales" et on peut se procurer, dans tout bon secrétariat diocésain, une pochette contenant pétitions et lettres type, affiches et tracts.
La suite de l'histoire nous est plus familière. L'entre-deux-guerres ayant, à marche forcée, "forgé la légitimité des corps d'été", après la parenthèse de Vichy qui l'efface pour un temps, la Libération, et, surtout, les années 1960, en reprennent le flambeau. Silhouettes balnéaires, culture adolescente et diktat de la mode s'imposent. On bronze "idiot" et on aime ça. La poussée libertaire d'après-Mai 1968 inventera le sein nu, mais clouera aussi au pilori cette union béate du soleil et des corps. Un nouveau coup de balancier que Christophe Granger racontera peut-être dans un prochain livre."
Bonne lecture (d'été !)