Réflexes tendres
Poème à Christiane
Viens tout près de moi que je te dise ;
Ce soir je me sens troublé
Par ta présence exquise ;
J'ai chaud et, tout angoissé,
Je cherche des phrases
Que tu n'écoutes pas...
Que tu es belle sous ces voiles de gaze,
J'aime la nudité de tes bras ;
Donne-moi la fleur une de ta bouche
Et ton corps, mince et nerveux,
Que je touche
De mes doigts curieux.
Depuis deux ans, chaque jour,
Quand je m'allonge dans ton étreinte
L'Amour
Nous marque de son empreinte.
Oh ! Cette intime liaison
De ton être avec mon être...
Au diable la raison,
Te donner...me soumettre...
Bonjour ma petite femme...
Non, depuis l'aurore je ne dors plus ;
Le petit jour à interrompu
Mon repos et, la joie dans l'âme
Je te regardais dormir...
Quel doux visage, quel front limpide
Tu avais, en ces premières clartés livides
Du matin ! J'écoutais ton souffle, tes soupirs
Et je suivais des yeux l'ondulation féline
Sous les draps
De ta jeune poitrine,
De tes bras...
Je pensais à ton beau corps inerte,
Engourdi par le sommeil
Et qui, tout à l'heure, s' agiterait, alerte,
À ton réveil.
Je pensais aussi à ton rêve...
J'aurais voulu le deviner
Mais des minutes ont passé, trop brèves,
Et nul ne le connaîtra jamais...
Ne t'inquiète pas de ta première ride,
Moi, j'ai bien, déjà, quelques cheveux blancs ;
Nous sommes encore jeunes, valides,
Que veux-tu, nous subissons l'empreinte du temps.
Le jeune amant exige
Un visage sans tare et un galbe parfait,
Un corps usé l'afflige,
Il dédaigne les colories passées...
Ah ! N'ignore pas que peu à peu vient l'âge
Où le charme du coeur
Est la plus tendre image
Qui puisse illustrer notre bonheur,
Que le corps n'est qu'une enveloppe,
Un étui charnel et vain
Qui naît, croît, se développe,
S' amoindrit, decline et meurt enfin...
Au dessus de l'amour plaçons la sympathie
Car, un jour, l'amour est mort ;
Et seule l'amitié que nous avons bâtie
Unira nos deux corps...
Albert Lecocq 1930