Le compte rendu de la journée, mouvementée, de Port Pin, comme si vous y étiez.
Les années se suivent et ne se ressemblent pas, parfois c’est heureux, d’autres moins.
Port Pin est la première calanque juste après Port Miou. Cette dernière est malheureusement utilisée comme un immense port de plaisance et de mouillage après avoir été défigurée par l’exploitation de la roche de Cassis.
Port Pin est la dernière calanque appartenant à Marseille et la première en cœur du Parc National en partant de Cassis mais aussi la première ou les promeneurs peuvent aller en dehors des rochers, elle est de fait surfréquentée.
Il fut un temps ou il y avait des naturistes (jusqu’au milieu, ou fin, des années 80, ils étaient sur les rochers avant la plage).
Ce dimanche, nous avons donc proposé à nos adhérents une action militante à la calanque de Port Pin, lieu touristique par excellence afin de démontrer que le naturisme peut vivre avec les autres usagers en toute quiétude. Après juin et septembre 2011, c’était la troisième édition pour cette action, cette fois sans Gilles et sa caméra pour témoigner du bon accueil du public et on peut dire qu’elle nous a manqué. La grande question, va-t-on voir la police une seconde fois ?
Nous arrivons à 9h00 sur place, nous sommes quasiment les premiers, nous nous installons rapidement. Au total, nous sommes 17, un enfant et 3 femmes. Après avoir mis la pancarte pour avertir les touristes de notre présence, je rejoins mes amis qui testaient déjà l’eau fraîche de la calanque en tenue de peau. La banderole est déjà installée, ils sont forts mes adhérents.
Peu de temps après les premiers plagistes arrivent. Certains se mettent à l’écart, voir, vont s’installer sur les rochers, on ne sera pas si c’est à cause de nous, pourtant nous sommes loin d’avoir investit la crique.
La matinée se déroule sans aucun heurt, on voit bien que certains sont interloqués, surpris, mais aucune agressivité, ni signe d’énervement, ni gestes d’humeur. Rien, le calme plat.
Un enfant se coupe le pied, j’ai une bombe de désinfectant, je traverse la plage, je parle avec les parents comme si de rien n’était, on me remercie, tout se passe bien. Aucun regard désapprobateur.
Il faut dire qu’il y a moins de monde que l’année dernière, la fête des pères sûrement, cumulé aux élections.
D’autres débarquent, nous regardent et ….enlèvent tout, le temps d’un petit plouf dans l’eau et d’une bronzette. Au total, 3 femmes et deux hommes mais ils ne restent pas longtemps, j’ai quand même le temps de donner un flyer à chacun.
Puis, on m’appelle « ah un renseignement sur les Calanques ? » « Non, c’est nous qui allons vous renseigner, nous sommes les patrouilleurs du GIP, c’est vous qui avez installé la pancarte en haut sur l’arbre ? C’est interdit, si tout le monde fait ça, ce soir c’est barbecue chez Roger…on s’en sort plus, vous comprenez ? » « Ah ok, je voyais pas les choses comme ça mais si vous le dites, ok pas de soucis, excusez nous », « Et, rhabillez vous, ici c’est pas naturiste….. » AIE !!! ça va encore chauffer !
Je vous passe les détails « rhabillez vous, vous avez d’autres endroits » « oui, ici, par exemple, la pratique libre du naturisme est marquée dans la charte » « oui, je sais mais ici c’est interdit », « non, ici c’est pas interdit, il y a même une tolérance, j’ai des papiers qui le disent », « ces papiers n’ont aucune valeur juridique », « même si c’est un office du tourisme qui le dit », « non, ça n’a pas de valeur », « et la charte des Calanques, elle a une valeur ? »
Je leur explique qu’ils ont pour missions, il me semble, de cadrer les activités qui ont un impact potentiellement négatif sur l’environnement, nous, c’est un « usage doux » qui n’a pas d’impact car on ne pollue pas, et on ne risque pas de mettre le feu. Ils me rétorquent que ça peut gêner des passants. Je lui explique qu’il n’y a pas de loi en France, et encore moins dans la charte, qui permet d’interdire quelque chose que vous ne voulez pas voir. Mais à priori, les passants font aussi parties de ses missions dans le cadre des conflits d’usages, j’ai du mal à comprendre vu qu’ici tous se passe bien, je commence à croire que j’ai loupé des étapes dans la phase de concertations.
Je leur dis que je sais très bien que ce n’est pas parce que le naturisme est inscrit qu’on peut en faire partout, il y a des sites ou cela n’a jamais été pratiqué et ou je n’en ferais jamais et que la charte ne nous protège pas de la loi sur l’exhibitionnisme sexuel sur laquelle on peut avoir des soucis car la charte n’est pas au dessus de la loi. L’un d’eux, me dit « la charte n’est pas en dessous de la loi, la charte est une loi »….là, je crois qu’on ne va pas s’entendre…j’essaie d’aller dans leur sens en montrant une analyse réaliste de ma pratique et ça ne marche pas…
Finalement, il appelle sa responsable au GIP que je ne connais pas : « Ma hiérarchie m’a confirmé qu’il était inscris dans la charte que le naturisme était interdit à Port Pin ». Là, on atteint le point de non retour car je lui dis que c’est complètement faux. Il me rétorque que le site est public, il a raison, comme toutes les plages de France. Du reste, s’il me cite une plage privée dans les calanques, je suis tout ouï.
A côté de nous, les autres usagers ne bronchent pas, ils assistent en spectateurs. Personne ne prend notre défense mais personne ne nous enfoncent non plus. D’autres viendront me dire plus tard « vous avez eu raison ». J’entends une femme en topless dire à son amie « et les seins nus c’est du naturisme ? pfff faut arrêter un peu… ». Je ne sais pas trop comment interpréter cette réflexion.
Le ton redescend un peu, finalement, il nous propose de changer de place et d’aller sur les rochers à l’entrée de la calanque. Je lui dis que pour mon fils, les rochers sont trop dangereux et en plus, il s’est fait des amis qui ont adopté la même tenue que lui. Je lui dis que nous allons faire en sorte de nous regrouper dans un coin de la plage de sorte à prendre moins d’espace et je promets de discuter de sa proposition à mes amis sans rien lui promettre.
A son retour, on s’est décalé, et on a enlevé la banderole, comme promis mais ça ne lui suffit pas. Il nous menace d’appeler l’ONF, je lui dis que pas de problème je les connais, il me menace d’appeler les flics, je lui dis « ok, ils me connaissent ».
Une bonne heure après, la police arrive finalement, j’ai toujours autant de mal à croire que la police puisse se déplacer pour des naturistes 40 ans après St Tropez ! Belle évolution de la société ! Les agents de la police nationale maritime ont le grand sourire en nous voyant. Je leur serre la main et me disent « on était sûr que c’était vous ! ». Certains du groupe leur disent « ah mais vous le connaissez ? » « Bien sur qu’on le connaît, même que parfois, il vient prendre l’apéro à la maison ! » (déconnade du flic, hein, c’est pas vrai ! mdr). Je leur dis qu’il y en a un dont je ne me souviens pas, effectivement, son collègue me dit « le pitt-bull ? On l’a laissé sur le bateau cette fois ! Et au fait, merci pour la télé, tous les collègues nous ont appelés pour me dire qu’on m’avait vu avec les nudistes de Port Pin ! Bon sinon qu’est ce que vous nous faites, vous êtes encore à poils ? ».
Les patrouilleurs du GIP sont derrière, assistent à la scène et sont, pour le moins, interloqués par l’entrevue. En bonne intelligence, ils laissent parler la police et écoutent.
Les deux policiers nous demandent de nous rhabiller le temps du contrôle ; classique vous allez me dire, vu que ça se passe bien, je décide de faire un geste de bonne entente, on se rhabille. Et je précise « le temps du contrôle seulement d’accord ? Après on se remet comme on était quand vous êtes arrivés » « Ca on verra, on va d’abord un peu discuter, vous avez votre pièce d’identité ? ». « Ah oui, je l’ai amené cette fois (et je le dis avec le grand sourire) vous vous souvenez l’année dernière ? Cette fois, je l’ai ! Sinon, je pense que ce n’est pas la peine de contrôler tout le monde, je suis le Président de l’association, c’est moi qui ai organisé la sortie ». « On verra, on verra… ».
Au passage, j’essaie d’aplanir la relation qui avait mal commencée avec les patrouilleurs, je dis à l’un d’eux qu’ils ne font vraiment pas un métier facile, que je ne pourrais pas faire pareil, qu’il faut de la patience et de la diplomatie et que d’ailleurs j’avais apprécié sa manière d’aborder notre échange.
S’ensuit une discussion amicale avec la police durant une bonne heure. Ils ne contrôlent finalement pas les autres. Ils nous disent qu’ils comprennent parfaitement notre mode de vie, que s’ils étaient à notre place, eux aussi ils seraient à poils à la plage, on blague, on leur donne le flyer, on leur dit d’adhérer et de se désaper….ils ont du mal à rester sérieux car tout le monde rigole. Ils finissent par dire « bon ok, les gars vous restez habillés, ou vous mettez un maillot et on en reste là ? » « Vous avez fini le contrôle, on peut tout enlever alors ? Puisque vous avez dit que c’était juste le temps du contrôle ? Et sur ce, je montre l’exemple, j’enlève la serviette en disant que j’ai trop chaud ».
Là, ils tiquent, je me rhabille, et je leur dis « je vais être honnête avec vous, je vais pas vous dire que je vais me rhabiller, c’est pas vrai alors je préfère le faire devant vous comme ça, vous constatez que je ne bluff pas », « Et vos amis, ils vont faire quoi ? », « mes amis ? Ils font ce qu’ils veulent, j’ai pas d’ordre à leur donner, mais moi, je me remets nus, j’ai trop chaud », « Ah ça c’est un bon président (les flics qui disent ça !!) »MDR !
Et ils rajoutent « écoutez, ça peut aller loin votre affaire, vous savez, il va falloir que j’en réfère à mon supérieur qui lui ne sera pas quoi dire, il va monter au dessus de lui, ça va atterrir au Préfet et à un niveau ou il n’y aura personne au dessus, et je vais être forcé de vous mettre une amende pour infraction ». Certains adhérents s’affolent un peu, ma langue dérape et je lâche « Ne vous inquiétez pas, c’est en bois, ça n’existe pas une amende comme ça, euh, enfin, je ne voulais pas dire ça, mais c’est vrai vous aurez du mal à trouver la case ». Les flics rigolent mais disent quand même « vous voulez qu’on mette aussi insubordination aux forces de l’ordre dans le PV ? »
Finalement, ils partent, j’entends le flic dire en douce aux patrouilleurs « allez, c’est bon », j’attends un peu pour ne pas les narguer car j’ai compris qu’ils ne voulaient pas que je me déshabille devant eux pour ne pas qu’ils croient que je défie leurs autorités. Mais depuis une heure qu’on parlemente, d’autres personnes sont arrivées, des gens qui ne nous avait pas vu en tenue d’Adam et Eve, la plage est presque bondée, que des maillots, certains de mes adhérents hésitent, j’enlève rapidement ma serviette qui formait une étuve autour de ma taille, d’autres m’imitent (environ le quart) et puis quand tout le monde constate que ça se passe aussi bien qu’en début de journée, tout le monde reprend sa tenue de naissance. Les mentalités ne peuvent évoluer que par l’exemple.
Nous restons jusqu’à 17h00 sans aucune entrave avec la ferme intention d’aller voir le GIP le lendemain pour parler de ces incidents et voir comment on pourrait mieux s’organiser à l’avenir.
Marseille (tout arrondissement)
