Posté le : 06/12/2019 08H01
Bonjour. Il y a peu de temps, je découvrais un auteur Français Sorj Chalandon par la lecture de son dernier roman " Une joie Féroce", qui m'a donné envie de mieux le connaitre. Le personnage principal de "Retour à Killybegs " est un membre de l'IRA; j'avais oublié cette guerre fratricide et civile qui a décimé une jeunesse qui allait jusqu'au bout de leurs grèves de la faim, oublié aussi les tirs à balles réelles de l'armée Britannique sur la foule. Cet homme trahira sa cause, et devra s'exiler devenu un paria aux yeux de ses ex compagnons de lutte, convaincu que cette guerre sera sans fin face à l'obstination de la Dame de fer Margaret Thatcher qui échappera à l'explosion d'une bombe qui fit 4 morts en 1984. L'Ira assassinera Lord Mountbatten, cousin de la Reine et dernier Vice roi des Indes .
Le troisième roman lu de cet écrivain, " Le quatrième mur ", m'a entraîné dans une autre guerre, celle du Liban; le récit commence à Paris dans les années 80 avec une amitié qui se noue entre Sam, un intellectuel Grec qui a fuit son pays parce que rien que cet adjectif le mettait en danger face aux dictateurs qui avaient pris le pouvoir, et Georges un doux post- soixante- huitard homme de théâtre dans des patronages . Le rêve de Sam est de monter l'Antigone d'Anouilh à Beyrouth et d'en faire un symbole de paix de deux heures en attribuant les rôles à des filles et à des garçons de chaque camp. Sam malade chargera Georges d'aller à Beyrouth où ce doux rêveur côtoiera l'horreur d'une guerre insidieuse pendant laquelle les gens préféraient entendre le bruit des bombes car on savait s'en protéger sachant d'où elles venaient, plutôt que la traîtrise du silence. Alors que Georges arrive avec difficulté à constituer la troupe qui jouera Antigone, la plupart des futurs acteurs disparaitront de manière cruelle dans des crimes de masse. Georges revient à Paris et n'arrive pas à avouer l'échec de son projet à Sam mourant; il ne supporte plus les rires futiles autour de lui, le caprice de sa fille qui pleure pour une boule de glace tombée par terre alors qu'il a vu des dizaines de cadavres d'enfants déchiquetés. Après la mort de Sam, complètement perdu pour une vie " normale" à Paris, il s'enfuira à Beyrouth sachant que son destin sera une mort à la fois inattendue et possible à chaque instant comme cela a été le cas pour des milliers de personnes durant cette guerre .
Ces deux romans certes d'une tristesse et d'une horreur infinies m'ont fait prendre conscience qu' autour de nous pour lesquels les années 80 étaient pleines de promesses, il y avait à 3 heures de vol de notre pays des guerres civiles meurtrières .
Dans ces années là, l'aéroport de Beyrouth était souvent fermé au trafic aérien des compagnies étrangères . Les Libanais qui pouvaient voyager préféraient faire la traversée Beyrouth-Nicosie sur des ferries équipés de casinos dans lesquels ils se divertissaient et voyager avec Air France pour venir sur Paris que de voler sur la Middle East. Je me souviens d'une jeune passagère avec un bras plâtré en écharpe, le visage griffé de zébrures ; deux jours auparavant elle se promenait avec sa meilleure amie et à un moment celle ci qui était sur sa gauche est venue prendre son bras sur sa droite; une bombe a explosé fauchant son amie à sa place. Cette jeune fille racontait ce fait de façon qui me paraissait étrangement banale, et j'ai compris que c'était cette banalité de la mort que vivaient ces gens chaque heure, chaque minute de leur vie. Elle partait se reposer chez une tante, mais pensait déjà à son retour à Beyrouth parce qu'elle aimait son pays et parce que la guerre était son quotidien depuis son enfance et qu'elle acceptait tout cela . Quelle leçon de vie cette jeune fille de 18 ans a donné au trentenaire que j'étais et qui bouffait la vie de façon insouciante .
Puis dans mes lectures j'ai retrouvé une certaine légèreté avec le roman inédit de Françoise Sagan, " Les quatre coins du cœur"; on y retrouve le monde suave d'une bourgeoisie qu'elle a toujours su dépeindre. Le seul point négatif est que ce roman est resté inachevé; mais ce gros point d'interrogation final peut aussi nous entraîner vers des tas de suppositions n'est ce pas ?.
Très bon Vendredi pour chacun d'entre vous. Bernard
Message edité le 06/12/2019 09H14